DANS "L'ENFER" DE PEUPLES… OUBLIÉS
À La découverte de Widu Thiengoly
Widou Thiengholy, un village perdu dans le Ferlo, dans le département de Linguère, manque de tout. A cause de la longue période de soudure, les habitants, en majorité des éleveurs, se sont déplacés vers des cieux beaucoup plus cléments. Les classes sont souvent fermées faute d’élèves. Le village ne dispose que d’un forage vieux de 60 ans. Les femmes et les jeunes ont peu de revenus financiers. L’électricité y fait défaut. Pis, la localité n’est pas accessible: les pistes latéritiques qui y mènent sont impraticables en période hivernale.
«Widou Thiengholy manque de tout. Nombreux sont ses habitants qui ont quitté le village». Ce témoignage du deuxième adjoint au maire de Téssékéré, Abdou Nielly Sow, en dit long sur le vécu des populations de ce hameau perdu au fin fond du Ferlo. Ici, on est comme étranger dans son propre pays. Pas de services sociaux de base, l’information ne passe pas, la seule occupation, c’est le bétail dont il faut assurer la survie. La vie et le quotidien des populations en dépendent.
Malgré leur fonction administrative, les élus de la localité n’échappent aux vagues de déplacements qui sont une réalité dans la zone. «Je suis maître coranique à Mboro. C’est à la suite du coup de fil du préfet de Linguère m’informant de la visite du ministre de l’Environnement et du Développement durable que j’ai rappliqué dare-dare au village. Le maire ne peut plus revenir dans la localité. Il est à Ranérou, bloqué avec son bétail qui ne peut plus se déplacer à cause de la famine. Nous faisons des centaines de kilomètres, souvent en voiture, avec le bétail qui n’a plus la force de faire la route à pattes», indique l’adjoint au maire de Téssékéré, commune à laquelle appartient Widou Thiengholy.
Pis, renchéri-t-il, parmi les 40 conseillers de la commune de Téssékéré, seuls 3 sont présents actuellement dans la localité. Tous les autres ont abandonné le village. Du fait de cette quête effrénée de pâturage, l’école de la localité perd ses potaches en pleine année scolaire. Kadia Sow, une habitante de Widou Thiengholy raconte: «quand les femmes partent en transhumance, elles amènent leurs enfants avec elles. A cause de cela, les classes sont souvent fermées faute d’élèves».
Dans un Dénuement total
L’élevage étant la principale source de revenus des habitants, l’argent ne circule plus. Les animaux conduits vers des ciels cléments, jeunes et femmes se tournent les pouces. Widou Thiengholy dispose d’un forage, mais celui-ci date d’une soixantaine d’année. Du fait de cette vétusté, il tombe souvent en panne, dit Abdou Nielly Sow. En pareil cas, l’eau des marres devient le liquide précieux. Le cas contraire, les villageois font de longues distances sur des charrettes à la recherche de points d’eau.
A Widou Thiengholy, le dénuement est total et se lit à tous les niveaux. Même si le village dispose d’une case de santé, la délivrance n’est pas de tout repos pour les femmes enceintes qui perdent souvent la vie pendant l’évacuation vers Dahra ou Keur Momar Sarr, indique Kadia Sow. Ici peu sont les maisons qui sont faites en durs. Les clôtures des concessions sont faites de bois non reliés entre eux. Le réseau électrique de la Sénélec n’a pas encore atteint la localité. Seules les lampes à pétrole permettent d’éclairer les concessions.
L’acte trois de la décentralisation, le mal de trop
A Widou Thiengholy, l’installation tardive de l’hivernage a eu des impacts sur le quotidien des habitants de la zone où la principale activité est l’élevage. Après les fortes précipitations du mois d’août, les transhumants à la recherche de pâturage qui s’étaient déplacés vers d’autres zones, commencent petit à petit à retourner au bercail. Des charrettes tirées par des ânes et conduites par des femmes visibles partout font le décor. Les épines des arbres commencent peu à peu à être «noyées» par un feuillage verdoyant. Les animaux affamés sillonnent la brousse à la quête de nourriture.
L’avènement de l’Acte III de la Décentralisation n’est que source de problème à Widou Thiengholy. Selon le deuxième adjoint au maire, Abdou Nielly Sow, depuis l’installation de l’équipe municipale en 2014, aucun acte n’est posé par les élus. La raison est toute simple: ils ne maitrisent pas la réforme, estime-t-il. Peu informés de la nouvelle charte administrative, les élus ne savent pas le rôle qu’ils doivent jouer, déplore-t-il. Pis la collectivité n’a pas encore de fonds de dotation encore moins de taxes municipales. Par ailleurs, obtenir une pièce d’état civil ou une quelconque pièce administrative dans la zone n’est pas chose aisée du fait de la mobilité des élus.
CARAVANE SUR WIDOU THIENGHOLY : Le calvaire
Aller à Widou Thiengholy en passant par Dahra Djoloff n’est simplement pénible, mais relève d’un calvaire. L’axe Louga Dahra crevassé dicte sa loi aux automobilistes. En cette matinée du jeudi 20 août, où le ciel a longuement ouvert ses vannes dans la zone, le voyage devient quasi impossible. Les flaques d’eau sur la voie, couvrant les nombreux nids de poule, ralentissent la course. Entre secousses et déviations, le cortège du ministère de l’Environnement et du Développement durable, en partance pour la Grande muraille verte, parvient quand-même à rallier Dahra Djoloff. Cette route goudronnée et impraticable est de loin meilleure par rapport à la centaine de kilomètres qui sépare Dahra de Widou Thiengholy.
Piste latéritique, les chauffeurs sont obligés de plonger dans les eaux pour se frayer un chemin. La distance Mbeuleukhe Dahra, autrefois poussiéreuse, en cette période hivernale s’est complètement métamorphosée. Au lieu d’une poussière qui agresse les narines des voyageurs et les couvre, c’est une eau rougeâtre qui lave les voitures qui, en quelques heures, ont toutes changé de couleur. Avec leur nouveau décor, elles dépassent Mbeuleukhe, Amali, Kamb et arrivent à Téssékéré, une localité distante de Widou Thiengholy de 60 kilomètres.
Jeudi, jour de marché hebdomadaire de la localité, Téssékéré est le point de convergence d’éleveurs et autres commerçants soucieux d’écouler leurs produits. A peine, les voitures stationnées sur la place du marché, que des personnes désireuses d’avoir plus d’informations sur la visite de ces «inconnus» entament une multitude de questions. Jour de marché, les étales les plus fournis sont équipées de biscuits, savons, sucre, thé et sandales, produits les plus prisés dans la zone.
Téssékéré-Widou Thiengholy: 60km de mésaventure
Une fois Téssékéré dépassé, le voyage vers Widou Thiengholy est une véritable aventure. Toutes les pistes coupées par les eaux, il revient aux automobilistes de trouver des voies de sortie. Ainsi donc c’est le sauve qui peut: à chaque conducteur ses astuces pour «avaler» les 60 km de bourbier. Le cortège se disperse, les voitures passent entre les arbres. Le danger des épines et autres obstacles comptent peu, l’essentiel est d’arriver à bon port. Un objectif qui sera atteint en début d’après midi exactement à 14h10, soit 5 heures après le départ de Louga.
Au retour de Widou Thiengholy et à la recherche d’une voie meilleure, les voitures s’engouffrent dans la zone de Keur Momar Sarr. Un chemin certes plus court, mais également parsemé d’embuches. Même l’escorte du véhicule du directeur technique de l’Agence de la Grande muraille verte qui, pourtant maitrise la zone, ni change rien. Si ce ne sont des eaux qui obstruent la voie à suivre, ce sont des creux qui engloutissement les pneus des véhicules. La ressemblance des pistes induisent en erreur les chauffeurs, qui dans l’obscurité de la nuit, se perdent dans la nature.
C’est dans ce méli-mélo que le convoi a vécu pendant trois heures. Les quelques habitats visibles sont fait d’abris de fortune dont la lumière pâle s’échappant des cases donne un espoir d’une arrivée imminente sur la route godronnée. Un espoir qui s’effrite au fur et à mesure que les voitures s’engagent dans les pistes latéritiques. La délivrance ne sera effective qu’après la traversée du Lac de Guiers, une trentaine de minutes avant l’arrivée à Keur Momar Sarr. Ouf ! Le convoi peut pousser un soulagement en attendant d’arriver à Dakar.