COMMENT L’EPOUSE ET LES DEUX FILLES ADOPTIVES DE TAHIBOU NDIAYE SE SONT RETROUVEES DANS LE DOSSIER
PROCES DE L’ANCIEN DIRECTEUR DU CADASTRE DEVANT LA CREI
Après le sévère réquisitoire du Parquet spécial près la Crei contre Tahibou Ndiaye, les avocats de ce dernier ont débuté, hier, leur plaidoirie.
On en sait un peu plus sur les raisons de la comparution de l’épouse et des deux filles adoptives de Tahibou Ndiaye aux côtés de ce dernier devant la Crei pour répondre des faits de complicité d’enrichissement illicite.
Tout est parti de l’échec de la fameuse médiation pénale. La révélation a été faite, hier, par Me Pape Samba Sô dit Gaby, un des conseils de la défense.
Selon cet avocat, si les trois dames sont poursuivies dans ce dossier, au même titre que Tahibou Ndiaye, c’est parce que ce dernier a refusé de céder au chantage.
Revenant sur les faits, Me Pape Samba Sô dit Gaby a expliqué que, «contrairement à ce qui a été avancé durant les débats, et lors du réquisitoire du parquet spécial, Tahibou Ndiaye n’est jamais revenu sur la médiation pénale».
«Ce qui s’est passé, c’est que le Procureur, pressé, a commencé l’exécution de ladite médiation pénale. Et les lots A et B de Mermoz-Sacré-cœur ont été vite mutés au nom de l’Etat. Cependant, il a rencontré des difficultés d’exécution dans les baux qui n’étaient pas au nom de Tahibou Ndiaye. On lui a ensuite demandé d’aller voir les vrais propriétaires pour les faire exécuter, il a refusé, parce que cela n’est pas son rôle. On l’a ensuite menacé de revenir sur la médiation pénale, tout en lui promettant de mettre toute sa famille en prison. Il a refusé, et c’est pour cette raison que dans la deuxième mise en demeure, la femme et les filles adoptives ont été impliquées dans le dossier. C’est parce qu’il a refusé de céder au chantage qu’il est là, aujourd’hui, en compagnie de toute sa famille», a révélé l’avocat de la défense.
«Tahibou Ndiaye a été séquestré dans le bureau du procureur spécial»
Pire, a poursuivi Me Pape Samba Sô dit Gaby, «cette procédure est entachée d’irrégularités du début à la fin». «D’abord, le jour de l’inculpation, Tahibou était seul. Nous étions là à attendre, et son audition a duré des heures. Lorsque nous nous sommes approchés du procureur spécial pour savoir ce qui ce passe, il nous a informés qu’on attendait l’Agent judiciaire de l’Etat (Aje). Mais, à l’arrivée de ce dernier, le procureur spécial nous a présenté un document à prendre ou à laisser : c’était un procès-verbal de médiation pénale», a-t-il expliqué, non sans souligner qu’ils n’ont jamais été demandeurs d’une médiation pénale.
«Une médiation pénale se fait en présence des parties, mais comme nous, la partie civile n’était pas au courant. Tahibou Ndiaye était seul, séquestré dans le bureau du procureur spécial. On a voulu entrer, mais ils nous ont refusé l’accès. Tahibou n’a pas été assisté, il a été obligé de signer. On a exercé toute sorte de pressions sur Tahibou Ndiaye», a également souligné l'avocat.
Visiblement indigné, Me Sô de confier par la suite : «l’Agent judiciaire était venu nous voir pour nous dire : ‘votre client m’a chargé de vous dire qu’il vous remercie, il est satisfait de vos services’. Nous avons demandé qu’il sorte pour nous le confirmer, mais il n’est sorti que 3 heures après. Et là, il nous a informés qu’il n’avait pas le choix, car on venait de l’informer que son fils a voulu se suicider en sautant du balcon, à cause de cette affaire. Il a signé pour aller voir son enfant».
De son côté, Me Seydou Diagne a déclaré que l’affaire va se terminer par l’annulation de la procédure. Et il s'est posé la question de savoir : «Comment sommes-nous arrivés à cette situation où Tahibou et sa famille comparaissent devant votre juridiction ?». Il s’est également demandé si c’est une plainte ou une dénonciation qui a valu à Tahibou Ndiaye sa comparution.
Me Seydou Diagne a ensuite précisé que son client n’a jamais été épinglé, ni par un rapport de l’Inspection générale d’Etat (Ige) ni par la Cour des comptes.
La défense présente Tahibou Ndiaye comme une victime
Me Diagne s’en est pris au Parquet spécial qui, selon lui, se devait de prouver le délit d’enrichissement illicite à hauteur de 3 milliards de F Cfa.
S’adressant au président Henri Grégoire Diop, Me Diagne d'asséner : «Il ne faut pas que l’Etat du Sénégal et le procureur vous induisent en erreur».
Soulignant que ses confrères et lui détiennent toutes les preuves des revenus de Tahibou Ndiaye qui peuvent atteindre 1,7 milliards de F Cfa.
D'après lui, leur client pouvait gagner 30 à 35 millions de F Cfa chaque année.
C’est fort de tous ces éléments que Me Diagne a plaidé pour une relaxe pure et simple de Tahibou Ndiaye.
A sa suite, Me Demba Ciré Bathily a pris la parole pour affirmer, d'emblée : «Nous sommes en présence d’une loi avec des règles qui ne garantissent pas un procès équitable».
Me Bathily est d’avis que l’Etat du Sénégal a perdu trois fois dans cette procédure.
Il a rappelé à la Cour que l’Aje représente l’Etat du Sénégal, sauf dans les opérations fiscales et domaniales.
L’avocat a soutenu que tout a été fait pour que Tahibou Ndiaye soit arrêté et jeté en pâture. «Ce n’est plus un homme à abattre, mais l’homme à abattre, l’homme qui distribuait la terre, comme si ça lui appartenait», a-t-il dénoncé.
Avant de lancer à l’endroit de la Cour : «Il n’y a aucune loi qui interdit à un fonctionnaire d’être titulaire d’actions».
S’agissant de l’épouse de Tahibou Ndiaye et de ses deux filles adoptives, Me Bathily les a décrites comme des «dames toisées qui ont été jetées en pâture». Il a jugé leur comparution «excessive, abusive et vexatoire».
Quant à Me Abdourahmane Sow «Lénine», il s’est posé la question de savoir si le dossier a été lu. Pour lui, il y a l’absence d’une infraction à la base.
Me Sow va poursuivre sa plaidoirie ce matin.