''IL Y A DES LOURDEURS ADMINISTRATIVES QUI NE DISENT PAS LEURS NOMS AU MINISTÈRE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES''
HUGUES DIAZ, DIRECTEUR DE LA CINÉMATOGRAPHIE SUR LE FOND D’AIDE AU 7E ART
Présent lors de la première projection du festival du Cinéma de Nioro du Rip jeudi dernier, Hugues Diaz directeur de la cinématographie annonce la création de syndicats pour valoriser davantage le 7e art. Dans cet entretien, il s’explique sur les lenteurs qui entourent le décaissement du fonds d’un milliard que le chef de l’Etat avait promis aux cinéastes. Hugues Diaz pointe du doigt les «lourdeurs de procédure» du ministère de l’Economie et des Finances.
Qu’est-ce qui motive votre déplacement à Nioro pour assister au festival Cinérip ?
D’abord nous nous inscrivons dans une politique très précise de territorialisation c’est-à-dire encourager la territorialisation des initiatives. Aujourd’hui, c’est un fils de Nioro du Rip (Thierno Diagne Ba) qui a initié le festival. Il en est à sa 3ème édition.
Donc nous sommes venus apporter le soutien de l’Etat du Sénégal. Aujourd’hui l’Etat ne peut pas tout faire. Les initiatives doivent être portées au niveau local d’abord. C’est comme cela que les grands pays de cinéma sont nés. Hollywood, puis encore au Maroc plus proche de nous. Chaque région ou localité a son festival local.
Alors c’est ce que nous voulons encourager pour que cet effet puisse être répliqué dans plusieurs lieux. Même si c’est dans des villages, nous venons apporter notre soutien matériel et pourquoi pas financier et cinématographique, en faisant venir des acteurs, des réalisateurs de cinéma.
En tout cas, nous sommes venus encourager des initiatives culturelles. C’est une démarche qui est chère à l’actuel ministre de la Culture qui, chaque semaine pendant les week- ends se trouve dans des localités, soit dans sa zone naturelle à Fatick ou dans d’autres zones pour encourager des initiatives culturel- les à la base.
Malgré ces initiatives, le 7 art rencontre toujours des difficultés...?
Il y a une reprise en main de ce qu’était le cinéma. Même au moment où le cinéma sénégalais rayonnait, cela se faisait dans des festivals. Or, les festivals seuls ne peuvent pas faire une cinématographie...
On était le pays pionnier dans le cinéma africain. On doublait le Maroc, l’Afrique du sud et presque tous les pays africains. Malheureusement on n’a pas su asseoir des unités de formation qui sont indispensables. Le Sénégal n’a jamais eu une école de formation aux métiers du cinéma. Alors qu’on avait de grands réalisateurs, de grands cinéastes. Les Sembène Ousmane, Djibril Diop Mambéty sont allés avec leur savoir.
On n’a pas su mettre une école pour assurer la formation continue des jeunes. L’autre problème est qu’on n’a pas su mettre des industries techniques : c’est une faiblesse dans la cinématographie. Aujourd’hui, notre préoccupation, c’est de mettre en place des industries techniques de production pour qu’un film qui se produit au Sénégal puisse être fait au Sénégal, au lieu d’aller au Maroc, en France comme c’est le cas aujourd’hui pour faire un long métrage. Les gens sont obligés pour faire un long métrage d’aller à l’étranger.
C’est une perte de ressources et d’argent. Le dernier problème, c’est qu’on n’a pas un secteur privé fort. Il y a un problème d’organisation des professionnels.
Il y a tellement d’associations que l’association faîtière des professionnels n’est plus forte. Ce n’est pas à l’Etat de régler ce problème-là. Aujourd’hui, on devait avoir des syndicats de cinéastes, de réalisateurs, de techniciens, de producteurs pour défendre leurs intérêts et revendiquer leurs droits.
Les jeunes cinéastes se plaignent souvent d’être laissés en rade par l’Etat. Que fait l’Etat à ce niveau ?
Aujourd’hui, il y a un renverse- ment de la situation. Il faut le reconnaître. Les jeunes sont beaucoup soutenus par l’Etat. Moi en tout cas, depuis que je suis à la tête de la Cinématographie, je verrouille beaucoup avec les anciens.
On donne la chance aux jeunes. On les pousse à produire. Le Fespaco dernier, a vu le triomphe de la jeunesse avec Moly Kane, Khadidjatou Pouye, Alain Gomis qui se sont illustrés dans leurs différentes catégories.
Les cinéastes dénoncent les lenteurs qui entourent le décaissement du fonds d’un milliard que le Président Macky Sall leur avait promis. Où en est la procédure?
Ecoutez, c’est un processus. Vous savez le fonds que le Président nous a donné, on n’y a touché aucun franc. C’est vrai, il y a des lourdeurs administratives qui ne disent pas leurs noms au niveau du ministère de l’Economie et des Finances. Les fonds publics sont tellement bien sécurisés qu’on ne les utilise pas n’importe comment.
Nous avons anticipé dans tout. Mais le problème reste les lourdeurs de procédure au niveau du ministère susmentionné. Nous sommes les premiers à avoir anticipé. Lorsque le Président a dit : «Je vous donne le milliard». Dès le mois qui a suivi, nous avons mis en place le comité de gestion en 2013.
On a lancé les appels à projets en septembre 2013 pour terminer en mars 2014. Aujourd’hui, les commissions sont en train d’examiner les différents projets qui sont au nombre de 81, sans recours à un franc du milliard qu’on nous a donné. C’est pour vous dire combien la Direction est préoccupée au même titre que ces jeunes cinéastes qui disent que c’est lent.
Il faut comprendre que c’est un processus nouveau que nous mettons en place avec toutes les exigences du ministère de l’Economie et des Finances, du Code des marchés, des procédures draconiennes que nous-mêmes administrateurs du cinéma sénégalais avons du mal à comprendre.
Le ministre de la Culture fait tout pour que cet argent puisse aller dans les projets de films. Je signale que parmi les 81 projets, plus de 80% sont des jeunes. Pour le fonds, le blocage ce n’est pas nous.