El Hadji Amadou Sall, un des avocats de Karim Wade : «La montagne a accouché d’une souris»
Karim Wade a un mois pour justifier l’origine licite de ses biens supposés mal acquis, estimés à près d’un millier de milliard de francs Cfa. Le procureur spécial près la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) lui a notifié sa mise en demeure hier, après l’avoir auditionné pendant près de deux tours d’horloge.
La matinée d’hier a été chaude sur l’avenue Cheikh Anta Diop, siège de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). Les responsables et les militants du Parti démocratique sénégalais (Pds) qui avaient menacé de perturber le déroulement de cette audition de l’ancien ministre d’Etat Karim Wade par le procureur spécial près la Crei, Alioune Ndao, ont fini par se rétracter, face à des forces de l’ordre déterminées à empêcher tout débordement. En effet, un impressionnant dispositif de sécurité avait été mis en place pour parer à toute éventualité. Le regroupement des militants et sympathisants du Pds est interdit de la paroisse Saint Dominique à la devanture de la Crei. Les passants sont obligés de presser le pas pour sortir de la «zone rouge». L’ancien ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, Me Ousmane Ngom, l’ex-député Moussa Cissé et d’autres militants du Pds, arrivés dix minutes après Karim Wade, l’ont appris à leurs dépens. Ils ont été accueillis à leur descente de véhicule par une cohorte de policiers en tenue de combat, juste devant la paroisse Saint Dominique. Le commissaire Lam et ses hommes leur ont interdit l’accès à la devanture de la Crei.
«Nous nous battons contre la violation de la Constitution, pour la liberté d’aller et de venir qui a été violée gravement dans notre pays, et qui a été sanctionnée par une décision de la Cour de justice de la Cedeao. Aujourd’hui, cette liberté est encore beaucoup plus restreinte», regrette Me Ngom. Il ajoute : «Quand un de nos frères est convoqué par la Crei, nous n’y avons pas accès, même pas à l’avenue qui y mène. Cela montre encore une fois un recul important de la démocratie. Je pense qu’à ce rythme-là, nous allons vers une dictature». Avant qu’il ne termine sa déclaration à la presse, les gaz lacrymogènes ont commencé à pleuvoir sur le «couloir de la mort» et sur l’avenue Cheikh Anta Diop. De l’autre côté, les jeunes de l’Ujtl réclamant la libération de Karim Wade haussent le ton, provocant ainsi l’ire des forces de l’ordre. Les gaz lacrymogènes continuaient à pleuvoir. Un sauve-qui-peut s’en suivit. Les souteneurs de Karim Wade sont obligés de faire un repli stratégique face à la détermination de la police, laissant ainsi derrière eux l’ex-ministre d’Etat arrivé au siège de la Crei à 11h00mn, à bord de son véhicule 8x8. Il est accompagné de Me Madické Niang, un de ses avocats. Ses autres conseils Mes Ciré Clédor Ly, Seydou Diagne, Demba Ciré Bathily et El Hadji Amadou Sall étaient déjà sur place.
Son face-à-face avec le procureur spécial près la Crei Alioune Ndao a duré moins de deux heures. À l’arrivée, le procureur spécial a notifié à Karim Wade sa mise en demeure. Celui-ci a un mois pour justifier l’origine licite de sa fortune. Passé ce délai, si le procureur spécial n'est pas convaincu par les réponses de l’ancien ministre, il pourra ouvrir une information judiciaire et saisir la Commission d’instruction de la Crei. Ensuite, c’est aux juges d’instruction de décider de l’éventuelle inculpation de Karim Wade et de son éventuel placement en détention provisoire. Il en est ressorti à 12h46mn. Dehors, il a voulu improviser une marche bleue avec ses militants, de la Crei au Point E en passant par l’avenue Cheikh Anta Diop, mais c’était sans compter avec la détermination du service d’ordre qui leur a opposé une fin de non recevoir. Pendant une dizaine de minute, la circulation a été bloquée. Les échanges entre les policiers et les libéraux ont été houleux. L’ancien ministre de la Coopération a finalement renoncé à sa marche pour rentrer chez lui sous une escorte policière. Des arrestations, il y en a eu au cours de cette matinée. Youssou Diallo, ancien conseiller de l’ex-Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye a été arrêté et conduit au commissariat du Point E. D’autres jeunes militants de l’Ujtl ont été également interpellés.
À l’issue de l’audition de Karim Wade, un de ses avocats, Me El Hadji Amadou Sall, au cours d’un point de presse tenu au Point E, au domicile de l’ancien président Me Abdoulaye Wade, a confirmé la mise en demeure de son client. Pour lui, «la montagne a accouché d’une souris.
Les Etats-Unis, la France, l’Angleterre, le Fonds monétaire international (Fmi) et d’autres organismes ont été mis à contribution pendant huit mois, ils ont cherché partout mais il est établi que Karim Wade n’a aucun centime dans une quelconque banque d’un quelconque pays», dit-il.
Selon lui, les enquêteurs ont établi que leur client est le propriétaire de Dubaï Port World qui dispose d’un capital de plus de 300 milliards de francs Cfa. On dit, poursuit Me Sall, «qu’il (Karim Wade, ndlr) est le propriétaire de la Banque marocaine de coopération économique (Bmce) et des sociétés Ahs du Sénégal, du Niger, de la Jordanie, du Malabo, etc. Qu’il est donc à la tête d’une fortune de 694 milliards de francs Cfa. Le nom de Karim Wade n’apparaît nulle part dans ses différentes sociétés. Donc, il est innocent», martèle l’avocat.