DEVOIR DE FAIRE SAVOIR
Le PM a édifié l’opinion sur les affaires Mittal et Petro-Tim qui commençaient à être l’œil de Caïn du gouvernement. Maintenant l’accusateur, Wade, est attendu au carrefour des preuves
Ainsi on attendait une communication officielle du gouvernement sur les accusations d’Abdoulaye Wade sur les affaires Arcellor Mittal et Pétro-Tim. Depuis son premier retour au Sénégal, après deux années d’exil au pays de Marianne, l’ex-président de la République en a fait son cheval de bataille contre son successeur à la tête de l’Etat. Dans chacune de ses quatre dernières sorties publiques, il a accusé l’actuel gouvernement de n’avoir pas dit la vérité sur les milliards versés par les Indiens et sur la part d’Alioune Sall, frère du président de la République, au sein de la société d’exploitation pétrolière dans laquelle il est employé.
Selon Wade, Mittal a versé seulement 200 millions de dollars (un peu plus de 100 milliards de francs Cfa) dont 50 millions de dollars (25 milliards de francs Cfa) sont allés dans les poches des avocats de Macky Sall et, donc, finalement 150 (75 milliards de francs Cfa) au Trésor public. Mais, pour Wade, la loi rectificative de finances qui aurait dû absorber cet argent ne mentionne que 40 milliards. «Le gouvernement a donc caché une partie de la somme aux députés», a soutenu l’ex-président. Comme pour les amener à prouver le contraire, Abdoulaye Wade a invité Macky Sall et son gouvernement à procéder à la publication de l’accord Sénégal/Mittal dans le Journal officiel en remettant une copie à la presse.
En sus, le libéral en chef a exigé la publication du procès-verbal du conseil d’administration de la société Mittal qui aurait engagé 250 milliards de dollars (125 milliards de francs Cfa) au lieu de 150 millions de dollars.
Le Premier ministre, documents à l’appui, a montré que les accusations de Wade ne sont que des affabulations sorties de la tête d’un président vindicatif et qui tarde à digérer sa chute du 25 mars 2012. Point n’est besoin de revenir sur les chiffres brandis par le PM. Ce qui est essentiel, c’est d’avoir fourni avec minutie une batterie de documents accompagnée de projection vidéo pour édifier l’opinion publique sur ces deux affaires qui commençaient à être l’œil de Caïn du gouvernement.
Pendant longtemps, le gouvernement, cloué au pilori, n’avait pas donné une communication transparente pour contrecarrer les accusations de Wade. Finalement, les citoyens étaient dans l’embrouille, voire dans la nébulosité, après les interventions intermittentes et non convaincantes du ministre de l’Economie et des Finances, Amadou Bâ, et de son homologue des Mines et de l’Energie, Aly Ngouille Ndiaye.
Cette dissonance au sein d’une même entité avait fini par mettre mal à l’aise les alliés de Bennoo Siggil Senegaal au point que ces derniers ont fait une sortie publique pour demander la lumière sur les accusations gravissimes de l’ex-président qui tardaient à être démenties.
Aliou Sall, de son côté, avait organisé une conférence de presse pour se laver à grande eau. Son mérite, mêmes si certaines souillures accusatoires ont laissé encore des traces indélébiles, c’est d’avoir brandi et distribué publiquement des documents de preuve.
Dans ces documents, il est dit que «le 17 janvier 2012, l’Etat du Sénégal, représenté par le Directeur général de Petrosen et par Karim Wade, ministre de l’Energie, a signé un contrat avec la société Petro Tim en lui donnant une licence qui lui permet de chercher du pétrole à Saint-Louis off-shore et Cayar off-shore. Après que le Dg de Petrosen l’ait signé, Karim Wade de même qu'Abdoulaye Wade, ont signé le contrat».
Et le représentant de Pétro-Tim au Sénégal de montrer les signatures en déclarant que «si ce sont des signatures qu’il a créées, qu’on l’amène au tribunal et qu’on porte plainte contre lui pour vérifier s’il a fait du faux ou pas». Suffisant pour que l’accusateur produise des contre-documents pour invalider les arguments du frère du président de la République.
Aujourd’hui, le maire de Guédiawaye, qui avait pris les devants pour démentir Abdoulaye Wade à qui il a servi une citation directe, est conforté par la sortie du Premier ministre qui a posté huit documents dans le site de la Primature, à des fins de transparence.
Maintenant l’accusateur, Abdoulaye Wade, qui menace de porter les deux affaires devant les tribunaux de Paris, a l’obligation morale aussi d’apporter aux citoyens sénégalais la preuve (si elle existe) de ses accusations au lieu de verser dans des déclarations publiques démagogiques. Aujourd’hui, il est attendu au carrefour des preuves transparentes. Il est tenu, au nom de la transparence et au nom du public qu’il abreuve de déclarations, de fournir la preuve de ses accusations constantes et persistantes. Toute accusation supplémentaire ne serait considérée par l’opinion publique que de mensonges superfétatoires proférés pour se braquer contre le Président qu’il accuse de vouloir détruire sa famille en embastillant son fils depuis 20 mois.
Faiblesse communicationnelle
C’est ici le lieu de souligner encore la faiblesse du gouvernement dans l’art de communiquer à temps sur des dossiers qui le concernent au premier chef. Depuis Abdoul Mbaye à Mahammad Dionne, en passant par Aminata Touré, le talon d’Achille du gouvernement, c’est la communication opportune et transparente.
Etre transparent, c’est communiquer de manière à être compris par le plus grand nombre, c’est un «devoir de faire savoir» qui est indissolublement lié au «droit à l’information».
La transparence implique de l’honnêteté, une ouverture sur autrui, et une bonne dose de déontologie. La communication transparente d’un gouvernement traduit ainsi une volonté de dire la vérité, de ne rien cacher aux citoyens, d’être authentique sur des questions nationales qui les concernent. Le retard, le louvoiement ou l’atermoiement dans la communication sèment le doute. Le manque de communication transparente dans des affaires publiques, comme les passations de marchés, entretient la suspicion et met à nu l’honnêteté des gouvernants. Ainsi le gouvernement au nom de la transparence gagnerait à peaufiner sa communication à l’endroit du public pour éloigner toute susceptibilité qui le mettrait dans une posture accusatoire.
C’est ce qu’a peut-être compris, même tardivement, le taiseux Premier ministre Mahammad Dionne au point de sortir ex-abrupto, samedi dernier, pour briser le mur de silence qui commençait à être gênant et pesant dans la sphère gouvernementale.