VIDEOBUHARI PRÉSIDENT DU NIGERIA
Il a obtenu 15,4 millions de voix face au président sortant Goodluck Jonathan qui obtient 13,3 millions de suffrages et concède sa défaite - Portrait de l'ex-général putschiste "converti à la démocratie"
Lagos, 31 mars 2015 (AFP) - Muhammadu Buhari, ancien putschiste qui a revendiqué mardi une large victoire à la présidentielle au Nigeria, aime se présenter en "converti à la démocratie", et il a promis à ses compatriotes de les débarasser d'un des pires maux de la première puissance économique d'Afrique : la corruption.
L'élection de ce Peul, originaire du nord à majorité musulmane, à la tête de l'Etat nigérian, après trois échec successifs, est chargée de symboles, puisqu'il s'agit de la première alternance démocratique depuis la fin des dictatures militaires au Nigeria il y a 16 ans.
Agé de 72 ans mais portant beau avec sa haute taille, ses dents du bonheur, ses majestueux boubous blancs et sa coiffe assortie, il joue la carte de la fermeté face aux atrocités des islamistes de Boko Haram.
Mais ses adversaires le renvoient à son passé et à la rigidité de son caractère. Car le général Buhari est l'auteur d'un coup d'Etat qui a déposé le président Shehu Shagari le 31 décembre 1983, un dirigeant élu mais jugé très largement incompétent.
A la tête d'une junte jusqu'en août 1985, il imprime sa marque: il lutte contre la corruption et entreprend une remise au pas de la société baptisée "guerre contre l'indiscipline". Ses adversaires se souviennent surtout d'une chape de plomb imposée par le régime militaire, certains évoquant un "Etat policier".
Son régime a notamment été marqué par l'exécution publique sur une plage en plein centre de Lagos, la capitale économique, de trois jeunes condamnés pour trafic de drogue.
Il fait aussi arrêter Fela Kuti, le célèbre chanteur "afrobeat" et militant des droits civiques, mort en 1997, et provoque un grave incident diplomatique avec le Royaume-Uni, l'ancien colonisateur. Un ancien conseiller du président Shagari qui s'était réfugié à Londres est retrouvé drogué dans une caisse à l'aéroport de Stansted à destination de Lagos.
En août 1985, le général Buhari est à son tour renversé et disparait de la vie publique pendant une vingtaine d'années.
'Compétent mais rigide'
Il fait son retour à la tête d'une agence gouvernementale qui finance des projets de développement grâce aux revenus du pétrole du premier producteur d'Afrique, où son efficacité compense un style plutôt autocratique.
"Il n'est pas très communicatif, il est réservé mais compétent, sans en faire étalage", commente l'analyste politique nigérian Ayo Banjoko.
"Il est animé par un zèle messianique. Il a un côté rigide et intransigeant et il pense que le pays doit être débarrassé de ses maux, la corruption en premier lieu", ajoute-t-il.
Un ancien haut gradé de l'armée loue l'intégrité personnelle d'un homme qui, fait rare au Nigeria, "est exceptionnellement exempt de corruption".
Par trois fois, en 2003, 2007 et 2011, l'ancien dirigeant militaire échoue à se faire élire président d'un Nigeria revenu à la démocratie depuis 1999.
Se disant victime d'irrégularités, il conteste en vain sa défaite devant les tribunaux.
Cette fois-ci à la tête d'une opposition unifiée, après avoir triomphé aux primaires, il s'est montré confiant en sa victoire, tout au long de la campagne, quand les commentateurs le donnaient au coude à coude avec son rival, le président sortant Goodluck Jonathan.
M. Buhari était déjà le principal adversaire de M. Jonathan à la présidentielle d'il y a quatre ans. Des affrontements postélectoraux avaient fait un millier de morts: la victoire de M. Jonathan avait provoqué la fureur de musulmans du Nord, qui voulaient que la présidence revienne à l'un des leurs.
Pendant la campagne, M. Buhari a été dépeint comme un dangereux islamiste par le Parti démocratique populaire (PDP) du chef de l'Etat. L'opposant, lui, n'a eu de cesse d'accabler un pouvoir dépassé par les violences du groupe islamiste Boko Haram.
Lui-même a échappé de peu à un attentat suicide en juillet 2014 contre sa voiture dans la ville de Kaduna, dans le nord, où 42 personnes furent tuées.
Deux mois avant, il avait traité les insurgés fondamentalistes de "sectaires sans cervelle qui se font passer pour des musulmans" après l'enlèvement de plus de 200 lycèennes à Chibok, dans le nord-est du Nigeria.