LE PRINCIPAL SUSPECT MALADE TRANSFERE A DAKAR, LA FAMILLE DOUTE DE LA TENUE DU PROCES
UN AN APRES LA MORT DE IBRAHIMA SAMB AU COMMISSARIAT DE MBACKE
Un an après la mort d’Ibrahima Samb apprenti-chauffeur à Mbacké, qui avait été enfermé dans le coffre d’une voiture par des policiers jusqu’à ce qu’il trépasse, sa famille outrée par l'attitude des autorités brise le silence et dénonce une lenteur dans la procédure.
MBACKE - Paisiblement assis dans la cour de sa maison située au quartier Touba Darou Marnane, Moustapha Samb, le père du défunt apprenti-chauffeur, Ibrahima Samb, qui venait de garer sa charrette se lève pour nous accueillir. «Je vous reconnais. Vous êtes des journalistes. Asseyez vous », dit-il avant de sortir pour revenir en compagnie de son frère-aîné, considéré comme le chef de la grande famille. Ils reviennent, dans les discussions, sur les deux jours qui ont précédé la mort de leur fils.
A bâtons rompus, chacun tente d'expliquer comment est mort le jeune Ibrahima Samb âgé de 23 ans au moment du drame, en octobre 2013. «Dans un premier temps, le commissaire a tenté de nous distraire en informant qu'une personne du nom d’Ibrahima Samb n'est pas dans ses locaux. Ensuite, il nous appelle le lendemain pour nous dire qu'il est à l'hôpital de Janatou et qu’il a eu un malaise après son interpellation.
Arrivé sur place, je retrouve un cadavre dans la morgue. Et, immédiatement, j'ai dit que c'est la police qui l'a tué», dit le père d’Iba Samb qui, sur cet air de souvenirs macabres, a accepté de se livrer à nous.
La famille, très inquiète, réclame la tenue rapide d’un procès
«Depuis notre première convocation devant le procureur de la République à Diourbel jusqu’à présent, c’est le silence total sur ce dossier. Le dossier est là et à notre connaissance, rien n’a bougé. Et on est toujours à l’écoute de la justice. C’est le mutisme sur cette affaire qui nous dérange. Plus inquiétant, nous avons appris que le principal suspect séjourne au pavillon spécial de l’hôpital le Dantec ou à l’hôpital de Fann, je ne sais plus lequel, mais il n’est plus à la prison de Diourbel. Certains disent qu’il ne jouit plus de ses facultés. Nous, nous craignons que sa folie soit un alibi pour lui permettre de s’en sortir», soutient Moustapha Samb qui poursuit : «Je suis allé au bureau de Me Assane Dioma Ndiaye, il nous a dit que les policiers ne seront pas jugés au tribunal militaire, mais plutôt par un tribunal civil. Et qu’on les a transférés au camp Abdou Diassé, avant leur déférement à la prison centrale de Diourbel. Depuis lors, on n'a plus aucune information sur ce dossier. Je ne suis pas allé voir le Procureur, mais le doute commence à nous gagner».
La procédure déjà bouclée
Le porte-parole de la famille qui suit le dossier de près à Dakar lève un coin du voile. Joint sur place par téléphone, Elimane Diouf, d’afficher à la fois inquiétude et espoir. «Il y a cinq mois, j’ai repris langue avec l’avocat de la famille Me Assane Dioma Ndiaye. Il m’a dit que l’enquête a été bouclée après instruction et que les délits de meurtre et actes de barbaries ont été retenus contre les policiers et que nous irons en procès pour savoir l’implication de chacun d’entre eux. Ensuite, j’ai appelé le Procureur de Diourbel qui m’a confirmé la même chose. Jusque-là, nous sommes satisfaits. Mais nous avons ensuite appris que le brigadier Thiendella Ndiaye, le principal suspect, ne jouit plus de ses facultés.
Et, personnellement, je l’accuse d’avoir tué Ibra Samb. On sait qu’il est cité dans la mort de l'étudiant Balla Gaye. Si on l'avait sanctionné à l'époque, on n’en serait pas là. La famille a d’ailleurs déposé une plainte contre lui. Si on dit qu’il ne jouit plus de ses facultés, c’est qu’une nébuleuse plane sur le dossier. Si sa santé mentale est remise en cause, il est sous le coup de l’article 50. Mais si le procès avait été tenu à temps, il n’y aurait pas cette nébuleuse» , se désole M. Diouf.
Poursuivant, Elimane Diouf d’ajouter : «Me Ndiaye nous a dit qu’il a beaucoup de dossiers de meurtres en ce moment concernant des policiers et qu’il faut qu’on soit patient. Mais je dis que la patience a des limites. Etant donné qu’ils ne sont pas traduits devant la Cour d’assises, encore moins devant le tribunal militaire, un procès doit se tenir à Diourbel afin que la famille soit édifiée sur la punition qui sera infligée aux meurtriers».
L’affaire Bassirou Faye «moins grave» que celle d’Iba Samb
Selon la famille d’Ibrahima Samb, l’affaire Bassirou Faye est moins grave que celle de leur fils. Bassirou affrontait des policiers avant d’être abattu par balle. Par contre, Ibra Samb a été roué de coups, ses côtes et son cou brisés, avant d’être délibérément enfermé dans une malle de voiture pendant deux jours. Qu’est-ce qu’il y a de plus atroce et barbare que cela ? En plus, aucune autorité gouvernementale n’est venue ici au moins pour présenter les condoléances de l’Etat. Hormis le député Moustapha Cissé Lo, qui nous a remis 25 000 francs, et les députés Moustapha Diakhaté et Mame Khary Mbacké, qui sont venus les mains vides, aucun membre du gouvernement, ni le ministre de l’Intérieur ni le ministre de la Justice, n’ont présenté leurs condoléances à la famille, encore moins le patron de la Police nationale. Le commissaire de Mbacké et celui de Touba n’en parlons pas. C’est vraiment honteux pour quelqu’un qui est mort torturé par des policiers. Mais la justice divine est là», déclare le porte-parole de la famille.
La barbarie confirmée par l’autopsie
Pour rappel, le jeune Ibrahima Samb a été tué suite à une opération de sécurisation nocturne par des éléments de la brigade de recherches de la police de Mbacké, dans la nuit du 18 au 19 octobre 2013, aux abords du théâtre de verdure de Mbacké où se tenait une soirée animée par Coumba Gawlo Seck. L’autopsie fait à l’Hôpital général de Grand-Yoff, deux jours après sa découverte dans la malle arrière du véhicule d’un policier par, le Dr Chérif Dial, médecin-chef au service d’anatomie et de cytologie pathologiques, avait révélé une mort due a un mécanisme d’hypoxémie-hypercapnie en atmosphère confinée ayant entraînée une détresse respiratoire et des troubles avec hémorragies pétéchiales poly viscérales et taches hémorragiques pulmonaires de Tardieu. Le tout dans un contexte de coups et blessures par objet contondant avec hématomes multiples des membres du hile, du rein droit, de la plèvre pariétale gauche et du cuir chevelu temporal.