LA COLÈRE DE FUTURS MEDIAS...
Devant la sinistrose de la crise économique qui frappe durement le secteur de la presse, il faut des solutions globalisantes et non des démarches singulières ou solitaires
Dans l’édition du 24 novembre du journal L’Observateur, le journaliste Mamoudou Ibra Kane, parlant au nom du Groupe Futurs Medias (GFM), s’est fendu d’un coup de gueule pour dénoncer le traitement inique, voire cynique, auquel s’adonne l’Etat pour gérer le secteur de l’audiovisuel. Dans son texte épistolaire protestataire, le directeur général de GFM dénonce les méthodes inégalitaires de l’Etat sénégalais dans son appui financier au secteur de l’audiovisuel.
Pour lui, il est inconcevable que le gouvernement alloue un consistant supplément budgétaire de trois (3) milliards de francs Cfa à la RTS et octroie une part de marché publicitaire à une concurrente pendant que son entreprise médiatique, qui a été nominée parmi les cent entreprises les plus performantes de l’année, est laissée en rade, pour on ne sait quelle raison.
Ainsi le sommet de la Francophonie a été la goutte… de milliard qui a fait déborder le vase de l’iniquité. On ne peut comprendre que la RTS, qui est un média public, bénéficie indûment de marché publicitaire au détriment des médias privés, indépendamment de l’aide à la presse dont elle bénéficie.
En France, en 2009, le président Sarkozy a fait voter une loi interdisant, au-delà de 20h, toute publicité à travers les chaînes nationales et internationales de France Télévisions (chaînes publiques). Et pour combler le gap financier qu’occasionne cette situation, l’Etat taxe les opérateurs Télécoms et les télés privées. Ce que ces dernières n’acceptent pas puisque l’affaire est actuellement sur la table de la Cour européenne de Justice. Mais l’Etat français menace de revenir au statu quo ante si jamais ladite juridiction tranche en faveur des télés privées.
Au Sénégal, depuis qu’on parle du financement de l’audiovisuel, aucune action ni proposition concrète n’a été faite par les acteurs ou pouvoirs publics. Cette bronca du DG de GMF, au-delà du sommet de la Francophonie, pose la problématique du financement du secteur des médias.
Aujourd’hui, il faut éviter toute démarche solitaire qui peut s’avérer inopérante. Même s’il faut, par ailleurs, saluer cette mesure de boycott du sommet de la Francophonie, prise par GFM, qui peut être le déclic d’une prise de conscience de la gravité de la situation que vivent les médias sénégalais.
De façon plus holistique, il faut poser le problème sur la table du gouvernement et chercher des solutions viables qui empêcheraient, à moyen ou long terme, la faillite des entreprises de presse privées sénégalaises. Devant la sinistrose de la crise économique qui frappe durement le secteur de la presse, il faut des solutions globalisantes et non des démarches singulières ou solitaires. Aussi est-il important de proposer des solutions permettant de garantir le financement de la presse.
Il s'agit notamment pour l’Etat de trouver un équilibre entre médias publics et médias privés surtout en termes d'accès à la ressource publicitaire et non de distribuer annuellement, au gré de ses accointances avec tel ou tel patron de presse, des prébendes appelées trivialement "aide à la presse".
Il apparaît en effet légitime aujourd’hui, avec un secteur en pleine expansion, d'envisager un accès plus équitable à la ressource publicitaire.
L’aide à la presse est la plus grosse escroquerie financière ratifiée par les patrons de presse et entretenue à dessein par l’Etat. Il est avéré que cette aide… aux patrons de presse ne gonfle que les comptes bancaires de la plupart d’entre eux, mais ne règle jamais une once des difficultés auxquelles sont confrontés quotidiennement les soutiers de la profession que sont les journalistes de terrain ou éloignés des centres décisionnels.
Et nonobstant le tollé dénonciateur soulevé chaque année par les professionnels des médias, lesquels ne jouissent pas des voluptés des prébendes de l’Etat, une telle pratique aux fortes senteurs de corruption déguisée est loin de s’estomper parce que permettant à l’Etat de tenir en bride certains aboyeurs du secteur de la presse.