LE DÉCLIC DU FOOTBALL TOTAL
Au moment où le Catenaccio italien sombre au Mondial du Mexique en 1970 devant le Brésil, l'Ajax Amsterdam triomphe l'année suivante en surclassant le Panatinaikois (4-1), en finale de la Coupe d'Europe des clubs champions. Le coach Rinus Michels passe ensuite en Espagne et le Roumain Stefan Kovacs prend la relève pour radicaliser le jeu des Néerlandais. Il équilibre les blocs et accentue les rapprochements des lignes, favorisant les premières combinaisons en variations des angles de jeu.
Au plan de l'expression des habiletés gestuelles, les Néerlandais avaient atteint un niveau supérieur de maîtrise. Ce sur quoi le président de l'Ajax, Van Praag, s'émerveillait en déclarant : "Mes joueurs ont atteint le degré le plus élevé dans le tri-type des maîtrises techniques : prendre, conserver et acheminer le ballon."
Kovacs allait réussir un coup double en remportant la Coupe d'Europe en 1972 et en 1973. Ce nouveau phénomène constant ne pouvait pas laisser l'Europe indifférente, venant surtout d'un football qui n'a jamais été une référence.
L'équipe des Pays-Bas donne le coup de pouce attendu en épousant l'ossature et le jeu de l'Ajax, et éveille des intérêts. Surtout en Allemagne où Weisweiller, entraîneur de Moenchengladbach, sera le premier à décortiquer le jeu néerlandais en lançant un film d'entrainement appelé Football moderne. Il reprenait ainsi les thèmes supposés du jeu offensif initié par Kovacs.
Après son triomphe de 1973, Kovacs lui-même définit son oeuvre : "Mon équipe joue le football total", lance-t-il. Le concept part d'une intellectualisation du jeu, dont les premières applications sont nées des pensées venues de l'Europe de l'Est, spécialisée dans la pratique des sports dits à structure unique comme le basket et le hand. Kovacs de préciser alors : "Le football total est une organisation de jeu supérieure dans laquelle tous les joueurs sont directement concernés par le déroulement des actions de jeu."
Weisweiller, tout comme le sélectionneur national allemand Helmut Schoen, se met à l'école néerlandaise en direction du Mondial de 1974. Les vitesses de réaction, alliant rapidité et technique, vont être de mise. Et en 1974, en finale de Coupe du monde, les Allemands allaient dominer les Pays-Bas. Mais les Pays-Bas continuaient leur domination européenne, parvenant à la finale du Mondial de 1978.
Devant l'Argentine, ils seront victimes de leur faible indice de rayonnement, avec l'absence de renouvellement de leur effectif venu essentiellement de l'Ajax. Il leur a fallu attendre une décennie, avec l'arrivée massive de joueurs surinamiens, pour voir les Pays-Bas retrouver le haut niveau mondial.
Le football total a eu le mérite de porter un nouveau concept favorable au déroulement d'un jeu innovant. Son esprit continue de s'incarner dans les systèmes d'aujourd'hui, pour tous les adeptes des conceptions qui rationalisent le rapprochement des lignes et les interpénétrations des blocs, facteurs indispensables des créativités offensives.