HISSEIN HABRE «EST COHERENT»
MUET DEVANT LE JUGE ET RENVOI DE SON PROCES
L’attitude d’Hissein Habré est très cohérente car il ne doit pas accepter de se faire défendre devant une juridiction qu’il ne reconnait pas. L’avis est d’El Hadji Ibou Barry Camara, professeur de droit à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Le pénaliste dit ne pas être surpris par une telle «stratégie longtemps préparée».
Devant la cour des Chambres africaines extraordinaires (Cae), Hissein Habré est resté aphone et a interdit à ses avocats de se présenter à l’audience. Ce qui entraine un renvoi du procès pour permettre aux avocats qui lui sont commis d’office de prendre connaissance du dossier. Pour El Hadji Ibou Barry Camara, professeur de Droit à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, une telle attitude ne devrait pas surprendre. «En réalité, Habré avait déjà annoncé ça depuis le départ pour avoir dit qu’il ne reconnait pas les Chambres africaines extraordinaires qu’il qualifie de chambres administratives extraordinaires», explique-t-il.
Ceci nous permet de deviner qu’il lui serait impossible de déférer à la convocation ou même de se défendre devant cette juridiction comme il aurait été souhaité. «Parce que simplement ne considérant pas ces chambres comme étant de véritables institutions juridictionnelles», dit-il. Selon le professeur Camara, «une telle stratégie de défense reste dans la logique adoptée par Habré». Donc, «la stratégie de Habré est très cohérente, c’est une procédure préparée depuis le début qu’il est entrain de dérouler parce que lorsque vous ne reconnaissez pas une juridiction, vous n’allez pas accepter de vous défendre devant elle», poursuit-il.
De l’avis du professeur, l’attitude du président Habré peut être appréciée à deux niveaux. D’une part, pour lui, quelle que soit la situation, il serait condamné. «Peut être il a été informé des charges qui pèsent sur lui et qu’il lui est impossible de se défendre. Dans un tel cas, autant pour lui de commencer tout de suite de dérouler une stratégie tendant à semer le doute sur une ultérieure décision le concernant», révèle-t-il. Il peut aussi essayer par ce silence de pousser la cour à la faute. «Parce que déjà la cour est très mal à l’aise de vouloir juger quelqu’un qui ne veut pas répondre parce qu’il y a ce qu’on appelle le principe du contradictoire qui devrait dominer dans un procès et de surcroit un procès pénal», signale le pénaliste.
Aussi, ajoute-t-il, «les conditions dans lesquelles il a été amené à son âge, choquent du point de vue moral et il fait appel ainsi à un moyen de défense incontournable qu’est l’opinion internationale ». Si vous considérez tout le temps qui est passé avant la tenue de ce procès, «comment va-t-on faire pour trouver des preuves tangibles contre M. Habré mais aussi pour contourner ce moyen de défense qui n’est pas du tout ordinaire ?», s’est-il interrogé. Mais «qu’est ce qui se passera le 7 septembre? » Parce que selon Pr Camara, «Habré ne va pas accepter pour les avocats commis contre sa volonté ce qu’il a refusé à ses propres avocats. Il ne va pas collaborer. C’est sûr que le procès sera à nouveau renvoyé».
Nous avons un procès qui, de par ses aspects, «présage des lendemains notamment douteux et très longs contrairement à la durée de trois mois annoncée». Parce que quelles que soient les compétences et valeurs des avocats commis, ils ne peuvent pas défendre quelqu’un contre sa volonté. Toutefois, conclut-il, «vu comment les choses sont entrain de se dérouler, Habré ne peut pas échapper à une lourde peine. Mais avec une telle stratégie également, il s’expose au prolongé de sanctions très lourdes car la cour est très gênée par rapport à son attitude».