LE CHANTRE DU «PEKAAN» A L’HONNEUR CE SAMEDI AU GRAND THEATRE
HOMMAGE A UNE ICONE DE LA MUSIQUE SENEGALAISE, GUELAYE ALY FALL
Samedi soir, un hommage sera rendu au chantre de la musique «Pékaan» d’alors, actuel slam, au Grand Théâtre. Guélaye Aly Fall, disparu en 1971, sera, en effet, célébré et son oeuvre revisitée.
Le Grand Théâtre de Dakar s’est assigné d’une nouvelle mission, celle de rendre hommage périodiquement à une personnalité de la musique sénégalaise. C’est ainsi qu’après la célèbre danseuse Ndèye Khady Niang, le Comité d’organisation a porté son choix sur Guélaye Aly Fall pour la seconde soirée hommage qui aura lieu, ce samedi.
Chantre de la musique «Pékaan», il était un fervent défenseur de la culture peule à travers son art. Disparu en 1971, il est méconnu des Sénégalais. «La mission du Grand Théâtre n’est pas seulement de faire des spectacles. Il est aussi de notre devoir de rendre un hommage mérité à de grandes figures, notamment tous les artistes disparus qui ont marqué la culture de notre pays. C’est une occasion de faire découvrir aux jeunes, qui était cet homme, en mettant en exergue sa belle voix, ses textes riches… Car au Sénégal, nous avons un patrimoine riche qui doit être développé», souligne Assane Tall, représentant de l’administrateur du Grand Théâtre national de Dakar (Gtn), face à la presse, hier.
Selon les membres du Comité d’organisation, en faisant revivre la mémoire de cet illustre disparu, le Gtn offre un plateau de valorisation du «Pékaan» qui est un genre littéraire appartenant à la communauté des pêcheurs du Fouta, les «Subalbés», et dans lequel tous les Poulars se reconnaissent. «Guélaye Aly Fall a beaucoup contribué à la promotion de la culture peule à travers le ‘Pékaan’, qu’il a su moderniser et rendre consommable», explicite Racine Tall, un des membres du comité.
Les organisateurs renseignent que la cérémonie sera riche certainement en chants, avec une soirée culturelle où les dignes héritiers de feu Guélaye Aly Fall vont se produire, ainsi qu’une troupe des Sérères Niominka, entre autres invités, pour assurer le spectacle. Il est également prévu une projection de film sur le disparu, ainsi qu’une exposition du peintre Kalidou Kassé, avec comme thème : «Les peuples de l’eau». «Tout ce qui est imaginaire, nous allons le transformer dans cette exposition. Car, il faut qu’on devienne prophète chez nous», note le peintre qui annonce un décor sur l’environnement marin, avec les poissons, les ustensiles des pêcheurs peuls et les crocodiles qui seront représentés à travers les création de la styliste Oumou Sy.
Dans la programmation, il est aussi prévu un colloque qui sera animé par des professeurs d’Université. Les thèmes porteront sur: «La poésie de Guélaye» avec le Pr Hamidou Dia ; «La richesse lexicale de l’oeuvre de Guélaye», par Djibril Hamet Ly ; «Le ‘Pékaan’ dans les travaux universitaires» par le Pr Amadou Ly ou encore «Le ‘Pékaan’ dans le rapprochement des peuples de l’eau» avec comme intervenant Abdoulaye Makhtar Diop, Grand Serigne de Dakar.
Au terme du colloque, le Comité scientifique envisage de faire un livre sur l’oeuvre de Guélaye Aly Fall pour mieux le faire connaître aux jeunes générations en le traduisant en français, en arabe et en anglais.
Guélaye Aly Fall, grand maître parolier de son temps
Conteur d’exception dans l’art peul du «Pékaan», Guélaye Aly Fall, de son vrai nom Aly Djeinel ou Aly Hadamine Fall, était un artiste très ancré dans ses racines peules. Malgré la richesse de son répertoire, il est très peu connu des Sénégalais. Pourtant, sa vie est celle d’un conteur d’exception dans ce genre musical qu’est le «Pékaan», dont il fut un grand maître parolier, et qui est aujourd’hui connu comme étant le slam. Ce qui lui a valu le nom de chantre du «Pékaan», un genre traditionaliste, où c’est la voix qui fait objet d’instrument de musique.
Selon le Comité scientifique, il n’y a pas de documentation sur Guélaye Aly Fall et rien n’a été publié sur lui, à part quelques enregistrement de la Rts radio. Ce qui avait même posé un problème sur sa date de naissance. Car sur le net, c’est 1928 qui est indiqué. Mais après des recherches approfondies, le Comité est en mesure d’affirmer qu’il est bien né en 1898 à Aram, un village situé sur la rive sud du fleuve du même nom. «En tout cas, sur sa tombe, à son village, il est bien mentionné que sa date de naissance est 1898 et qu’il est décédé en 1971», précise Racine Tall, un des membres du Comité.
Il se désole, en outre, du fait qu’il n’existe même pas de photo de Guélaye. C’est d’ailleurs à travers un portrait du peintre Kalidou Kassé que les gens pourront avoir une idée sur lui. Ce qui n’a pas été facile. Car, d’après M. Tall, il a fallu demander aux parents de Guélaye à qui il ressemble le plus dans sa famille pour pouvoir dresser ce portrait. «Il se trouve que c’est un de ses neveux qui lui ressemble le plus. Kalidou a bien réalisé ce portrait, avec une belle réussite reconnue par tous ceux qui l’ont connu», explique-t-il. Issu de la communauté des pêcheurs peuls appelée les «Subalbés», Guélaye Aly Fall était pêcheur et artiste chanteur, mais aussi berger. C’est d’ailleurs dans cette activité qu’il va se révéler comme étant doté d’un don naturel de la poésie. A son époque, il n’était ainsi pas rare d’entendre, dans le coeur de la forêt sahélienne, de belles voix des bergers peuls qui venaient enchanter les oreilles des voyageurs du soir.