LA POLICE EUROPÉENNE AUX TROUSSES DES SANS-PAPIERS
OPERATION « MOS MAIORUM » DU 13 AU 26 OCTOBRE
18.000 policiers sont sur les trousses des sans-papiers, du 13 au 26 octobre, dans toute l’Europe. L’opération dénommée « Mos Maiorum » est contestée par les associations mais aussi par les premiers concernés. Cependant, dans la communauté sénégalaise de Paris, on préfère éviter les lieux où les policiers ont accru leur présence.
« Restez chez vous ! Ne sortez qu’en cas d’urgence ! Ne fréquentez pas les endroits à risque comme les grandes gares, stations métros ou quartiers réputés lieux de rencontre de la diaspora ! »
Ce sont les consignes à l’endroit des sans-papiers de la communauté sénégalaise de Paris qui circulent depuis le 13 octobre. En effet, une vaste opération contre les sans-papiers se déroule, du 13 au 26 octobre, dans toute l’Europe.
Elle est initiée par les 32 pays européens, dont les 28 de l’Ue plus 4 non-membres mais qui font partie de l’espace libre de circulation Schengen.
L’opération porte le nom de code « Mos Maiorum », une expression latine tirée de la Rome antique signifiant : « Mœurs des anciens », autrement dit le système des valeurs ancestrales. Une référence qui fait hurler d’indignation les associations de migrants et de défense des sans-papiers.
Car, dans la Rome antique, le système des valeurs ancestrales est opposé à la décadence et la barbarie des étrangers que certains assimilent aujourd’hui aux migrants sans-papiers. La polémique n’est pourtant pas à court d’idées chez les Sénégalais potentiellement concernés par les 15 jours de traque des sans-papiers.
« Depuis que j’ai été alerté par des proches, en rentrant du travail, je ne prends plus la station Gare du Nord, pourtant plus proche de mon domicile », dit sagement Pape, 28 ans, travailleur dans le Btp et habitant dans la partie du 10ème arrondissement de Paris mitoyenne de ladite Gare.
Ce jeune sénégalais, en France depuis sept ans, est scandalisé d’être « la proie d’une authentique chasse » mais préfère ne pas fréquenter les alentours de cette gare.
Véritable carrefour de l’Europe, desservant la Belgique, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et les Pays- Bas, la Gare du Nord est la plus grande de l’Europe avec une affluence annuelle de près de 190 millions de passagers, mais aussi un lieu de passage des sans- papiers. Sur ses trois différentes plateformes, les patrouilles des forces de l’ordre font légion.
A sa devanture faite d’une grande baie vitrée donnant sur les lignes de métro, l’habituel attroupement d’Africains est moins important qu’à l’accoutumée.
Dispositifs contre l’immigration clandestine
« C’est honteux cette grande rafle. Les alentours de la gare sont moins animés et c’est comme cela depuis une semaine (reportage effectué dimanche 19 octobre) », signale Serge, un Ivoirien qui toise la quarantaine. Le décor est différent dans le bouillonnant quartier africain du Château Rouge et son marché qui ne désemplit presque jamais de monde. Une partie de la diaspora sénégalaise fréquentant les rues Doudeauville et Myrha est au courant de la traque des sans-papiers.
« C’est un cousin en Italie qui m’a alerté sur cette grande rafle », avoue Pathé, vendeur à la sauvette à Paris ayant entamé son parcours d’immigration par l’Italie. C’est ce pays qui a décrété l’opération « Mos Maiorum ». L’Italie a pris la présidence de l’Union européenne pour six mois.
« Cela fait trois ou quatre ans que l’Ue organise ce type d’opérations. Il s’agit d’échanger des informations et non pas de repousser les migrants », s’est justifié, dans la presse française, le porte-parole de la présidence italienne de l’Ue, Federico Garimberti.
Evidemment, l’opération est organisée pour accueillir les sans-papiers. Pourtant, la «chasse» aux sans-papiers a réellement pour but, au-delà de les fichiers, de recenser des informations sur les personnes arrêtées (nationalités, sexe, âge, lieu, date d’entrée en Europe), les routes empruntées, les moyens de transports et la destination finale, les documents en possession, les démarches administratives entreprises et le paiement des passeurs.
22.000 morts en Méditerranée depuis 2000
En France, les personnes arrêtées risquent de se retrouver dans des centres de rétention avant leur expulsion dans leur pays d’origine. « Mos Maiorum » est également une enquête sur les trois grands continents, Afrique- Asie-Europe, pour connaître les nouvelles pistes des migrants menant vers l’Europe. Les résultats attendus en décembre 2015 devraient permettre de renforcer les dispositifs de lutte contre l’immigration clandestine.
Depuis 2000, 22.000 sans-papiers ont perdu la vie en Méditerranée. Selon les statistiques publiées par l'Organisation internationale pour les migrations, la majorité d'entre eux, morts par noyade, asphyxie, de faim ou de froid, étaient originaires d'Afrique et du Moyen-Orient. Rien que de janvier à août 2014, plus de 112.000 migrants en situation irrégulière ont été recensés par les autorités italiennes (une augmentation de près de trois fois en comparaison de l’année 2013).