DU RÔLE FONDATEUR DES ADMINISTRATEURS CIVILS
Transition d'une colonie à un État indépendant
Administrateur civil lui-même, Famara Ibrahima Sagna, ancien président du Conseil économique et social du Sénégal, jette un regard rétrospectif sur le rôle de ce corps d’élite dans la mise en place des premiers jalons d’une nation équilibrée. Il l’a fait par le biais d’un livre intitulé "Constitution initiale du corps des administrateurs civils du Sénégal indépendant (1958-1961)".
"Constitution initiale du corps des administrateurs civils du Sénégal indépendant (1958-1961)" (août 2014). Ce titre de l’ouvrage de Famara Ibrahima Sagna, qui est un regard dans le rétroviseur, s’explique par le besoin de rappeler la part importante jouée par les administrateurs civils dans la constitution de la jeune nation. A l’accession à l’indépendance, en effet, explique l’auteur, ancien ministre, ancien président du Conseil économique et social du Sénégal, l’Etat s’est beaucoup appuyé sur ce corps d’élite civil pour une gestion efficace et équilibrée du pays. Il suffit d’en citer quelques-uns dont les noms sont intimement liés à l’histoire politique du pays. Parmi eux, Abdou Diouf, JeanBaptiste Collin, Cheikh Hamidou Kane, Habib Thiam, Mamadou Touré, Babacar Ba (Amady Ali Dieng appartient à cette promotion mais il n’a pas terminé sa scolarité, préférant ses études en économie).
Pour avoir une idée de la place que cette crème de la fonction publique a occupée dans la gestion du pays, un listing des fonctions qui leur étaient dévolues suffit : gouverneur, directeur de société, directeur de cabinet, secrétaire général (d’un ministère et de la présidence), ministres (de souveraineté), Premier ministre, président du Conseil économique et social, président de l’Assemblée nationale, président de la République. En plus des autres fonctions, notamment dans l’administration territoriale et au niveau international.
"Une Administration de développement"
Si les dirigeants du pays ont pu compter sur ce cercle de la haute administration, Famara Ibrahima Sagna est d’avis que c’est parce que les administrateurs civils ont le don de posséder une parfaite maitrise de deux aptitudes fondamentales : savoir obéir à l’autorité républicaine dans le cadre des ordres légaux et légitimes, et savoir commander dans l’intérêt général. C’est ainsi qu’avec l’avènement des indépendances, le gouverneur a été considéré comme la cheville ouvrière du développement de la région.
Résidant obligatoirement dans le chef-lieu de département, il est le délégué du gouvernement, le représentant de chacun des ministres. Il est également l’interlocuteur du président du Conseil (Mamadou Dia) et en même temps le destinataire de toutes les instructions générales destinées aux chefs des autres circonscriptions inférieures. En sus de ces attributions, il est le coordonnateur des services économiques, président du comité régional de développement. Bref, avec le corps des administrateurs civils, on est passé de l’administration classique de type colonial à une "administration de développement".
La suite de la politique coloniale
La formation des administrateurs civils n’est pas une initiative sénégalaise. Elle est le prolongement de la politique coloniale de formation du personnel nécessaire à la gestion des affaires d’outre-mer. C’est réellement entre 1958 et 1961 qu’a lieu la formation des premiers hauts cadres de l’administration, les années 58-59 en constituant la période charnière. C’est à cette période que l’Ecole nationale de la France d’outre-mer (ENFOM), créée en 1934, connaitra ses derniers jours avant de céder la place à l’Institut des hautes études d’outre-mer (IHEOM).
C’est aussi en 1959 que l’Ecole fédérale d’administration du Mali (EFAM) verra le jour. Mais avec l’éclatement de la Fédération du Mali, s’ensuit la création de l’Ecole nationale d’administration du Sénégal (ENAS). Pendant trois ans, les futurs pionniers de l’administration seront simultanément formés dans ces trois écoles. Toutes ces promotions vont revenir au pays. Même certains qui étaient devenus des fonctionnaires français vont démissionner pour être intégrés dans le corps des administrateurs civils avec conservation de leurs avantages...