EBOLA RISQUE DE RENDRE MALADE LA CROISSANCE EN AFRIQUE DE L’OUEST
FUITE DES INVESTISSEURS, BAISSE DE LA PRODUCTION, CHUTE DE LA PRODUCTION AGRICOLE.
Le dynamisme des économies de l’Afrique de l’Ouest risque d’être freiné par l’épidémie d’Ebola qui sévit en Sierra-Leone, en Guinée et au Liberia. Les dégâts économiques pourraient se chiffrer à 32,6 milliards de dollars d’ici à la fin de l’année 2015 si la propagation de la maladie n’est pas stoppée.
Tout indique que l’économie ouest- africaine paiera un lourd tribut à l’épidémie d’Ebola qui frappe le Liberia, la Guinée, la Sierra-Leone et récemment le Mali. Avant la flambée de la maladie, la région était l’une des plus dynamiques du monde, affichant une croissance de +6 % en 2013 et espérant +7 % en 2014-2015.
Une croissance qui n’est plus portée principalement par les matières premières, mais aussi par la diversification (demande intérieure, transferts des migrants, relance des investissements directs étrangers, agriculture, services, etc.).
Selon l’édition 2013 des « Perspectives économiques en Afrique » de la Banque africaine de développement (Bad), l’Afrique de l’Ouest devrait connaître la croissance la plus rapide du continent, en 2013/2014, avec un taux de 6,7 à 7,4 %. Ce qui en fait la région la plus dynamique du continent.
Cependant, cette embellie risque d’être freinée si l’épidémie d’Ebola n’est pas très vite contenue et vaincue. Dans son étude évaluant l’impact du virus en Afrique de l’Ouest et prenant en compte les effets de contagion à d’autres pays de la région, la Banque mondiale s’attend, dans un scénario « le plus grave », à des dégâts économiques qui pourraient atteindre 32,6 milliards de dollars (environ 16.300 milliards de FCfa) d’ici à la fin de l’année 2015.
Le scénario « bas » estime ces pertes du Pib de l’Afrique de l’Ouest à 2,2 milliards de dollars (1.100 milliards de FCfa) en 2014 et 1,6 milliard de dollars (800 milliards de FCfa) en 2015. Dans le scénario « haut », la région pourrait perdre 7,4 milliards de dollars (3.700 milliards de FCfa) cette année et 25,2 milliards de dollars (12.600 milliards de FCfa) l’an- née prochaine.
Cette année, l’épidémie pourrait coûter à la Sierra Leone, la Guinée et au Liberia 359 millions de dollars (179,5 milliards de FCfa) et, si elle est contrôlée, 129 millions de dollars (64,5 milliards de FCfa) en 2015. Mais si l’épidémie devient plus importante, il faudrait s’attendre à des dégâts de l’ordre de 815 millions de dollars (407,5 milliards de FCfa) dans les trois pays.
Selon la Banque mondiale, le taux de croissance du produit intérieur brut (Pib) va baisser cette année de 2,1 % en Guinée, 3,3 % en Sierra Leone et 3,4 % au Liberia.
Soit une perte de revenus de 359 mil- lions de dollars. L’impact financier de l’épidémie dépend du montant des dépenses publiques de santé, mais aussi à une baisse de la productivité (lire impact sur l’agriculture).
Des projets à l’arrêt, des investisseurs sur le départ
Déjà que le Fmi déroge à ses règles en s’attendant à un creusement du déficit budgétaire de ces trois pays, obligés de consentir de nouvelles dépenses pour faire face à l’épidémie qui a causé plus de 5.400 morts dans la région, selon l’Oms. Et pourtant, à l’instar du reste de la région ouest- africaine, ces trois pays étaient sur une dynamique de croissance prometteuse.
La Sierra Leone espérait un taux de croissance de 11,3 % en 2014, ce qui a fait dire à son ministre des Finances, Kaifalah Marah : « nous étions sur la bonne voie ». Le pire est à craindre. A cause du virus, ces pays « malades » risquent de voir leur production perturbée, les investisseurs qui sont déjà présents plier bagage ou ne plus venir pour ceux qui en ont l’intention.
Selon la Banque mondiale, les « comportements de psychose » et la peur de contracter le virus privent beaucoup d’entreprises de leur main-d’œuvre, perturbent les transports et conduisent les ressortissants des pays touchés à limiter leurs voyages. Le secteur touristique sierra- léonais a reculé de 50 % déjà.
D’après lefigaro.fr (« Afrique de l’Ouest, la croissance menacée par le virus Ebola », article publié le 07 octobre 2014), les entreprises étrangères évoluant dans le secteur minier ou pétrolier revoient leur présence et celle de leur personnel expatrié dans les pays touchés.
Le géant américain Exxon- Mobil envisage de reporter un projet d’exploration de pétrole au Liberia et compte restreindre les voyages de ses employés.
Le nombre de ressortissants chinois vivant dans les pays touchés aurait baissé de 20.000 au mois d’août à 10.000 aujourd’hui, à en croire le Courrier international. Ce qui entraine une baisse de l’activité économique et l’arrêt de projets. China union, deuxième compagnie pour l’acier, a arrêté son activité dans ce pays alors que cette entreprise visait une production de 2,4 millions de tonnes cette année.
Au Liberia, la reconstruction de la route reliant Monrovia à la frontière guinéenne, financée par la Banque mondiale, est à l’arrêt, la compagnie chinoise, China Henan international coopération group ayant retiré la majeure partie de ses travailleurs en août dernier. Bloomberg annonçait que Sime Derby, premier producteur mondial d’huile de palme, a réduit sa production dans le pays.
Selon la Banque mondiale, l’impact d’Ebola « est déjà mesurable en termes de production, de hausse du déficit fiscal (car moins de rentrées fiscales et plus de dépenses de santé), d’inflation en hausse, de baisse du revenu réel des ménages et de plus grande pauvreté ».
La Guinée, premier producteur mondial de bauxite, s’attend aussi à une baisse de sa production de cette matière première (à cause de la lenteur des progrès dans les ré- formes mais aussi de l’impact de la psychose de l’épidémie, selon un document officiel).