EXISTE-T-IL UNE RÉELLE VOLONTÉ POLITIQUE DE REMPORTER LE TOURNOI ?
COUPE D’AFRIQUE DES NATIONS DES MOINS DE 20 ANS EN 2015
Le résultat d’un sondage sur les attentes des sportifs sénégalais dans le domaine du football donnerait sans conteste : «Remporter d’un trophée continental, peu importe la catégorie.» L’occasion est donnée à notre pays d’atteindre pour la première fois un tel objectif. Un objectif que les Sénégalais attendent impatiemment.
Avec l’organisation de la Can des U 20 en mars 2015, le Sénégal pourrait atteindre cet objectif s’il met tous les atouts de son côté. Certes, organiser un tel évènement sur ses terres constitue un avantage concurrentiel dont on ne saurait profiter que si et seulement si certains préalables sont respectés dans les délais requis.
A six mois de la date, nous doutons fort bien que les Sénégalais soient dans une large majorité informés de l’organisation par leur pays de cet évènement majeur dont les facteurs clés de succès sont principalement une bonne préparation et une forte mobilisation autour de l’Equipe nationale.
Deux conditions indispensables en la matière qui, sans être conjuguées et réalisées, ne sauraient être des facteurs clés de succès tel qu’affirmé par les techniciens.
Sous ce rapport malheureusement, le constat est fait qu’au moment où notre pays s’engage dans le processus d’un Sénégal émergent, nos dirigeants sportifs n’arrivent toujours pas à se départir de cette logique de campagnes synonyme d’amateurisme et d’improvisation qui nous a valu tant de déboires et de déceptions, contrastant avec tout le dynamisme qui structure le Plan Sénégal émergent (Pse).
En effet, le Pse préconise une forte rupture dans les méthodes et approches utilisées auparavant dans la conduite d’un projet, quel qu’il soit pour s’inscrire dans une logique de planification, seul gage de succès durable.
A l’heure du Pse, l’ambition du Sénégal en tant que pays organisateur de ce tournoi ne saurait être moins que la victoire finale ou dans le pire des cas, faire partie du dernier carré synonyme de qualification en Coupe du monde de cette catégorie.
Toutefois, faudrait-il se donner les moyens d’y arriver. Aussi, comme tout projet, l’atteinte de l’un ou de l’autre de ces deux objectifs reste tributaire d’une démarche stratégique relevant d’une planification élaborée à partir d’un programme d’actions à opérationnaliser avec des acteurs bien identifiés ainsi que la mise en place de budgets correspondants.
En plus de cette démarche stratégique, le Pse intègre la valeur des dirigeants comme facteur de progrès. Voilà toute une démarche professionnelle qui, transposée dans le sport, devrait nous valoir dans le futur beaucoup de satisfaction dans ses différentes disciplines.
Or, aussi paradoxal que cela puisse être, nos dirigeants ne semblent pas faire sienne une telle démarche qu’ils qualifient d’efficace et d’efficiente dans le cas de la conduite d’un projet sportif. Sinon, comment comprendre l’impréparation et l’amateurisme qui continuent de caractériser la participation de nos sportifs dans les joutes internationales ?
Les échecs répétitifs, enregistrés en football avec l’élimination récente des U 17, en athlétisme (échec qualifié d’hécatombe) avec la perte de titres de champion d’Afrique et les défaites non moins surprenantes de certains de nos athlètes qui constituaient des espoirs de médailles sont une illustration parfaite de l’incapacité de nos dirigeants à rompre avec l’amateurisme dans la préparation de nos sportifs depuis la Coupe d’Afrique de Caire 86.
Une analyse des causes de ces échecs répétitifs, fait ressortir les mêmes manquements il y a près d’une trentaine d’années, depuis Caire 86 et qui ont pour noms : absence de programmation de matchs de préparation, non-paiement de primes de match dans les délais raisonnables (découlant souvent d’une absence d’accord sur les montants et les délais de leur libération avec les principaux concernés), problème de transport des joueurs aussi bien au niveau de remboursement des tickets de voyage que des déplacements de l’équipe.
Sous ce rapport, il ne saurait être question d’y dissocier le problème de retards des salaires de nos entraîneurs qui, sans être mis dans les conditions de travail qui les libéreraient de certaines contraintes particulièrement d’ordre social, ne pourraient jamais garantir à notre pays un résultat positif quel que soit le degré de leur engagement.
Tout cela pose le problème de la lancinante question de la planification des actions publiques et de leur budgétisation. A cet effet, il y a lieu de s’interroger sur l’incohérence des dirigeants à ne jamais se donner les moyens de leurs ambitions sportives qui supposent dégager les moyens conformes, surtout financiers qu’il faut.
Les discours, fussent-ils ceux du chef de l’Etat à l’occasion des cérémonies de remise de drapeau qui passe pour être au niveau de l’opinion plus cérémoniale que motivante, ne suffisent plus pour motiver les joueurs. Il faut y adjoindre les moyens financiers et matériels adéquats. A l’amorce du Pse, le Sénégal ne peut pas se permettre de laisser filer cette coupe dont il a pris la responsabilité d’organiser.
Il est inadmissible qu’à la date d’aujourd’hui, nous ne voyons pas de démarche qui tranche d’avec les vieilles méthodes tant décriées du point de vue de la préparation que de celui de la mobilisation malgré la professionnalisation de notre football.
Il semble qu’un programme a déjà été concocté par les techniciens et mis sur la table des responsables fédéraux pour exécution. Si tel est le cas, il est à fort regretter qu’il n’ait pas connu jusqu’ici un début d’exécution.
La haute compétition a ses exigences qui requièrent une planification de toutes les actions y relatives qui, pour la plupart induisent des coûts qu’il importe de budgétiser, de dégager l’enveloppe financière s’y rapportant et la déposer dans un compte spécial afin de se prémunir des contraintes de levée des fonds et de faciliter une reddition des comptes.
A ce jour, il n’existe point d’actes posés par nos dirigeants qui autorisent à penser un seul instant que notre pays est dans une logique d’inscrire, pour la première fois, son nom dans la liste des lauréats de ce prestigieux trophée.
Pour preuve, au plan de la préparation technique de l’équipe, hormis le match qu’elle a livré contre l’Afrique du Sud et qui s’est soldé par un nul, aucun autre match n’est programmé.
Cette rencontre, au-delà du résultat, interpelle nos dirigeants sportifs sur la nécessité et l’urgence de mettre en œuvre le programme technique et le planning de supervision des joueurs expatriés qui constituent la base de l’équipe afin de permettre aux techniciens d’apporter les correctifs nécessaires avant l’entame du tournoi.
Au moment où les U20 sud africains en sont au terme d’une tournée de sept matchs de préparation qui leur a permis certainement de produire le match de haute facture devant notre équipe et d’aller décrocher le nul en terres camerounaises comptant pour le dernier tour des éliminatoires.
Cette Can qui a déjà enregistré la participation de grosses pointures du football africain comme la Côte d’Ivoire, le Ghana, la Zambie, risque d’être l’une des plus relevée de l’histoire de la compétition dans cette catégorie. Un trophée continental ne se gagne pas dans l’improvisation. Il se gagne à partir d’une bonne planification stratégique articulée autour d’une préparation technique adéquate dans un climat de sérénité.
Concernant les volets assurances et des primes de matchs, il est permis d’espérer, compte tenu de la fronde de nos basketteurs en route pour le Mondial et des perturbations que cela a engendré, que ces deux questions seront suffisamment pri- ses en charge à temps par les dirigeants pour qu’elles ne viennent pas polluer la préparation des footballeurs.
Il est révolu le temps de la fameuse phrase de Pierre de Coubertin « l’important est de participer». Le sport est devenu un business et il n’est plus permis d’y dépenser nos maigres derniers pour rien, surtout quand on prend la responsabilité d’organiser un tournoi avec tout ce que cela comporte comme conséquences financières.
A cet effet, il s’agit de prendre la bonne décision en faisant l’arbitrage qui sied sur les moyens à mettre en œuvre relativement aux ambitions. Si c’est juste pour participer, on ne voit pas l’utilité d’aller chercher des joueurs expatriés très coûteux encore moins la nécessité de prendre en charge l’organisation d’un tournoi. Le Peuple sénégalais est loin d’être chauvin. C’est un Peuple patriote et friand de
victoires, mais avec beaucoup de mesure. L’attitude répréhensive qu’il a eue lors du match Sénégal/Côte d’Ivoire découle d’une exaspération consécutive aux échecs récents inexpliqués et insuffisamment sanctionnés avec seulement l’éviction des entraîneurs. Il appartient à nos dirigeants de prendre en compte, à sa juste mesure, cette dimension du problème.
Le Peuple ne comprend toujours pas comment un grand pays comme le Sénégal, de par sa réputation dans le monde et la qualité de ses ressources humaines, n’arrive toujours pas à remporter un trophée continental en football. Au moment de lancer les bases d’un Sénégal émergent, il nous faut commencer par rompre avec ces séries d’échecs enregistrés au plan sportif.
Pour que cela soit, il faut que chacune des parties prenantes de l’organisation de cet évènement joue convenablement sa partition. Fini, pour les responsables fédéraux et le ministère le temps de faire des entraîneurs les boucs émissaires de nos échecs sportifs et penser pouvoir se disculper aussi facilement de leur part de responsabilité dans les échecs sportifs comme ils l’ont toujours fait.
Il est important que nos dirigeants comprennent que l’opinion publique a fini de se convaincre que nos contre-performances sportives relèvent moins de l’impéritie de nos entraîneurs que d’un problème de système contre- productif et entretenu pour des raisons inexplicables. Nos techniciens sont formés dans les mêmes écoles que beaucoup de leurs homologues français qu’on leur préfère à coup de plusieurs de millions de nos francs, sans que les résultats escomptés ne soient au rendez-vous.
En France et partout ailleurs en Europe, les responsabilités sont clairement définies, les rôles régulièrement assumés, les tâches convenables acquittées et les moyens financiers comme matériels dégagés et mis à disposi- tion à temps opportun, à tel enseigne que l’éviction d’un entraîneur ne prête plus à polémique.
Aussi, la mise en place du budget de cette compétition et l’exécution des programmes et planning de supervision sont devenues impératives au regard de la petite marge de temps qui nous sépare de la date de démarrage de la compétition. Cela est d’autant plus vrai qu’en tant que pays organisateur, le Sénégal court le risque de manque de compétitivité du fait de sa non participation aux phases éliminatoires.
Dans le même sillage, il leur incombe de mettre, à temps opportun, à la disposition des entraîneurs les moyens appropriés y compris le paiement des arriérés de salaires afin que ces derniers libérés de toute contrainte psychologique puisse procurer au Peuple sénégalais ce bonheur tant attendu en gagnant de haute lutte le trophée continental.
Aux responsables fédéraux, à qui incombe la charge de gérer notre football en tant que délégataires du ministère de comprendre qu’ils ont une responsabilité vis-à-vis du Peuple pour lequel ils gèrent les deniers de l’Etat. La protection que leur confèrent les textes de la Fifa ne saurait être un moyen pour se soustraire à la part de responsabilité qui leur revient au moment du bilan.
Aux pouvoirs publics très réfractaires à la récupération politique de leurs échecs, il doit être clair dans leur esprit qu’ils ne seront désormais jugés par les populations qu’à l’aune des performances qu’ils auront réalisées dans les différents secteurs de la vie y compris le sport.
N’est-il pas temps que le chef, à qui le Peuple a confié son destin et dont la volonté de satisfaire ses attentes ne fait pas l’objet d’un doute, démocratise ses sources de compte rendu et évalue des actions publiques afin de détenir les raisons objectives de nos succès comme de nos échecs pour mieux situer les responsabilités et sanctionner ?
Au moment où le Sénégal s’en- gage dans un processus d’émergence, désormais tous les projets de cette dimension devraient être une affaire du chef de l’Etat qui est le seul comptable des résultats face aux populations. Le pays ne plus aller d’échec en échec.
Toute cette prospective et la rétrospective qu’elle sous-tend participent d’une volonté d’alerter les parties prenantes au projet à prendre les mesures idoines en tenant compte des délais. Cet objectif est à la portée de notre pays ; Il suffit juste d’une réelle volonté politique pour y arriver.