DE L’AFFAIRE DU "PULL-OVER ROUGE" À CELLE DU… "BÉRET ROUGE" !
TÉMOIGNAGE SUR LA MORT DE BASSIROU FAYE
Jeudi 14 août 2014, les étudiants envahissent l’avenue Cheikh Anta Diop jouxtant le campus social de l’université du même nom.
Un tronçon stratégique devenu l’épicentre des contestations estudiantines récurrentes que notre pays connaît à intervalles réguliers depuis des décennies.
Les revendications sont toujours les mêmes : paiement des bourses et, très accessoirement, questions d’ordre pédagogique.
Le jeudi 14 août, donc, les étudiants avaient ouvert un énième "front" contre les forces de l’ordre ! Derrière des barricades, ils s’en sont pris à coups de cailloux aux policiers obligeant les automobilistes à contourner la zone.
La circulation des personnes et des biens est paralysée. Pour rétablir l’ordre, les flics chargent, repoussent les manifestants en matraquant tout sur leur passage. Face à la détermination des manifestants, les policiers font usage de leurs grenades lacrymogènes jusque dans les pavillons du campus social. Après la pluie des cailloux et des grenades, place à un mauvais temps macabre !
Au milieu des douilles de grenades lacrymogènes, des éclats de fonte et autres mottes de terre jonchant le pavé du pavillon D, apparaît un corps sans vie. Il s’agit de celui de l’étudiant Bassirou Faye tué voire lâchement assassiné. Se disant témoin oculaire de l’ "assassinat" de son camarade, l’étudiant Sette Diagne se confie à chaud à la presse :
"l’affaire s’est passée au pavillon D aux environs de 15 heures. Un ami m’a informé par téléphone de l’arrivée des policiers dans le pavillon. Aussitôt, j’ai informé à mon tour Bassirou Faye avec qui j’étais dans la chambre. Au moment où nous avons tenté de quitter le pavillon, j’ai aperçu le policier, un commandant, dégainer son arme après avoir communiqué au téléphone à trois reprises" a raconté ce "témoin" en face du monde entier.
"( …) Puis, il a tiré ! Quand j’ai vu Bassirou s’écrouler, je me suis approché de lui pour le secourir mais la balle avait traversé sa tête…" a révélé le principal "témoin", Sette Diagne avant de laisser entendre avec force détails qu’il était mesure d’identifier le policier qui a tué son camarade. Jamais de mémoire d’enquêteur de police criminelle, un témoignage relatif à une "fusillade" n’était plus clair, plus cohérent, plus circonstancié et plus précis que celui de Sette Diagne sur la mort de l’étudiant Bassirou Faye.
Face à cet "assassinat" à la fois regrettable et déplorable, il nous plait d’abord de "saluer" et de "magnifier" l’audace, l’opposition farouche et la force surnaturelle de l’homme Sette Diagne pour avoir pris son courage à deux mains et être resté planté stoïque dans un endroit hostile où les grenades tonnaient de partout !
Mieux encore, le surhomme Sette Diagne ne s’est pas arrêté là puisque, avec un sang-froid extraordinaire, il a observé les moindres faits et gestes d’un "policier" ou "béret rouge" en zone d’émeutes où l’instinct de survie est le réflexe le mieux partagé en temps normal.
Dans ce genre de circonstances, le sauve-qui-peut généralisé est l’attitude normale, appropriée mais voilà, Sette Diagne, lui, dévisageait le policier tireur ! Cela, encore une fois, dans une situation chaotique où les grenades lacrymogènes et les cris de détresse fusaient de partout jusqu’à pousser les étudiants à courir dans tous les sens. C’est cet instant de panique généralisée qu’a donc choisi Sette Diagne pour regarder tranquillement un commandant de la police téléphoner à trois reprises avant d’abattre son camarade étudiant !
Nous ne disons pas que Sette Diagne a tout faux, que ça soit clair… Seulement voilà, il n’est pas non plus interdit de dire qu’un témoin du genre, on n’en trouve pas dans toutes les scènes de crimes. Encore moins sur le théâtre d’une fusillade. Et surtout dans une société sénégalaise peu, pour ne pas dire pas du tout, habituée à des scènes de "guerre" ou de fusillades !
Un témoin vraiment spécial !
Après avoir analysé et examiné la déposition du témoin Sette Diagne, un ancien officier des sapeurs pompiers reste perplexe ! Fort de ses trente ans d’expérience en matière de sauvetage, notre homme nous explique qu’en zone d’émeutes ou de catastrophes, l’homme victime ou sinistré perd naturellement son sang-froid s’il ne succombe pas à la panique.
Et de donner cet exemple : "Allez demander à un père de famille victime d’incendie, dès le lendemain du sinistre, il sera incapable d’identifier ou de reconnaître le moindre visage d’un sapeur-pompier qui a eu à le secourir la veille ! C’est un fait naturel dans une situation de sauve-qui-peut… Ne parlons pas d’une situation où les armes à feu et les lacrymogènes crépitent de partout !" nous explique cet officier des sapeurs-pompiers à la retraite.
Et notre interlocuteur d’ajouter : "Allez voir l’automobiliste dont la voiture avait pris en feu en pleine circulation, il vous dira que ce triste jour-là, sous l’emprise de la panique, il avait du mal à distinguer les secouristes des pickpockets…" dit-il, histoire de nous faire comprendre que le nommé Sette Diagne est un "témoin" très spécial ! On ne le lui fait pas dire…
Ce tueur au "béret rouge", appartenant au corps du Gmi (Groupement mobile d’intervention) donc, qu’aurait si bien identifié le principal "témoin" de la mort de Bassirou Faye nous rappelle la célèbre affaire du "pull-over rouge", qui avait d’ailleurs été portée à l’écran, et qui est le symbole de l’une des plus grosses erreurs judiciaires du monde. C’était l’histoire de la petite Marie-Dolorès, neuf ans, enlevée puis retrouvée morte dans une poubelle de Marseille. C’était en en 1976.
Un appel à témoin est lancé par le procureur de la République comme ce fut le cas pour l’étudiant Bassirou Faye. Le coupable est décrit par plusieurs témoins comme un jeune homme vêtu d’un "pull-over rouge", au volant d’une voiture de marque Simca. "Pull-over rouge" ? Un certain Christian Ranucci, propriétaire d’un "Cabriolet" en portait un ! Etant sur les lieux du crime au mauvais moment et au moment endroit, il est arrêté.
Sous pression policière, épuisé après un interrogatoire musclé, Christian Ranucci finit par avouer un crime dont il ne garde aucun souvenir. Malgré de nombreuses zones d’ombre et autres témoignages falsifiés ou montés de toutes pièces, Christian Ranucci ou l’homme au "pull-over rouge" est condamné à mort avant d’être décapité.
Presque 40 ans après, puisque nous sommes en 2014, le véritable meurtrier au "pull-over rouge" n’a jamais été identifié par la police française. Il n’empêche, le spectre de l'erreur judiciaire plane toujours sur cette affaire.
Dans l’assassinat de Bassirou Faye, au "Témoin", nous sommes loin d’être des médecins légistes, des experts balistiques et autres enquêteurs en matière de police criminelle, mais nous sommes sûrs d’une chose : les témoignages sur le tueur de Bassirou Faye sont trop beaux, circonstanciés et précis pour être vrais ! Attention, cela ne veut dire que les "bérets rouges" de la police nationale sont exempts de tout reproche !
Car, ils sont tous des "Christian Ranucci" pour avoir été sur les lieux du drame au bon moment pour chasser et pourchasser les étudiants jusque dans leurs chambres. Ce de manière violente et brutale. Il est donc normal qu’un "béret rouge" soit forcément poursuivi par la clameur macabre.
Cela dit, souhaitons qu’il ne soit pas un "béret rouge" à la Thiendella Ndiaye, du nom de ce policier accusé à tort d’avoir tué l’étudiant Balla Gaye avant d’être purement et simplement acquitté devant la cour d’assises militaire. Ce après avoir passé quelques années en prison.
En conclusion, les enquêteurs de la Dic doivent se donner du temps et de la peine pour élucider l’assassinat odieux de Bassirou Faye. Et, surtout, ils doivent veiller à ne pas se laisser orienter ou divertir par les activistes politiques et autres "droits de l'hommistes". Car, s’il est bien possible que l’assassin de Bassirou Faye soit un policier, il est aussi tout à fait possible qu’il soit un provocateur infiltré en milieu étudiant…