LA LIBRE VOIX POPULAIRE
RÉDUCTION DU MANDAT PRÉSIDENTIEL DE SEPT À CINQ ANS PAR VOIE RÉFÉRENDAIRE
Le président Macky Sall a t-il raison de solliciter directement l’avis des Sénégalais pour la réduction volontaire de la durée de son mandat ? Certainement ! La voie référendaire est probablement la plus sûre et la plus démocratique pour interroger sans interface les mandants, que sont les citoyens, sur une question constitutionnelle de premier plan. Et surtout, mesurer grandeur nature leur sentiment sur un engagement aussi crucial, pour l’image du Président et probablement la stabilité politique et sociale du Sénégal.
D’autres voies s’offraient également à lui : le vote des députés de l’Assemblée nationale ou la démission pure et simple au bout de cinq ans d’exercice, comme le suggérait avec pertinence Me Ousmane Sèye, avocat et leader politique.
Il faut reconnaître que chacun des deux cas, comporte sa dose davantage et d’inconvénients. Soumettre la réduction de ce mandat de sept à cinq ans à la sanction des députés donnerait au Parlement sa vraie place dans la démocratie. Avec à la clé une épargne budgétaire de l’ordre de plus 10 milliards dont beaucoup de secteurs de l’économie auraient grandement besoin.
Cependant, malgré sa majorité au Parlement, il ne serait pas évident que la volonté présidentielle coïncide avec celle des députés de Benno Bokk Yakaar qui lient à tort ou à raison leur sort à celui du Président. Ils auraient tout intérêt dans le maintien de la durée actuelle du mandat qui correspond presque à celle de la législature. Evitant du coup le retour de manivelle : une éventuelle défaite de Macky Sall en 2017, aurait des effets d’entrainement dans l’élection législative suivante.
La confiance accordée au nouveau Président pourrait aller, comme il est de coutume, jusqu’au renouvellement de l’Assemblée nationale, pour espérer lui donner une nouvelle majorité parlementaire. Comme ce fut le cas en 2000 et en 2012.
Wade avait bénéficié de la prime au nouveau gagnant, pour obtenir une confortable majorité à l’Assemblée nationale. Et il y a deux ans, la victoire de Macky Sall était suivie d’une dissolution et d’une nouvelle victoire parlementaire. Visiblement, les Sénégalais abhorrent la cohabitation. Si le Président Macky Sall arrivait à perdre son fauteuil dans la foulée d’une élection perdue en 2017, la majorité pourrait ainsi changer dans la foulée. Et les députés actuels ne le verraient pas d’un bon œil. Aussi seraient-ils tentés de voter pour le respect des dispositions constitutionnelles fixant le mandat présidentiel à sept ans. La Constitution avant la parole présidentielle, oubliant que l’engagement présidentiel devrait aussi avoir du sens et de la valeur éthique.
Ce réflexe sécuritaire, les amènerait donc tout naturellement à voter contre une modification de la constitution actuelle, pour laisser le Président aller au terme de son mandat de sept ans. Faisant fi de la volonté présidentielle de respecter son engagement, ils pourraient arguer au même titre que le Président avoir agi en toute conscience et librement. Au nom de la sacro-sainte séparation des pouvoirs. Tranquille et pépère, le Président continuerait son mandat jusqu’en 2019, et les députés de sa majorité auraient plus d’espoir dans une nouvelle élection avec un Président-camarade de la même coalition qu’avec un nouveau chef de l’exécutif peu enchanté par la cohabitation.
La tonalité des déclarations des députés de la majorité de Benno Bokk Yaakaar, notamment les apéristes, encourage le Président à rester au pouvoir jusqu’en 2019 plutôt que de réduire volontairement la durée de son mandat (sept ans). Le Président le sait bien : une consultation parlementaire pourrait le conduire plus facilement au parjure. Et du coup, lui ôter toute forme de crédibilité, car soupçonné d’avoir suggéré à ses alliés de voter contre le texte du référendum proposant la réduction du mandat. Le dédit et rétropédalage, l’exemple de Wade est encore trop récent, pour être occulté, par son successeur… et les citoyens à l’affût. Doit-on l’oublier ?
La deuxième possibilité relèverait d’une démission pure et simple du Président en 2017, pour remettre son mandat en jeu. Cette démarche est plus sincère. Elle est même carrément téméraire. Et dans une telle hypothèse, la Constitution prévoit dans une situation de démission ou d’incapacité, le remplacement du Président défaillant par le président de l’Assemblée nationale, qui dans un délai de 45 jours devrait organiser de nouvelles élections. Ces joutes seraient d’autant plus ouvertes que les candidats sont égaux sur la ligne de départ. Aucun d’eux ne pourrait tirer une légitimité de Président-candidat ou bénéficier des moyens de l’Etat pour battre campagne et s’octroyer des chances supplémentaires de remporter la palme.
Le Président Macky Sall ne prendra jamais un tel risque, car il sait que la position d’un candidat-président en exercice est toujours plus favorable que celle d’un candidat ex-président. Et les électeurs ne comprendraient pas facilement qu’un Président démissionnaire veuille encore solliciter leurs suffrages. Peu d’entre eux lui sauraient gré de l’acte de sincérité et de conséquence qu’il aurait posé en remettant son mandat en jeu à travers la démission.
Reste donc la voie référendaire sur laquelle, il va semble-t-il jeter son dévolu, comme annoncé au cours de son séjour américain. On peut déplorer que la primeur fût accordée à la presse étrangère, alors que l’engagement de réduire la durée du mandat avait été pris devant le peuple sénégalais. Mais passée cette frustration, il faut reconnaître que le Président a tenu parole. On se demande d’ailleurs pourquoi il a tenu en haleine l’opinion autant de temps, sachant que les possibilités de consultation n’étaient pas variées et diverses.
Et en réalité, ni les résultats des élections départementales et communales, ni les conclusions de la Commission Nationale de Révision des Institutions (CNREI), n’auraient dû servir de prétexte pour colliger les éléments d’appréciation de sa décision. Un suspense long et désastreux pour l’image du Président aurait été évité.
Maintenant que le choix du référendum est fait que reste t-il, sinon d’organiser cette consultation populaire dans les plus brefs délais. Elle permettrait au Président de reprendre la main, après la victoire en porcelaine de sa coalition lors des élections du 29 juin. Il faudra désormais surveiller le texte de l’intitulé du référendum. Son articulation pourrait être sources de nouveaux enjeux. Mais acceptons-en déjà le bon augure. Une opportunité de premier plan pour dialoguer directement avec le peuple et redresser sa cote de popularité décadente.
Le respect de la parole donnée est valorisant. Et les Sénégalais qui n’ont pas encore senti les effets économiques de ses nombreuses préconisations, pourraient lui rendre grâce de sa sincérité. Mais de là à lui renouveler un soutien indéfectible, c’est un pas difficilement franchissable, pour des Sénégalais en attente d’une introuvable espérance.