CE QUE LE SENEGAL ET LES SENEGALAIS RISQUENT EN NE BARRANT PAS LA ROUTE A EBOLA
EPEE DE DAMOCLES SUR L’ECONOMIE
Le Sénégal et les Sénégalais ont tout à gagner à se débarrasser très rapidement du virus Ebola. Car, ce que risque notre pays, sur le plan économique, est un véritable désastre si nous ne barrons pas la route au virus
Tueur sans pitié, le virus Ebola est aussi connu pour être un poison pour l’économie. Deux raisons suffisantes, pour que les autorités et les populations sénégalaises se mobilisent pour neutraliser la maladie au plus vite. Car, les répercussions qu’elle pourrait engendrer dans la création de richesses dans notre pays, risquent d’être des plus sérieuses.
Image à sauver pour ne pas voir les exportations chuter
Analysant les dégâts que pourrait causer Ebola sur l’économie de notre pays, l’économiste et ex-directeur de cabinet adjoint du chef de l’Etat, Moubarack Lô, a en premier, révélé toutes les conséquences sur les exportations de notre pays, dans un contexte marqué par la réduction des échanges entre pays de la sous région. «Il y a d’abord l’effet immédiat. Ce sont les relations économiques entre les pays de la sous région. Les relations économiques. Les échanges vont se réduire. Comme beaucoup de nos pays, comme le Sénégal, plus de la moitié de ses exportations est destinée aux pays de la sous-région. Donc s’il y a une fermeture des frontières cela aura des conséquences. Heureusement, avec le Mali, ça va. Parce que notre plus grand client sous régional c’est le Mali. Beaucoup de pays de la sous région exportent dans la sous région. Donc si ces pays ne peuvent pas commercer ensemble ça impacte sur les exportations donc sur leur production », a indiqué M. Lô.
Risques sur les investissements
En plus des exportations, l’attraction des investissements pourrait être impactée par l’image négative que renvoie cette maladie Et même les investissements captés peuvent fuir : «Il y a un impact sur les investissements parce qu’il y a tous ceux qui avaient des projets d’investissement dans la sous-région. Cela peut impacter négativement les projets d’investissement. Il y aura un ralentissement des flux d’investisseurs, on peut aussi rapatrier le personnel. ça peut jouer même sur les investissements déjà installés. Mais l’effet le plus négatif c’est à moyen terme sur l’image de la zone. C’est toute l’Afrique de l’Ouest qui est impactée. ça peut être très désastreux pour nous sur les investissements futurs dans la zone», prévient l’économiste. C’est pourquoi, espère-t-il que la fièvre soit très promptement, maîtrisée, et éradiquée chez nous. Mais de son avis, la maladie «ne peut être éradiqué qu’au niveau sous régional et c’est illusoire de vouloir considérer qu’Ebola est une maladie nationale ».
Coup de grâce pour le tourisme
Le tourisme, secteur déjà en lambeaux, est l’autre secteur qui risque aussi, de très sévèrement pâtir de la présence du virus. Le réservations dans nos hôtels risquent de baisser sévèrement. «Le tourisme était déjà en difficulté au Sénégal toutes ces années. Et maintenant des réservations ont été faites pour la prochaine saison qui démarre en novembre, donc il faut tout faire pour que la maladie soit maîtrisée rapidement pour que des annulations ne se fassent pas. Parce que c’est sûr que si ce n’est pas maîtrisé des annulations vont avoir lieu. Tout va se jouer en cette fin de semaine et surtout la semaine prochaine. Qu’on puisse connaître les personnes qui ont pu être en contact avec ce patient là. C’est encore tôt pour s’alarmer par rapport à la prochaine saison touristique mais le risque est là».
Risques de délocalisation de conférences
Dakar étant une plaque tournante, où de nombreuses conférences internationales, continentales et sous régionales sont tenues, nos hôtels pourraient souffrir d’une réputation détériorée par le virus. «Il y a aussi les conférences qui s’annoncent. Il y a la conférence de la Francophonie, si c’est limité à un seul cas il n’y a pas de problème. Si ca doit être plus sérieux ça peut avoir un impact », indique M. Lô.
«ÇA FAIT MAL AU PLAN SENEGAL EMERGENT, MAIS … »
Le plan Sénégal émergent n’avait vraiment pas besoin de ça. Présentement en pleine phase de promotion et de mobilisation de ses financements, le Pse pourrait subir un coup de frein si l’installation du virus Ebola n’est pas bloquée. «ça fait mal au plan Sénégal émergent. Mais ça ne le remet pas en cause fondamentalement », a signalé l’économiste Moubarack Lô.
«Ça tombe mal parce qu’on est dans une phase de promotion. ça met un bémol à la cadence qui était lancée. Mais rien n’est encore joué. Si la maladie est maîtrisée on peut toujours reprendre la promotion et bien évidemment retrouver les investissements qu’on a pu perdre dans cette période », ajoute M Lô. De son avis, l’impact à court terme sur le Pse, peut être un coup de frein. Mais, «tout dépend de l’évolution».
Ça tombe mal pour le Pse et freine la cadence lancée
L’ancien directeur de cabinet du chef de l’Etat compte sur une prompte éradication de la maladie pour prévenir d’éventuelles répercussions négatives de la maladie. «Si la fièvre est maîtrisée il n’y a pas péril en la demeure. Nous avons un dispositif sanitaire organisé et on peut espérer que les mesures nécessaires seront prises pour juguler la progression de la maladie», a indiqué Moubarack Lô.
Comme tout fils du pays soucieux de la santé des populations et de l’économie, Moubarack Lô estime que l’Etat, à commencer par le Président de la République, devra se mobiliser, aux côtés des populations, pour, au plus vite, neutraliser cette maladie. «On peut s’inspirer du Nigeria. Considérer aussi que c’est une affaire sérieuse. Ce n’est pas une affaire du ministère de la Santé. L’erreur à ne pas commettre serait de considérer qu’Ebola est une affaire du ministère de la Santé. C’est un message que je lance. Il faut que ce soit l’affaire de tout le gouvernement. Le ministre de la Santé, c’est vrai, est monté au créneau en premier, mais il faut que vite, le Premier ministre ou même le président de la République s’impliquent et mobilisent l’ensemble du gouvernement», dit-il.
L’armée, les forces de police, la gendarmerie, les préfets, les sous préfets, les gouverneurs, les syndicats, la presse, tous doivent être mis à contribution et en faire une affaire nationale, tout en ayant une communication transparente.
BAISSES DE CROISSANCE EN VUE, SUSPENSION DES ACTIVITES DE COMPAGNIES PORTUAIRES ET AERIENNES, HAUSSE DE DEPENSES… LE MAL QU’A FAIT EBOLA AUX PREMIERS PAYS INFECTES
Le Sénégal et les Sénégalais ont tout à gagner à se débarrasser très rapidement du virus Ebola. Car, les conséquences économiques qu’engendre cette maladie, sont aussi sévères que les dégâts sanitaires qu’elle induits. Et les premiers pays infectés l’ont appris à leur dépens. Bien que les dégâts en termes de vies humaines soient les plus vus, les répercussions économiques de cette maladie sont tout aussi sévères.
Les compagnies aériennes, premières à fuir
Dans les pays de la sous-région, qui ont été infestés par le virus, l’économie est sérieusement secouée. Et dans la panique créée par la propagation du virus, les compagnies aériennes sont les premières à fuir. Par exemple, la Sierra Leone a vu Air France lui tourner le dos. La compagnie aérienne a décidé, depuis le 27 dernier, de suspendre ses vols allant dans ce pays. Et la décision fut prise plus haut, au sommet de l’Etat français. Le personnel naviguant de la même compagnie avait déjà refusé de monter dans des vols à destination de pays où l'épidémie fait rage. En Guinée, la situation est bien moins reluisante. Quatre compagnies ont provisoirement cessé de fréquenter l’aéroport de Conakry, selon les édias du pays. Il s’agit d’Emirates, Asky, Air Côte d’Ivoire et Sénégal Airlines. Le Liberia connaît le même sort.
Entreprises étrangères prêtes à détaler
«The Economist» estime que les suspensions de vols, les restrictions de voyage et la réduction des voies d'évacuation, font que «la pression sur les entreprises pour sortir de l'Afrique occidentale va croître». Et déjà, l’arrêt des vols de certaines compagnies comme British Airways, Emirates et de deux autres compagnies aériennes africaines a déjà «affecté» certains pays en développement. Et toujours selon le média américain, qui reprend Ihs (Ndlr : Source d'informations et de données essentielles pour prendre des décisions commerciales et stratégiques essentielles), des gouvernements occidentaux demandent à leurs entreprises de quitter les pays touchés si l'épidémie se propage à d'autres villes. «A Lagos, où de nombreuses entreprises ont établi la base de leurs opérations régionales, les investisseurs sont jusqu'ici restés calmes. Mais leurs plans d'urgence sont maintenus», renseigne toujours le média de Washington qui signale que «Les coûts économiques des épidémies sont souvent largement supérieurs au nombre de morts».
Baisse de 1.5 point de croissance en vue
Donald Kaberuka, le Président de la Banque africaine de développement a souligné que «Les pays touchés par l'épidémie d'Ebola pourraient voir leur taux de croissance chuter de 1 à 1,5 point cette année», rapporte Jeune Afrique Economie. La Patron de la Bad ajoute que son «inquiétude, c'est la multiplication des fermetures de frontières qui affectent le commerce transfrontalier».
Dépenses en hausse, déficits qui se creusent
Le même média révèle aussi que les prévisions de la Banque mondiale, du Fmi et de Moody’s, l’agence de notation, renseignent qu’Ebola pourrait avoir des conséquences économiques sérieuses dans les pays concernés, sur leurs perspectives de croissance, sur l’équilibre de leur budget, notamment avec l’augmentation des dépenses sanitaires. Le ministre des Finances du Liberia l’a même confirmé en soutenant que les dépenses pour contrecarrer Ebola ont coûté à son pays 6 milliards de francs Cfa environ.
Selon la Banque mondiale et le Fmi, la Guinée, foyer de cette nouvelle vague pourrait voir sa croissance baisser de 4,5 % à 3,5 %. Moody’s prévoit une baisse de la croissance de la Sierra Leone et des craintes sur la production pétrolière au Nigeria subsistent.
NE VOYANT PRESQUE PLUS DE CLIENTS - DES GUINEENS VENDEURS DE FRUITS VOIENT LEURS VENTES CHUTER
Depuis qu’Ebola a été introduit au Sénégal par un jeune étudiant Guinéen, la forte communauté guinéenne vivant dans notre pays est pointée du doigt par bon nombre de nos concitoyens. Et les commerces de ces Guinéens, ne s’en portent que plus mal. En effet, plusieurs commerçants s’activant dans la vente de fruits, nous ont confié avoir constaté la baisse de leurs ventes, depuis qu’un de leurs compatriotes a importé le virus au Sénégal.
«Honnêtement j’avais une clientèle très variée composée de Sénégalais pour la plupart. Mais depuis cette nouvelle fâcheuse, seuls mes compatriotes se solidarisent et achètent mes produits. Les Sénégalais fuient mon kiosque comme si j’étais une pestiférée et la conséquence qui en découle logiquement est que mes ventes ont chuté drastiquement puisque l’essentiel de ma clientèle boycotte mes produits », a déclaré Hassanatou Ba trouvée devant son kiosque où elle vend des fruits. Et ’ajouter: «Les Sénégalais nous tiennent responsables de leur malheur. Ils ne savent pas que nous le partageons avec eux puisque nous aussi nous vivons sur cette terre. J’espère vraiment qu’ils reviendront à de meilleurs sentiments».
Aïssatou Ba est aussi vendeuse. Elle tient son commerce de fruits sur l’avenue Bourguiba. Elle explique : «Je rends grâce à Dieu mais je dois reconnaître que ça ne marche pas fort. Et le virus Ebola introduit au Sénégal par la faute d’un Guinéen n’arrange pas les choses. Avec cette maladie, nos marchandises sont délaissées», se désole la dame le visage maussade.
Toutefois certains commerçants guinéens, bien que moins nombreux, disent ne pas faire l’objet d’un quelconque boycott de la part de leur clientèle. Car, disent-ils, ces derniers viennent toujours se procurer des fruits chez eux. C’est le cas de Diouldé Sy trouvé près de son kiosque à proximité du marché Castors. «La vente de fruits, ça va plus ou moins bien. Mais mes clients ne me regardent pas comme un coupable. Mes affaires ne vont pas très bien mais ça je l’ai remarqué bien avant la présence d’Ebola au Sénégal», confie-t-il.