LA VILLE DE DAKAR ÉPINGLÉE
RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES 2013
Le rapport 2013 de la Cour des comptes n’a pas épargné les collectivités locales, notamment des communes comme Pikine et Dakar. Selon les magistrats de ladite institution, des dysfonctionnements ont été relevés dans la gestion de la ville de Dakar à propos des recrutements et de la direction de la piscine Olympique.
Le rapport souligne que l’analyse de la composition du personnel communal selon le critère relatif au niveau d’études révèle un déséquilibre. En effet, dit le rapport, «le personnel sans instruction ou de niveau d’instruction du primaire représente une proportion considérable dans les effectifs. Il est de 62% de l’effectif pour la ville de Dakar et 68% pour la ville de Pikine. La situation est plus préoccupante dans les communes de Kaolack et Saint-Louis où, respectivement, 73% et 86% des agents sont sans instruction ou d’un niveau d’instruction du primaire alors que seulement 4% et 10% des agents ont le niveau du Bac».
«Cette configuration d’ensemble ne permet pas d’assurer un niveau d’encadrement adéquat. La faiblesse numérique des cadres dans les collectivités locales les handicape lourdement dans leur politique de développement local et dans l’exercice effectif des compétences transférées», dit la Cour qui recommande aux autorités des villes et communes de veiller au renforcement des capacités de l’encadrement moyen et au relèvement du niveau de qualification du personnel à recruter.
Pour toutes les communes concernées par l’audit, la Cour dit relever une absence de procédures formalisées de recrutement. Selon elle, les recrutements sont souvent laissés à l’initiative du maire. En outre, précise le rapport «certains recrutements sont effectués, le plus souvent, sans adéquation avec les besoins réels de la commune en personnel». Partant de ce constant, la Cour a recommandé aux autorités des villes et communes de formaliser les procédures de recrutement, de procéder à des appels à candidatures pour disposer des meilleurs profils et de veiller à l’adéquation des recrutements avec les besoins réels.
Dépenses de personnel
S’agissant des dépenses de personnel, l’audit dit relever des anomalies dans la gestion du personnel une des normes établies par le ministère en charge des Collectivités locales pour l’élaboration des budgets desdites collectivités qui prévoit que les dépenses de personnel ne doivent pas dépasser 40% des dépenses ordinaires desdites collectivités. Cette norme de gestion rapporte l’audit «n’a pas été respectée par les villes de Dakar et Pikine de même que les communes de Kaolack, Saint-Louis, Louga et Bambey, contrairement aux communes de Ziguinchor, Tivaouane, Fatick et Kaffrine».
Non-reversement des cotisations sociales
Les vérificateurs de la Cour des comptes ont par ailleurs disséqué quelques manquements dans plusieurs communes auditées telles que la ville de Pikine et des communes de Kaolack et de Fatick, qui ne procèdent pas au reversement des prélèvements de cotisations à l’Ipres et sont en contentieux avec cette institution. «Concernant la ville de Pikine, l’Ipres lui réclamait, au moment de l’audit, des arriérés de cotisations évaluées à 790 516 159 francs Cfa que la collectivité locale récuse avec, à l’appui, des documents attestant le paiement régulier des cotisations des agents. Pour la commune de Kaolack, l’Ipres lui réclamait la somme de 137 788 787 francs Cfa au titre des cotisations de ses agents alors que celle de Fatick avait accusé un retard de versement de six ans», indique le rapport.
Selon le rapport, ces situations constituent des facteurs de dégradation du climat social dans les communes du fait du préjudice qu’elles causent aux agents devant faire valoir leurs droits à une pension de retraite. Elle recommande aux autorités des villes et communes de trouver un règlement urgent et définitif au contentieux de la dette sociale avec l’Ipres.
Défaut de mobilisation et de maîtrise des recettes potentielles
Selon le rapport de la Cour des comptes, la ville de Dakar n’exploite pas la taxe sur la valeur des locaux servant à l’usage d’une profession, la taxe de balayage, la taxe de déversement à l’égout, la taxe sur les machines à coudre, la taxe de visite sanitaire des huîtres et moules et la taxe sur les locaux garnis. Il en est de même des dons et legs assortis de charges d’investissement, des fonds d’emprunts, des produits de la vente de biens et de l’aliénation ou des échanges d’immeubles ainsi que de la taxe sur l’utilisation des équipements marchands. Pour les vérificateurs, concernant certaines de ces recettes, il appartient à la ville de mener à bonne fin les opérations d’assiettes, à savoir l’identification des contribuables, la liquidation et l’émission des titres de recettes.
La Cour recommande au ministre chargé de la Décentralisation d’étudier les voies et moyens permettant à la ville de mobiliser les différentes taxes prévues par la loi, notamment par l’adoption d’une loi définissant les tarifs et les modalités de perception. Non sans recommander aux collectivités locales de trouver un cadre de travail approprié pour le recouvrement de la taxe sur la publicité.
Par rapport au défaut de maîtrise de l’assiette des recettes, la Cour dit relever une absence de suivi des opérations d’assiette et, consécutivement, de maîtrise des recettes des produits domaniaux, des produits de l’exploitation des services de la ville et des taxes municipales. Une situation qui ne favorise pas une gestion appropriée des différents services dont l’accomplissement correct des missions qui aurait permis de disposer de toutes les informations nécessaires pour identifier, recenser, constituer une base de données des contribuables et émettre les ordres de recettes.
Pour la Cour, l’absence de maîtrise de l’assiette qui induit le faible recouvrement s’explique essentiellement par le mode de recouvrement basé sur le système des collecteurs. Sur ce, elle demande au maire de faire participer pleinement ses services à la maîtrise de l’assiette des recettes relevant de sa gestion et de créer une régie de recettes au niveau de la Division des halles et marchés définissant et encadrant les prérogatives des collecteurs.
Notant l’inexistence d’un cadre de travail approprié pour le recouvrement de la taxe sur la publicité du fait que le service n’est pas mis dans les conditions minimales de performance, la Cour recommande au maire de la ville de procéder à la mise en place d’un organigramme fonctionnel de la Division des recettes et de mettre à sa disposition tous les moyens nécessaires à l’accomplissement de ses missions.
Gestion de la Piscine Olympique
Fouillant la gestion du complexe sportif de la Piscine Olympique nationale (Pon), qui dispose de plusieurs infrastructures sportives (salles de gymnastique et de musculation, terrains de football, de basket et de tennis et trois bassins), d’un centre d’hébergement, d’un restaurant et d’une salle de séminaires, la Cour des comptes dit relever plusieurs dysfonctionnements et irrégularités. Selon elle, confiée dans sa phase test à l’Etat-major de l’Armée, la gestion de la Pon est transférée à la ville de Dakar le 8 août 2003.
Cependant, dit-elle «aucun acte de cession ou d’affectation n’a été pris. Seule une lettre de l’ancien Président de la République au maire de la ville de Dakar marquant son accord, qui reste introuvable, a été évoquée. La ville de Dakar ne dispose ainsi d’aucun acte l’autorisant à gérer la Pon». Et la Cour recommande ainsi au maire de la ville d’étudier les voies et moyens pour l’affectation régulière de la Pon à la ville de Dakar.