HÉRAUTS D’UN AUTRE MONDE
Y aurait-il un socle argumentaire qui donne à comprendre l’effervescence altermondialiste qu’occasionnent tous les grandes rencontres internationales à l’échelle du globe et le déferlement humain que suscitent les contre sommets du Forum social mondial (Fsm) ?
Grande messe des hérauts « d’un autre monde possible », laquelle, il y un peu plus de trois ans, avait choisi pour célébrer ses dix ans, sa première décennie d’existence, de migrer en cette année 2011 de Porto Alegre au Brésil et Mbumbai en Inde et Nairobi au Kenya entre autres, vers notre capitale Dakar, les rencontres de cette nature irritent et intriguent les chantres de l’establishment et des orthodoxies entretenues.
Et Dakar en a administré encore la preuve ces jours derniers.
Les joutes d’idées sur les alternatives possibles proposées jusque là et dont notre capitale aura été l’épicentre toute la semaine écoulée, à l’occasion du Forum social africain, montre bien, comme l’ont été les précédentes rencontres du genre, que la globalisation n’a pas que des adeptes.
Et que ses contempteurs, nombreux à l’image de ces nouveaux convertis à l’alter-mondialisme et activistes de tous profils et de tous horizons qui avaient, pour l’occasion, squatté le Centre international d’échanges (Cices) de la foire et d’autres lieux de Dakar ne manquent jamais de surprendre, chaque jour un peu plus, par leur prise de position farouchement tranchée sur l’idéologie et les pratiques néolibérales conçues jusque là comme un dogme.
En plus d’avoir bien montré les liens pertinents pouvant exister entre la nécessité d’une justice sociale à l’échelle du globe et les mutations écologiques caractéristiques des évolutions que connaît le monde actuel, le Fsm a surtout contribué, au cours de ces dernières années, à créer une nouvelle prise de conscience des répercussions environnementales du système économique et géopolitique dominant.
La vision écologique portée par l’altemondialisme version Fsm aura surtout permis une lecture des relations entre pays et partie du monde à partir d’un nouveau paradigme. Celui qui donne aujourd’hui donne à penser les processus globaux de transformations économiques et sociales à l’aune d’une évolution des sociétés fortement marquée par les enjeux liés à l’environnement.
Dans le point 11 de la Charte de ses principes, le Forum social mondial est défini comme « un mouvement d’idées qui stimule la réflexion et la diffusion transparente des fruits de cette réflexion collective sur les mécanismes et instruments de la domination du capital, sur les moyens et actions de résistance et la façon de dépasser cette domination, sur les alternatives proposées pour résoudre les problèmes d’exclusion et d’inégalités sociales que le processus de mondialisation capitaliste, avec ses composantes racistes, sexistes et destructrices de l’environnement est en train de créer au niveau international et dans chaque pays ».
Les bientôt quinze années de lutte à l’échelle du monde du Fsm ont permis d’affiner et de donner de la substance à des concepts comme la préservation de l’environnement comme d’un bien public commun, au refus de la subordination systématique au marché et au marché du capital spéculatif.
Mais surtout à l’annulation de la dette des pays pauvres anciennement colonisés, à l’idée d’un « green new deal » qui procède d’un mode alternatif de régulation publique et de redistribution des revenus issus des ressources naturelles des pays et à la mise en place d’outils et de mécanismes de financement innovants pour financer la lutte contre le réchauffement climatique, les gaz à effet de serre et toutes les autres formes d’iniquité et d’inégalités écologiques connues.
La question majeure que pose, en dernière instance, l’alter-mondialisme écologique qui s’était donné rendez vous dans la capitale sénégalaise, c’est celle de ce nouveau leadership à promouvoir pour un développement durable en Afrique. Ce leadership de rupture consistant à savoir comment se donner les moyens de rompre l'intenable spirale de la paupérisation historique consécutive aux programmes d'ajustement structurel.
Lesquels ont plongé l'Afrique dans une crise profonde et multiforme, à la faveur d’une mondialisation à pas forcés, conduite tout au cours des deux dernières décennies précédant ce millénaire naissant et qui ont amené M. Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’Economie et ancien économiste en chef de la Banque mondiale à décrier avec véhémence ces décennies perdues pour le développement dans son ouvrage intitulé « La Grande désillusion » (Paris, Fayard 2003).
Un livre-phare et un document d’anthologie dans le domaine de développement durable où Stiglitz écrivait ceci : « La mondialisation ça ne marche pas ; ça ne marche pas pour les pauvres du monde ; ça ne marche pas pour l’environnement ; ça ne marche pas pour la stabilité de l’économie mondiale.
S’il y a un mécontentement contre la mondialisation, c’est parce que manifestement elle a mis non seulement l’économie au dessus de tout mais aussi une vision particulière de l’économie - le fanatisme de marché - au dessus de toutes les autres visions », explique le Prix Nobel d’économie qui, par ailleurs, dénonce ce qu’il appelle « l’injustice mondiale » ou encore « l’hypocrisie des pays industriels avancés » en intervention d’Etat, de coûts environnementaux et sociaux etc.