INCITATION AU PARJURE
L’imam de la Grande Mosquée de Dakar a troqué sa djellaba blanche d’homme religieux contre le costume noir des politiciens. Il a tenté d’offrir une bouée de sauvetage au Président Sall qui ne rêve que d’un septennat sans perturbation
Le débat sur la réduction du mandat président s’est invité dans le prêchi-prêcha de l’imam de la grande Mosquée de Dakar. En effet, du haut de son minbar, El Hadj Alioune Moussa Samb, dirigeant la prière de l’Aïd el Fitr, a recommandé au président de la République de ne point réduire son mandat parce que le peuple l’a élu pour sept ans. Pour lui, la rétractation discursive n’est point une chose gravissime dans la mesure où ceux-là qui lui disent de respecter son engagement sur le quinquennat ne font que guigner le fauteuil sur lequel il est royalement assis.
Pourtant c’est dans un discours où la thématique axiologique est la pierre angulaire que l’imam demande au premier des Sénégalais de renoncer à une vertu fondamentale qu’est le respect de la parole donnée. En ce jour de Korité, El Hadj Moussa Samb a troqué sa djellaba blanche d’homme religieux contre le costume noir des politiciens, lesquels n’ont aucun scrupule à déverser un monceau de mensonges pour atteindre leur fin. Il a tenté d’offrir une bouée de sauvetage au président Sall qui, en cette période de scepticisme abyssal sur sa réélection, multiplie inflexions verbales, contorsions politiques et contournements juridiques et ne rêve que d’un septennat sans perturbation.
Imam hors-prêche
Etymologiquement, l’imam est «celui qui se place devant et qui montre la voie». Ainsi l’imam est un guide qui doit être à équidistance des chapelles quand il prononce un sermon à des milliers de fidèles d’appartenance politique diverse. Certes la grande Mosquée, de par son statut, est un lieu de culte qui fonctionne à partir des subsides de l’Etat. C’est pourquoi l’imam, officiellement désigné, reçoit rémunération et voiture de fonction de l’Etat. Mais cela ne signifie pas que ce dernier doit, par voie de conséquence, être un caudataire des différents régimes successifs.
Aujourd’hui les statuts de la grande Mosquée de Dakar et de l’imam qui y officie révèlent la fragilité de ladite institution religieuse car elle a du mal à se démêler de l’écheveau étatique qui l’enserre obligatoirement dans les rets d’une dépendance pécuniaire-matérielle. Pourtant la neutralité par essence du lieu de culte vis-à-vis de la politique induit la dissociation de la croyance religieuse et de l’allégeance politico-partisane.
En transformant le minbar en tribune politique, l’imam Samb est passé à côté de son prêche. Il ne doit pas politiquement servir de faire-valoir à des démarches racoleuses mais mettre les fidèles y compris le président de la République sur la voie du Siratul Mustaqim, c’est-à-dire le chemin de la droiture. Et la droiture implique aussi le respect de la parole donnée.
Si 65% de Sénégalais ont élu Macky Sall en 2012, c’est en grande partie à son engagement d’amenuiser le long septennat en quinquennat raisonnable. Dès lors, le Président Sall ne devrait pas se soustraire à l’éthique du respect de la parole donnée. Toute cette camarilla qui pousse le prince à commettre un parjure ne sont hantés que la préservation ou la peur morbide de perdre les passe-droits et autres bakchichs qui sustentent leur boulimie insatiable. Ceux qui poussent le Président à cette forfaiture seront les premiers à le vitrifier en cas de perte du pouvoir.
La République est assise sur un socle de valeurs dont le premier garant est le Président. Donc dire au Président : «tu as pris un engagement de faire cinq ans mais nous t’avons élu pour un septennat, donc il faut régner pendant sept ans», c’est simplement enseigner aux fidèles que l’abus de confiance et le mensonge sont des vertus alors que dans la classification des péchés dans l’islam, le mensonge trône à la première place.
Un impératif fidéique catégorique
Le musulman a l’obligation d’accorder une attention particulière aux respects de ses engagements : c’est là un impératif fidéique catégorique. La dévotion sincère et la totale soumission à l’endroit de Dieu est une base solide qui lui permet de développer la capacité à respecter la parole donnée.
Dans une société où les paradigmes s’étiolent, les parangons de vertu périclitent pour laisser place à l’imposture, la félonie et le mensonge, le rôle de l’imam demeure plus que jamais nécessaire parce qu’il éclaire de par la lumière de son enseignement le droit chemin des fidèles tentés par l’égarement et le souci de conserver l’intérêt personnel au détriment des valeurs sociétales.
Nous demandons à l’imam El Hadj Moussa Samb de méditer sur ces paroles du Tout-Puissant et du Prophète Mahomet qu’il maîtrise sans nul doute : «Bienheureux sont ceux qui respectent les dépôts qui leur sont confiés ainsi que leurs engagements», sourate 23, verset 8 ;
«Soyez fidèles à vos engagements, car vous aurez à en rendre compte», Sourate 17, verset 34 ;
«Tenez vos engagements une fois que vous vous y êtes engagés », Sourate 16, verset 91 ;
«Ô croyants ! Respectez vos engagements», Sourate 5, verset 1 ;
«Ceux qui vendent à vil prix leur engagement (…) n’auront aucune part dans l’au-delà, et Allah ne leur parlera pas, ni les regardera, au jour de la Résurrection, ni ne les purifiera ; et ils auront un châtiment douloureux» Sourate 3, verset 77 ;
«La piété, c’est aussi (…) demeurer fidèle à ses engagements», sourate 2, verset 177 ;
«Les signes distinctifs de l’hypocrite sont au nombre de trois : Lorsqu’il parle il ment, lorsqu’il promet il viole sa promesse, et lorsqu’on lui confie un dépôt, il est déloyal» (Hadith rapporté par Al-Bukhari et Muslim).