LE DEVOIR DE MEMOIRE, L'EGALITE ET LA JUSTICE SOCIALE
CASAMANCE: AN 12 DU NAUFRAGE DU BATEAU LE «JOOLA»
Demain vendredi 26 septembre, jour pour jour, les sirènes vont retentir en la mémoire des disparus du naufrage du bateau le «Joola», du nom de ce navire qui assurait la liaison maritime Dakar/Ziguinchor. Officiellement, 1863 morts sont dénombrés soit 363 victimes de plus que le Titanic ayant coulé en 1912. Douze années sont passées, ponctuées de calvaires et de galères pour les proches à la requête judiciaire inassouvie. Et pour l'ensemble des communautés du Sud, des germes de cette catastrophe persistent toujours et qui se résument à l'insatisfaction quasi générale de la demande sociale des populations astreintes à la résignation. Elles ne réclament que le droit.
Cela ne fait plus de doute, le naufrage du bateau le «Joola» intervenu le 26 septembre 2002 alors qu’il assurait la liaison maritime Ziguinchor/Dakar, est la plus grande catastrophe civile de l’histoire de la navigation maritime. Près de 2000 âmes sont restées englouties dans les eaux ainsi que le bâtiment lui-même malgré les long discours stériles sur son renflouement. «Faute et négligence» étaient les maîtres mots du discours du président de la République d’alors, Me Abdoulaye Wade. Négligence, oui, ont confirmé les expert eu égard à la surcharge au point de se demander si vraiment le bateau était destiné au transport de personnes ou de fret. Cette négligence des autorités en charge de la navigation est consommée sous la pression du grand nombre de passagers en fin de vacances scolaires.
Il s’y ajoute que l’avant-veille du départ du bateau, une attaque rebelle perpétrée à Bona, faisant suite à d’autres exactions sur les axes routiers, a fini d’indiquer le bateau comme seul moyen sûr de mobilité pour se rendre à Dakar. Négligence aussi dans l’organisation des premiers secours pendant que l’irréparable s’accomplissait. Ce fut ensuite la longue procédure administrative et judiciaire pour situer les responsabilités mais jusqu’ici, aucune sanction manifeste des coupables n’est prononcée. «Les familles des victimes demandent toujours à être édifiées davantage sur les causes réelles du naufrage, l’organisation des secours et l’évaluation sans complaisance du déclenchement du plan ORSEC et un rapport détaillé de ce plan», lit-on dans leur rapport mis en ligne sur leur site. Par ailleurs, la prise en charge des pupilles de la nation est jugée dérisoire: 25.000 FCfa mensuels d’après les familles des victimes.
Certes, le bateau Aline Sitoé Diatta assure présentement cette liaison maritime et sera bientôt renforcé par deux autres navires, mais l’enclavement de la Casamance, de Diogué à Gouloumbou, reste entier. La transgambienne est dans un piteux état de délabrement jusqu’aux portes de Fatick. Ajoutez-y les humeurs à géométrie variable des voisins de la Gambie lors des traversées, c’est à croire que l’enclavement est en passe de devenir un isolement géographique. Si la mobilité des personnes en souffre, c’est surtout l’économie locale de toute la région sud qui étouffe. Au nom du droit inaliénable à l’égalité et à la justice sociale, la continuité territoriale doit être de mise afin de diluer le cocktail explosif de frustrations à ramification multi sectoriel.
Au chapitre III du document de base du Collectif de coordination des familles de victimes, il est recommandé «le désenclavement de la région, une priorité nationale eu égards aux problèmes sécuritaires multiples que traverse la région depuis deux décennies. La Casamance a toujours souffert de son isolement. L’Etat doit instaurer une politique de désenclavement de la région en mettant sur pied une liaison maritime Dakar-Carabane-Ziguinchor avec deux navires qui assureront la traversée de manière continue avec toutes les garanties de sécurité».
Sur la terre ferme, le collectif demande «une politique routière de rénovation des principaux axes menant au Sud du Sénégal par la région de Tambacounda, mais aussi par la transgambienne sous réserve de discuter avec les autorités gambiennes pour voir comment rendre la circulation fluide». Aussi, souhaitent-ils la desserte aérienne avec des prix abordable, une politique ferroviaire devant aboutir à la création d’un axe Dakar–Tambacounda–Ziguinchor par le rail.
La solution réside, dit-on, dans la réalisation d’infrastructures sociales de base notamment les voies de communication et l’implantation d’unités industrielles afin d’absorber les contingents de chômeurs qui finissent par se convertir en grands bandits en désespoir de cause. En somme, avait écrit le collectif des familles des victimes du Joola, «l’Etat doit penser à la construction d’ouvrages publics tels que des universités, des grandes écoles de formation et autres structures économiques qui puissent retenir les jeunes dans la région».