LA POMME DE DISCORDE ENTRE AUTOCHTONES ET L’ADMINISTRATION TERRITORIALE
INDEMNISATION DES PERTES DE RECOLTES SUR LE SITE DE L’AIBD
La problématique du déplacement des populations du site de l’Aibd était l’un des thèmes phare du séminaire de mise à niveau des journalistes sur le processus d’avancement des projets. Cette rencontre, suivie d’une visite de site, a permis aux populations victimes d’empiétement de l’aéroport de contester les principes d’indemnisation des pertes de récoltes. L’administration territoriale s’est expliqué
DIASS, Mbour - Le directeur environnemental et social de l’Aéroport international Blaise Diagne a fait, hier à Sally, l’état de l’avancement du recasement des populations des trois villages impactés par l’Aéroport internationale Blaise Diagne (Aibd). Sur papier, les principes et les modalités d’indemnisation semblent être clairs. Mais, du côté des populations relogées, l’insatisfaction trône. Et la préoccupation majeure reste l’indemnisation des pertes de récoltes. Fixées au départ à 750 000 francs Cfa l’hectare par an, cette indemnisation est finalement arrêtée à 443 666 francs. «Nous trouvons que cette somme est très insuffisante. Nous ne refusons pas de prendre cet argent, mais une discussion s’impose entre différentes parties pour trouver un montant consensuel pour l’indemnisation», a indiqué Aliou Faye chef du village de Badatte qui estime que «beaucoup reste à faire dans ces sites de recasement».
Du côté de l’administration territoriale, l’on souligne que les raisons de la baisse du montant sont à trouver dans l’hypothèse de travail qui n’est pas conforme à la réalité sur le terrain. A en croire le sous-préfet de Keur Moussa, Mactar Mbaye, le travail qui a permis de fixer les premiers barèmes a été fait sur la base d’un travail d’extrapolation qui prend en compte l’ensemble de la région de Thiès avec toutes ses potentialités naturelles. Alors que le nouveau barème s’est basé sur des données spécifiques à la localité. «L’hypothèse qui nous a fourni le chiffre de 750 000 franc l’hectare, prend en compte l’ensemble du département de Thiès», a clarifié Macktar Mbaye qui ajoute : «Actuellement on n’a encore rien arrêté».
Pour sa part, Mme Aïssatou Thioubou, directrice environnemental et social trouve que «la compensation monétaire pour les pertes de terres n’est pas une solution à privilégier pour les personnes vivant de terre». Elle rassure toutefois que «la compensation des pertes doit se faire de manière juste et équitable»
ALASSANE NDIAYE DIRECTEUR TECHNIQUE DE L’AIBD : «Cet aéroport pourra accueillir l’avion le plus contraignant»
Le directeur technique de l’Aéroport international Blaise Diagne (Aibd), Alassane Ndiaye, a présenté, avant hier samedi, lors d’un séminaire de mise à niveau avec la presse, les avantages concurrentiels de l’infrastructure. Selon lui, l’Aibd qui a une capacité d’accueil de 80 000 mouvements par an, pourra recevoir sur sa piste longue de 3,5 km sur une largeur de 75 m, tout type d’avion. «Cet aéroport (Aibd) a été conçu avec les normes de dernière génération. Elle pourra accueillir out type d’avion jusqu’au 380 qui, aujourd’hui, est l’avion le plus contraignant», a indiqué le directeur technique. Ce dernier a estimé que le Sénégal n’aura plus à construire une nouvelle piste d’atterrissage : «Ce que vous voyez dans les films à la télévision où les avions se suivent à la queue leu-leu et décollent une à une est possible au niveau de l’Aibd».
Et les infrastructures les plus importantes dans un aéroport, selon le directeur technique de l’Aibd, par ailleurs expert en aéronautique, sont les instruments de communication et de guidage. Une nécessité presque réglée au niveau de l’Aibd à travers la réalisation et l’équipement en cours de la tour de contrôle d’une hauteur de 50 m et du bloc technique. Au niveau de cet aéroport en finition, a encore expliqué M. Ndiaye, les passagers peuvent embarquer au départ sans pour autant prendre des bus où marcher sur la piste. L’Aibd va aussi, en dehors d’un système d’alimentation énergique performant, réaliser des infrastructures pour booster la production de l’énergie solaire. Sur cette question, le directeur technique de l’’Aibd a annoncé un projet pour assurer la couverture du parking automobile en panneaux solaires.
Et l’Aibd veut être le hub aérien de la sous-région ouest africaine. De l’analyse de Abdoulaye Mbodji, Directeur général de l’Aibd, le Sénégal doit remplir impérativement trois conditions pour gagner cette bataille qui le met le concurrence avec le Ghana et la Côte-d’Ivoire, dans la sousrégion. Il s’agit, selon M. Mbodji, d’installer des infrastructures de qualité, de centre de maintenance performante et d’une compagnie nationale puissante. Le Dg de l’Aibd a aussi informé que le Sénégal a porté son choix sur une société allemande pour assurer son exploitation. Les retards de paiement des prestataires de service qui pourraient impacter la livraison de l’Aibd à date échue était aussi au coeur des débats. Mais, d’après l’expert financier, Cheikh Guèye, cette situation s’explique par la complexité du processus de décaissement. «Le remboursement des emprunts va se faire jusqu’en 2028 et sera basé sur la Redevance de développement des infrastructures aéroportuaires (Rdia)», a-t-il dit.
DR KHALY NIANG, SOCIOLOGUE : «Nous allons faire du mieux pour ne pas agresser les populations dans leurs pratiques culturelles»
L’attachement à la terre des ancêtres. C’est le motif qui explique la réticence de certains habitants des villages de Kessoukhate, Kathialite, et Mbadate de quitter leur localité. Mais, pour le Directeur général de l’Aibd «il y a une certaine surenchère derrière ce refus des populations» qui complique davantage le processus déjà complexe. De ce fait, Abdoulaye Mbodji a reconnu que la commodité proposée ne peut en aucun cas remplacer l’attachement à la terre des ancêtres. «Nous voulons mettre les populations dans les conditions économiques meilleures avec un niveau de vie totalement différent, mais nous ne pouvons pas les mettre dans les mêmes conditions psychologiques», a- t-il avoué.
De son côté, le sociologue Khaly Niang, membre de la direction environnementale et sociale, a donné des assurances sur le suivi psychologique des populations arrachées à leurs terres de naissance. «Nous sommes conscients de la dimension du suivi psychologique. Il est régulier et permanent. Nous allons faire du mieux pour ne pas agresser les populations dans leurs pratiques culturelles et cultuelles», a-t-il tranquillisé. Sur les 420 logements prévus sur le site de recasement des populations victimes de l’implantation de l’Aéroport international Blaise Diagne (Aibd), 300 sont réceptionnés, selon la commission. Cette dernière a recensé 30 000 personnes à reloger. Parmi ces personnes recensées 342 sont propriétaires de bâtiments ou cases, 220 propriétaires de terrains et 87 d’entre eux sont classés dans la catégorie de personnes vulnérables. Et pour accompagner ces populations des infrastructures de base (école, mosquées, dispensaires) sont en chantier au niveau du site pouvant accueillir les populations des trois villages.
Selon les responsables du processus de recasement, d’autres mesures d’accompagnement sont en cours. Mais dans cette politique d’installation d’infrastructures et de mesures d’accompagnement, les décideurs ont omis une infrastructure de base indispensable : le marché. Pour la directrice environnemental et sociétal, les manquements constatés au niveau du site sont dus à la nonimplication des populations qui étaient réticentes au début du projet. Cependant, elle a prévu des réaménagements dans les installations futures.