LE NARCISSISME : UNE TARE POLITICIENNE
Amour-propre, égocentrisme, suffisance ou autosatisfaction, rien ne saurait sur le plan intellectuel ou même du simple bon sens, justifier le comportement de nos politiciens qu’il convient simplement de nommer excusez-moi le terme de l’ignominie. Dans ce pays, le ridicule ne tue pas. Comment peut-on fusse-t-elle une proposition partisane, s’affubler de tant de suffisance dans un contexte où l’on gagne tout à être modeste ?
La retenue a ce qu’elle a d’offrir aux réfléchissants, le temps d’observer et de penser les actes à poser. A une période où le personnage politique perd de plus en plus de sa crédibilité, l’on gagnerait à faire profil bas et s’attirer l’adhésion des sachants pour ne pas dire des intellectuels.
«La modestie est au mérite ce que les ombres sont aux figures dans un tableau : elle lui donne de la force et du relief» dit la Bruyère. L’estime de soi qui n’est pas à confondre avec le respect de soi est si l’on s’y penche, un signe de légèreté et rend l’être aérien, insipide mais surtout vainement pauvre de mépriser tout ce qui lui manque. La vertu se perd par tout ce qui n’est pas vertueux et ce n’est pas vertueux d’être vaniteux- «la vanité étant la profonde source de satisfaction des imbéciles car leur permettant de substituer aux qualités qu’ils n’acquerront jamais la conviction de les avoir toujours possédées».
Le pays ne mérite pas ce que la politique lui impose en ces temps où, les soubresauts de sots politiciens nous accablent et nous étouffent chaque jour naissant.
Le rouleau compresseur des insipidités théoriques de ces êtres sans classe ni dignité ne saurait prospérer sans la passivité du Sénégalais qui, à mon humble avis n’a pas assez assimilé les leçons du passé qui ont fait du pays un miroir démocratique qui chaque jour, se ternit davantage.
En effet, l’ère des idéologies qui faisait que faire de la politique fascinait est révolue. Les jougs de grands débats contradictoires et intellectuels semblent céder la place à l’arrogance de nos politiciens faite d’injures et d’invectives, si ce ne sont des déballages et calomnies à faire rougir Satan.
Aucune conviction n’est de rigueur chez nos dirigeants qui, s’ils ne sont pas du résidu colonial avec cette gérontocratie consciente de sa mort politique, sont des intellectuels qui ont préféré le vice commode du pouvoir à la place de la fatigante vertu de l’opposant aux injustices. En fait, on ne fait plus de politique pour servir la Nation mais plutôt pour se servir et j’en veux pour preuve cette cohorte de journalistes et soi-disant intellectuels qui se font chambellans du chef de l’Etat parce que s’octroyant des droits à la survenue de la seconde alternance.
Ceux-là qui ont dénoncé la bassesse de certains comportements, ont justifié leur répugnance d’une certaine gestion libérale et se refusent à sentir cette puanteur qu’exhale le discours politicien d’aujourd’hui. Combien d’hommes ont fait le charme politique de ce pays sans rien en retour ? Qu’ont-ils de moins méritant que ces pantins de la République à la merci des mercantilistes occidentaux ?
Rien si ce n’est qu’ils ont moins de scrupules à courber l’échine et s’affubler de courtisanerie et autres flatteries pour plaire au chef. Toute la tare politique du pays réside dans le caractère narcissique de ces prétentieux qui se prennent pour des merveilles d’intelligence. Ou peut- être même des génies ayant perdu leur temps à crier tout haut ce que plus de 65% des citoyens qui ont sanctionné l‘ancien régime savaient déjà ! S’ils se disent intellectuels, où est le manteau de la pudeur et de l’humilité que revêt ce qualificatif ?
C’est quand l’être a un sentiment modéré de soi- même, qu’il est sans orgueil et plein de déférence, qu’il peut aux yeux du seigneur être considéré comme humble. Un homme humble ne s’estime pas, il se fait estimer tout comme l’on ne se désigne pas intellectuel, l’on est désigné comme tel.
Il est certes vrai, qu’ils ont la liberté de choisir leur camp mais cette même liberté nous octroie l’indépendance de les juger à tous égards puisqu’ils gèrent notre patrimoine commun qu’est le Sénégal.
L’indignation qui habite les réfléchissants et sachants s’est accrue avec l’arrivée de cette parodie dite procès Karim Wade dont la médiatisation nous éloigne des vrais et cruciaux sujets qui nous hantent. Cet homme ne peut nullement se prévaloir d’une quelconque innocence sur ce dont il est accusé, mais avons-nous besoin de perdre du temps à poursuivre un prédateur dont la culpabilité est établie depuis sa splendeur de gestionnaire des deniers de la République.
Et maintenant, s’y rajoute les événements universitaires qui ont encore coûté la vie à un espoir de la Nation qu’est Bassirou Faye dont la mort est devenue le commerce de ces cyniques politiciens sans états d’âme ni scrupules.
Où va-t-on ? Ce pays vit l’envers des valeurs qui faisaient son charme et toutes ces vertus de courage, de pudeur et de persévérance ont cédé la place au larbinisme motivé par le culte d’aujourd’hui : l’argent. Peu de gens rechignent devant ce culte et l’on est, quand on est vertueux, partagé entre dépit et pitié.
Ce mépris est légitime car c’est les surestimer en les traitant de girouettes, d’hypocrites ou même de traîtres faisant fi de tout principe. Ce ne sont finalement que des sous-hommes. Ils sont aussi pitoyables parce que s’accrochant à l’éphémère existence d’un pouvoir lui-même n’ayant pour anse que l’usure dans le temps.
La crainte de l’anéantissement est un fait et souci qui hante leur sommeil, d’où cette tonitruance de tonneau sur val que ne peut attester qu’une prétendue amnésie. C’est dommage qu’ils ratent toujours l’occasion d’épargner leur clapet à dégoter des inepties.
L‘Etat se doit, puisque lui revenant la loi et l’ordre, de les rétablir dans les règles républicaines que sont le respect et la considération dus aux institutions. L’inertie de la République peut constituer un danger pour nous autres imbus des valeurs de morale et d’éthique qui ont toujours sous-tendus le Sénégal des valeureux défenseurs de cette République.
C’est en fait l’autorité qui a fait preuve de frilosité devant ces narcisses de la politique, qui n’en ont que pour leur ego et dont les sentiments priment sur la raison. Le charisme politique de ces hommes n’est que virtuel et leur activisme ne peut aboutir qu’à accentuer leur haine vis-à-vis des réfléchissants et sachants.
L’accumulation de frustrations, les attentes insatisfaites, les promesses non tenues du nouveau pouvoir ont fini par plomber les ailes d’un espoir nourri et entretenu par la rupture tant annoncée et qui finalement va à vau-l’eau.
Aujourd’hui, la Nation fait appel à la citoyenneté qui exige que la gestion de la cité soit un culte et que participer à celui-ci entraîne la possession de nos droits, l’invocation de nos lois mais aussi l’accomplissement des rites de procédure.
Seul un sursaut de patriotisme peut nous sortir de l’ornière politicienne où nous sommes inconsciemment lovés depuis les indépendances, et celui-ci a deux exigences fondamentales : la liberté des citoyens et une gouvernance par des lois équitables.
Tant qu’il restera des haines, des préjugés, tant que subsisteront toutes ces grossièretés, ces antipathies, tant qu’il suffira d’injurier et de haïr pour obtenir la grâce du chef, rien ne se fera dans ce pays. Notre cul- ture nous a enseigné la déférence et non l’envers des valeurs que nous vivons. La faillite spirituelle et civique est un facteur déterminant des errements qui gangrènent notre vécu quotidien.
Elle a engendré la dislocation du tissu social par le culte de l’argent et la fiscalisation de la hiérarchie familiale, elle a voilé notre vision de la justice, anéanti l’initiative et la maîtrise de nos objectifs communs, mais surtout suscité la cupidité jusque dans les sphères insoupçonnées que sont les familles dites religieuses.
La perversion s’est aujourd’hui installée chez les éducateurs que sont les marabouts, les enseignants et l’on ne compte plus ceux d’entre eux qui séjournent dans les geôles pour actes délictuels ou même criminels.
Tant d’actes négatifs qui, si l’on y pose un regard circonspect, ne sont que l’œuvre de frustrés dont le manque total de lien vital, puissant et noble vis-à-vis du Sénégal est un facteur déterminant dans leur conduite.
Nos réalités sont autres que celles de l’occident où la liberté de propos n’a pas de limites et l’on a coutume de dire chez nous que «là où s’installe la paix, il s’y est tu ce qui peut engendrer le désordre.»