LE GÉNOCIDE RWANDAIS DOIT SERVIR DE LEÇON
BOUBACAR BORIS DIOP, ECRIVAIN
Animant une conférence sur le génocide rwandais hier à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), l’écrivain Boubacar Boris Diop a souligné la nécessité pour les Africains de saisir le sens de cette tragédie. A son avis, le Rwanda constitue une leçon d’histoire.
Le génocide rwandais doit servir de leçon, a dit hier l’écrivain Boubacar Boris Diop. Il animait une conférence organisée par des étudiants en master d’« Histoire des relations internationales » du département d’Histoire.
Selon lui, il y a une nécessité pour les Africains de saisir le sens de cette tragédie ainsi que celui des autres conflits meurtriers qui se sont pro- duits en Côte-d’Ivoire, au Libéria, en Sierra Léone.
« Lorsque vous considérez la bibliographie sur le Rwanda, le Libéria ou la Sierra Léone, vous trouverez des Américains, des Hollandais, des Belges mais peu d’Africains », a- t-il dit. Pour l’auteur du « Livre des Ossements », le Rwanda joue « très bien » un rôle d’épouvantail pour nous tous et aujourd’hui s’il y a des dérives qui risquent de prendre des caractères génocidaires, on ne manque pas de voir des gens dire : « Attention au phénomène Rwanda».
« Le génocide est par définition un crime d’Etat et dans ce cas précis, c’est l’Etat qui, en quelque sorte, décentralise le monopole de la violence légitime qu’il a. Ici, chaque personne, en tant que Hutu, se sentait investie du devoir d’éliminer tout ceux qui étaient Tut- sis », a avancé M. Diop.
Le gouvernement génocidaire, ajoute-t-il, a été formé à l’ambassade de France à Kigali. « C’est une chose qu’on ne rappelle pas très souvent », a précisé Boris Diop. D’après lui, le génocide rwandais a commencé exactement le 1er novembre 1959 au cours de ce que l’on appelait la « Toussaint rwandaise » en rapport avec la « Toussaint algérienne ». Conduite par les Hutus et soutenue par l'Eglise catholique, la révolution sociale et politique rwandaise commence et chasse du pays des dizaines de milliers de Tutsis durant cette période.
De 1959 à 1994, a souligné l’écrivain-journaliste, il y a eu une dizaine de massacres à caractère génocidaire. Ce faisant, la mise en place de cette machine à tuer a été accompagnée de discours qui légitiment la violence faite aux Tutsis.
Interpellé par les étudiants sur la possibilité ou non qu’une tragédie de ce genre se produise dans notre pays, Boubacar Boris Diop a laissé en- tendre que « le Sénégal d’aujourd’hui devrait faire attention à la coupure de plus en plus grande, à cette béance de plus en plus manifeste entre la religion et la culture », a-t-il dit sans trop développer, ajoutant que c’est devenu un problème extrêmement sérieux.
Dans le même ordre d’idées, l’ancienne directrice du Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti), Eugénie Rokhoya Aw Ndiaye, a souligné la nécessité pour les Africains de se réapproprier cette histoire. Parlant du rôle que les médias ont joué dans ce drame, elle a expliqué que la Radio-Télévision libre des millecollines (Rtlm)n’était pas un instrument de propagande, mais un « lieu de commandement».
Mme Aw Ndiaye a aussi posé le problème de l’instrumentalisation de la religion aujourd’hui en Afrique pour nourrir certains conflits.