EN REVENIR AU CHARME DE NOTRE MUSIQUE TRADITIONNELLE SÉNÉGALAISE !
AU-DELÀ DE "FÀTTELIKU" DE YOUSSOU NDOUR
Youssou Ndour, à travers son album de quatre titres intitulé "Fàtteliku", vient de tendre une perche à la musique sénégalaise traditionnelle qui tend depuis quelques années à perdre son âme.
Une musique devenue électronique et de plus en plus superficielle dans la mesure où tout se joue désormais sur le clavier d’un ordinateur sans ces instruments qui avaient la réputation de mettre en transes les vrais connaisseurs, particulièrement ceux de musique traditionnelle, laquelle a le don de véhiculer nos valeurs ancestrales.
La musique ne nous attendrit plus comme avant, sauf si elle est du cru de celle dont Youssou Ndour vient de nous gratifier. Une musique puisée du fin fond de notre riche patrimoine artistique et portée au firmament par des virtuoses comme Ndiaga Mbaye, Samba Diabaré Samb, pour ce qui est des sonorités Wolof, ou Lala Kéba Dramé pour l’aire Mandingue.
Des sommités de la musique traditionnelle sénégalaise parmi lesquels, d’ailleurs, certains ont fait l’objet de thèses par des étudiants qui sont allés plus loin que les rythmes en s’abreuvant à la moelle substantifique de ces virtuoses dont les œuvres ne tomberont jamais dans l’oubli tellement elles sont d’une grande portée philosophique.
Encore une fois, leur musique, qui véhicule des valeurs de nos terroirs, parle plus à notre tréfonds et fait vibrer nos sentiments qu’elle n’incite à esquisser des pas endiablés. Bref, c’est une musique d’écoute plutôt que de danse. Les étudiants et les chercheurs qui ont consacré des thèses à Samba Diabaré Samb et Ndiaga Mbaye ne se comptent plus tellement ces deux hommes ont marqué nos compatriotes à travers leurs créations sublimes.
De même, on peut dire que si aujourd’hui certains étudiants ou musicologues se sont intéressés aux œuvres de Baba Maal, Youssou Ndour ou Thione Seck, c’est eu égard à la richesse artistique de leurs créations. Ces grands chanteurs n’ont pas hésité, en effet,à aller puiser dans le riche patrimoine culturel national pour l’enrichir de leur talent qui n’est pas mince.
Youssou Ndour comme Thione Seck se sont abreuvés aux valeurs "Gawlo" qui renferment tout ce que les griots du Sénégal ont emmagasiné comme trésors artistiques depuis la nuit des temps, tandis que Baba Maal, lui,a puisé aux sources de la culture Hal Pulaar dont la richesse est vantée partout dans le monde.
Ces grands chanteurs qui se sont fait un nom à travers la musique moderne se sont donc largement inspirés des airs traditionnels sénégalais. Des airs transmis oralement de génération en génération et qui sont rarement transcrits, ce qui fait nourrir des craintes quant à leur pérennité.
Et ce contrairement à ce qui se passe dans le monde entier où tous les peuples ont à cœur de sauvegarder leur patrimoine artistique, musical en particulier, en faisant largement recours aux TIC. En effet, ces musiques traditionnelles, si elles sont bien conservées et jouées, ont le don de toucher jusqu’au tréfonds de ceux qui les écoutent.
A preuve, sur le plateau du tournage de son clip "Yomalé", un des succès de la diva Coumba Gawlo Seck, la chanteuse et sa maman n’avaient pas pu retenir leurs larmes. Et leur émotion n’était pas feinte. Cette musique a en effet le don de produire des effets indescriptibles sur les initiés.
Il faut dire que, comme d’autres, cet air portait toute une histoire qui a traversé les temps et les époques pour continuer à provoquer les mêmes émotions en nous. Sur un autre plateau, celui de Sorano, et à une autre occasion, le duo Coumba Gawlo Seck et Aïda Samb, la petite fille de Samba Diabaré Samb, avait créé lui aussi une émotion indescriptible.
Nourries aux sources des valeurs "Gawlo", les deux dignes héritières venaient de transmettre au public un legs de la bonne tradition "Gawlo" qui galvanise ceux qui l’écoutent jusqu’à les faire tressaillir d’émotion. Et l’histoire qu’on raconte selon laquelle un noble qui écoutait cet air a donné tout ce qu’il avait jusqu’à proposer le lobe de son oreille, n’est pas une affabulation. Elle est bien réelle.
C’est dire la puissance émotionnelle de ces chansons qui portent toute une histoire et toute une culture. En effet, qui peut rester insensible face aux envolées lyriques, hier d’un Soundioulou Cissokho, d’un Ndiaga Mbaye ou d’un Laye Mboup et aujourd’hui d’un Samba Diabaré Samb, d’un Boucounta Ndiaye, d’une Khar Mbaye Madiaga, d’une Kiné Lam ou d’une Soda Mama Fall ?
Bien rares, en effet, sont ceux qui resteraient insensibles face aux chansons traditionnelles de ces grands chanteurs et de ces divas. Hélas, cette excellente tradition est en train de se perdre, malheureusement. En effet, aucune des valeurs sûres actuelles de la musique sénégalaise, à l’exception de Coumba Gawlo Seck et d’Aïda Samb, ne semble avoir repris le flambeau des airs traditionnels de nos terroirs.
Et pour cause, la musique des autres stars nous fait beaucoup plus danser qu’elle ne nous permet de découvrir notre riche patrimoine. Autrement dit, ces vedettes jouent une musique sans âme qui fait plus danser qu’autre chose.
Il est à déplorer par exemple qu’Assane Mboup, qui s’est nourri à l’école de Laye Mboup, semble s’éloigner de ce registre qui pourrait pourtant lui ouvrir bien des portes pour s’essayer lui aussi à la musique dite moderne.
Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, il est donc heureux que Youssou Ndour ait eu le génie de nous replonger dans cette si riche musique traditionnelle sénégalaise. Et ce même si, en lieu et place de reprise d’airs traditionnels connus, on aurait préféré qu’il nous livre ses propres créations à lui dans ce genre.
Ce qui aurait eu la force de l’exemple sur la jeune génération qui se perd dans les labyrinthes de la musique dite traditionnelle, pour avoir perdu sa boussole que constitue la musique traditionnelle. Pour autant, le Roi du Mbalakh a le mérite de nous avoir replongés dans les airs traditionnels sénégalais. Laissons-nous donc bercer par ses douces mélodies…