DES BOUTIQUIERS DE DAKAR BOUDENT L’OIGNON LOCAL…
A CAUSE DE SA MAUVAISE QUALITE
Bien que l’Etat, à travers l’Agence régulation des marchés (Arm), a anticipé sur la levée du gel des importations de l’oignon, le 4 septembre prochain, les consommateurs peinent à trouver ce produit. Et pour cause, des boutiquiers établis dans bien des quartiers de Dakar boycottent l’oignon local, depuis plusieurs jours. En cause, la très mauvaise qualité de cet oignon.
A Dakar, dans les magasins et les boutiques, il est devenu de plus en plus difficile de trouver de l’oignon dans les rayons. En cause, sa qualité . Cette denrée qui fait partie des produits de base pour la cuisine sénégalaise était, en effet, soumis à un embargo pour ce qui est de l'importation depuis février dernier. Une interdiction qui devait courir jusqu’en octobre prochain afin de permettre l’écoulement de la production locale, mais qui a été levée par anticipation.
En effet, l’Etat, à travers l’Agence de régulation des marchés (Arm), a décidé de lever l’interdiction dès le vendredi 4 septembre. Cela, pour éviter une pénurie et une flambée des prix à l’approche de la fête de la Tabaski, période durant laquelle l’oignon est très demandé par les ménagères.
En attendant que le marché soit correctement approvisionné, dans les commerces de Dakar l’oignon reste une denrée rare. Au quartier Fann Hock par exemple, c’est comme si les boutiquiers s’étaient donné le mot : Pas d’oignon local dans presque toutes les boutiques.
En cause, la mauvaise qualité de l’oignon local
Trouvé dans sa boutique, en train de vendre aux clients qui ont pris d’assaut les lieux, Bobo Diallo, est formel : «J’ai n’ai pas d’oignon, j’ai décidé de ne pas en acheter pour le revendre». A la question de savoir le pourquoi de cette décision, le Guinéen de pester : «L’oignon local, comme d’habitude, est de très mauvaise qualité et les clients refusent de l’acheter. Il y a de cela un mois, j’avais acheté un sac d’oignon local. Mais avant même de le vendre, la moitié du sac était partie à la poubelle, parce que pourrie. Ce qui m’a fait perdre énormément d’argent», explique Diallo.
Et pour éviter de revivre pareille mésaventure, renseigne le boutiquier, «j’ai décidé de ne plus vendre l’oignon local. Moi, je demande aux autorités de lever le plus rapidement possible le gel de l’importation de l’oignon. Faute de quoi, il risque d’y avoir une grave pénurie d’oignon durant la fête de la Tabaski, avec le risque de voir une flambée des prix. Car s’il n’y a pas d’oignon, le peu qui sera disponible coûtera très cher».
Sur la même lancée, Amadou Diallo, un autre boutiquier établi également à Fann Hock, de marteler que «c’est du gâchis que de vendre l’oignon local en ce moment. Moi, cela fait presque deux mois que je ne le vends plus. Parce que tout simplement, la production locale est de très mauvaise qualité et se gâte très rapidement. En plus d’être petit, l’oignon local est rempli d’eau et ça pourrit très facilement. Alors moi, pour ne pas perdre de l’argent, j’ai décidé ne pas l’acheter, donc je n’en vends plus».
Fann Hock, Ouest Foire, Parcelles, même constat
Même constat au quartier Ouest Foire. Dans ce quartier résidentiel qui héberge beaucoup de nos artistes, les populations peinent aussi à trouver de l’oignon dans les boutiques. Ici aussi, les boutiquiers s’abstiennent de vendre l’oignon cultivé par nos paysans du fait de sa qualité. C’est le cas d’Ibrahima, un jeune trouvé dans sa boutique qui affirme: «Depuis quelque temps, j’ai arrêté de m’approvisionner et de vendre de l’oignon, parce que ça me fait perdre de l’argent. L’oignon qui est sur le marché et qu’on prend auprès des grossistes est de très mauvaise qualité».
«Malgré cela, dit-il, l’Etat veut nous l’imposer, ce qui n’est pas normal. Aussi, pour ne pas gaspiller mon argent que je gagne en travaillant dur, j’ai décidé de ne pas investir sur un produit de très mauvaise qualité. Voilà, je ne vends plus l’oignon local depuis des mois. J’attends que le marché soit ouvert à l’oignon importé pour aller m’approvisionner et le mettre à la disposition de mes clients. En attendant, je vends tout, sauf l’oignon local».
Aux Parcelles assainies aussi l’oignon se fait rare dans les boutiques et pour le même motif. Parmi les boutiques que nous avons visité, rares sont celles qui en disposent. Et les boutiquiers qui en ont haussé les prix. Cela, disent-t-ils, pour s’en sortir, compte tenu des pertes qu’ils subissent du fait du pourrissement rapide de la denrée. Selon eux, l’oignon local, le vendre, c’est perdre sur le sac environ 20 à 30%. Ce qui est énorme pour eux. D’où l’option de nombre d’entre eux de ne pas en vendre.
Le calvaire des consommateurs
Il faut dire qu’au moment où les boutiquiers, dans beaucoup de quartiers de Dakar, boudent l’oignon local, ce sont les consommateurs qui trinquent. Les ménagères galèrent, parce que ne trouvant plus d’oignon. C’est le cas d’Aminata, une jeune fille croisée à Ouest Foire en train de faire le tour des boutiques en quête de la denrée.
«Je prépare le dîner, mais je n’ai pas d’oignon. J’ai fait 4 à 5 boutiques déjà, mais aucun n’en a. Les boutiquiers disent qu’ils ne vendent pas l’oignon local, parce qu’il est de très mauvaise qualité et ne peut être conservé longtemps. Ils ne veulent que ça pourrisse entre leurs mains», explique la jeune fille qui souligne que «depuis quelque temps maintenant, nous sommes confrontés à cette situation de pénurie dans ce quartier. Pour trouver de l’oignon, il faut aller au marché. Et même là-bas, l’oignon n’est pas d’assez bonne qualité. Avant d’acheter, il faut faire le tri, choisir minutieusement ceux qui sont en bon état. Et ce n’est pas du tout évident».
Même son de cloche du côté de Ndèye Fama, une mère de famille que nous avons rencontrée dans une boutique aux Parcelles assainies, en quête d’oignon. «Il n’y a pas d’oignon. J’ai fait le tour de 4 boutiques, mais je n’en ai pas trouvé. Quand je suis entré dans cette boutique et que le boutiquier m’a dit qu’il avait de l’oignon, j’étais soulagée. Mais regardez vous-même ce qu’il a. Tout est presque pourri dans ce sac. J’ai beau faire le tri, mais je n’arrive pas à avoir quelques bons oignons pour assaisonner la viande que je veux préparer pour le repas», lâche-t-elle.
Très contrariée, elle déclare : «Vraiment, on en à marre de cette situation. Les autorités doivent trouver très rapidement une solution pour qu’on puisse avoir de l’oignon de qualité. C’est bien de consommer local, mais à condition que la production soit de bonne qualité. Or, apparemment, tel n’est pas le cas. Et on ne peut pas payer les pots cassés de la mauvaise production des cultivateurs
locaux. Ce n’est pas normal».