«LES ARMES COLLECTEES SERONT ACHEMINEES A DAKAR POUR ETRE STOCKEES, DECOUPEES ET DETRUITES»
COLONEL WAGANE FAYE SUR LA CIRCULATION DES ARMES LEGERES ET DE PETIT CALIBRE
Directeur du contrôle, des études et de la législation au ministère des Forces armées, le Colonel Wagane Faye, par ailleurs, Secrétaire permanent de la Commission nationale de lutte contre la prolifération et la circulation illicite des Armes légères et de petit calibre (Comnat/Alpc), a, dans cet entretien qu'il nous a accordé, décliné la politique de l’Etat sur la lutte contre la prolifération des armes légères. En sa qualité de Secrétaire permanent de la Commission nationale chargée des armes nucléaires, biologiques et chimiques, Colonel Faye est revenu largement sur les dispositifs mis en place par le gouvernement du Sénégal pour assurer la protection des populations et de leurs biens.
Nous assistons à la recrudescence de la violence au Sénégal, les agressions se multiplient, conduisant à des morts d'hommes. Avant c'était des armes blanches, aujourd'hui ce sont des armes à feu sophistiquées. Comment ces gens se sont procuré ces armes ?
Permettez-moi de ne pas être d’accord avec le tableau que vous venez de peindre. Il y a certes des cas isolés d’attaques à main armée. Mais les auteurs de ces agressions continuent à utiliser - à de rares exceptions près - des armes blanches et des armes de fabrication artisanale. Les forces de sécurité et de défense, avec le soutien de l’Etat, font quotidiennement tout ce qui est humainement possible pour protéger les personnes et leurs biens. Il est vrai, cependant, que la vigilance s’impose compte tenu de la position géostratégique de notre pays. Les plus hauts responsables nationaux en sont conscients.
Une campagne de sensibilisation sur la circulation des armes légères a été menée par la Comnat/Alpc, où est-ce vous en êtes ?
La Commission nationale de lutte contre la prolifération et la circulation illicite des armes légères et de petit calibre (Comnat/Alpc) a été créée en 2000 pour assister les autorités nationales compétentes dans la conception, l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique nationale de lutte contre la prolifération et la circulation illicite des armes légères et de petit calibre. Elle est placée sous la Présidence (de la République), le secrétariat permanent et la coordination du ministère des Forces armées. Elle comprend des représentants de la Présidence de la République, de la Primature, des ministères concernés et de la société civile. Elle dispose d’un plan d’actions national sur les armes légères et de petit calibre composé de 65 activités, dont la sensibilisation et l’éducation du grand public et des Forces de défense et de sécurité sur les méfaits de la prolifération des armes légères et de petit calibre.
En 2014, avec l’appui des plus hautes autorités, la sous commission Société civile et la sous commission Défense et sécurité ont fait des tournées de sensibilisation et d’éducation publique dans plusieurs régions et zones militaires du pays. Il s’agit maintenant de procéder à la collecte et à la destruction des armes obsolètes, saisies et confisquées, stockées dans les magasins d’armes des Forces de sécurité et de défense et dans les locaux des greffes des tribunaux.
Je rappelle que le lancement officiel des activités de collecte et de destruction a eu lieu le 30 octobre 2014, à Dakar, sous la présidence de monsieur le ministre des Forces armées, cérémonie au cours de laquelle des machines de marquage des armes à feu et l’avant projet de loi sur le régime général des armes et son projet de décret d’application ont été remis officiellement, respectivement au ministre des Forces armées et au représentant du ministre de l’Intérieur et de la sécurité publique. Monsieur le Premier ministre d’alors a instruit tous les ministères concernés de collaborer étroitement et de soutenir la Commission nationale pour la réussite de son projet de collecte et de destruction d’armes et munitions obsolètes détenues par les Forces de défense et de sécurité, ainsi que les armes et munitions saisies ayant fait l’objet d’une décision de justice et stockées dans les juridictions de jugements, conformément à son plan d’actions national sur les armes légères et de petit calibre. Les armes et munitions concernées sont recensées. L’Onudc (Office des Nations unies pour la drogue et la criminalité) a accepté de prendre en charge les coûts de la construction du hangar où elles seront stockées et découpées en vue de leur destruction. Les armes et munitions à détruire seront acheminées à Dakar dès que le hangar en construction sera prêt à les recevoir.
Quel usage faites-vous de ces armes récupérées ?
Les armes collectées seront acheminées à Dakar pour être stockées, découpées et détruites. Les méthodes de destruction sont en cours d’évaluation par des experts du Sénégal et de l’Onudc. Un choix définitif sera fait à cette issue.
Que comptez-vous faire pour mettre fin à la circulation des armes de petit calibre dans le pays ?
Le gouvernement du Sénégal s’est très tôt résolument engagé dans une politique nationale de renforcement de son dispositif de lutte contre la prolifération et la circulation illicite des armes à feu. Au plan législatif et réglementaire, la loi 66-03 du 18 janvier 1966 sur le régime général des armes à feu au Sénégal et de son décret d’application n° 66-889 du 17 novembre 1966 ont été pris. Ces deux textes devenus désuets sont en cours de révision, sous l’égide de la Commission nationale, avec l’appui technique et financier de l’Onudc, pour inclure les dispositions impératives des instruments juridiques régionaux et internationaux signés et ratifiés par le Sénégal. Il s’agit notamment de la Convention internationale des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée (Untoc), du Protocole contre la fabrication et le trafic illicite d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la Convention des Nations unies contre la Criminalité transnationale organisée (en abrégé Protocole sur les armes à feu (Paf)), de la Convention de la Cedeao sur les armes légères et de petit calibre, leurs munitions et autres matériels connexes du 14 juin 2006, et du Programme d'action des Nations unies pour prévenir, combattre et éradiquer le commerce illicite des armes légères et de petit calibre sous tous ses aspects (Poa).
L’avant-projet de loi sur le régime général des armes et munitions et de son projet de décret d’application ont été validés, lors d’un atelier à Saly, du 18 au 20 septembre 2014. Ces documents ont été remis officiellement, le 30 octobre 2014, au ministre de l’Intérieur et de la sécurité publique qui est chargé de les porter devant les institutions compétentes. Cet avant projet de loi comporte de nombreuses innovations. Il définit, par exemple, des termes qui ne figuraient pas dans la loi de 1966 comme le marquage des armes et le courtage. Il prévoit également des sanctions pénales plus sévères pour les faits illicites portant sur les armes (fabrication illicite, trafic illicite, etc.). Il rend, en outre, obligatoire le marquage des armes pour leur traçabilité. Il impose, en plus, des mesures de sécurisation des stocks d’armes à feu, de leurs pièces et munitions et un renforcement du contrôle aux frontières et la coopération transfrontière. Le courtage est aussi devenu très encadré. Par ailleurs, le système de délivrance de licences ou d’autorisations a été rendu plus efficace. La liste des innovations n’est pas exhaustive.
Au plan institutionnel, le Sénégal dispose d’une Commission nationale de lutte contre la prolifération et la circulation illicite des armes légères et de petit calibre dont les missions et la composition ont été rappelées supra. Cette Commission nationale va poursuivre la mise en œuvre de son plan d’actions national de 65 activités.