LE ''SCULPTEUR'' DES COUVEUSES D’ŒUFS
IBRAHIMA GUEYE, PRIX DE L’OAPI EN 2002
Lauréat de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (Oapi) en 2002, Ibrahima Guèye, plus connu sous le nom de Ism, est né en Côte d’Ivoire. Il est sorti de l’ombre grâce à l’amélioration quasi obsessionnelle des couveuses d’œufs. Il est aussi prolixe sur le terrain du séchage des fruits, légumes et produits halieutiques. Malgré ses 65 ans, l’homme est toujours animé par la même passion.
Des couveuses d’œufs dans différentes déclinaisons. Le concepteur Ibrahima Guèye, appelé affectueusement Ism, concentre encore son attention sur cette machine. Après cette invention, il s’attaque à son affinage. Au bout du compte, on en dénombre 5 prototypes. C’est en 1976 qu’il conçoit sa première couveuse.
Celle-ci ne remplit pas ses attentes. Ism Guèye met alors l’invention en veilleuse. Entre temps, ce Sénégalais qui a vu le jour en Côte d’Ivoire, à Lacota, en 1949, s’envole pour le Brésil où il passa 4 ans à Porto Alegre.
Là-bas, il subit une formation en technique industrielle de froid. De retour en Côte-Ivoire, il monte une entreprise en bâtiment (industriel et froid). Les affaires marchent.
Au bout d’une décennie, il effectue un retour au Sénégal, reprend son invention et met au jour une nouvelle couveuse électrique. « J’ai beaucoup vendu cette couveuse électrique dans les pays de la sous-région comme le Mali et la Guinée- Bissau.
Au Sénégal, les personnes veulent toujours tirer profit de mon travail », laisse-t-il entendre. Certaines de ses machines peuvent couver jusqu’à 600 œufs.
Les succès de la nouvelle invention ne l’ont pas poussé à verser dans l’autosatisfaction. Au contraire. Il continue à s’intéresser, de manière obsessionnelle, à cet appareil. En 2002, il livre la version pétrole et solaire.
« Lorsque j’ai créé la couveuse qui fonctionne avec le pétrole ou le solaire, l’Organisation africaine de la propreté intellectuelle (Oapi) m’a décerné le Prix de la meilleure invention en 2002 », raconte Ism Guèye.
L’Oapi le choisit pour représenter l’Afrique au Salon international de Genève où il a reçu le Prix de la médaille d’argent. L’histoire entre Ism et les couveuses n’est pas encore terminée. Mais cette-fois, elle prend une nouvelle dimension.
Une vision de la pédiatrie
Il fait un grand virage à partir de 2003. Puisque contre toute attente, il sort de son atelier une couveuse pédiatrique. « Je voulais juste une nouvelle vision de la pédiatrie surtout sur le plan technologique », justifie-t-il.
Cette invention qui a été pourtant primée par la Banque mondiale lors de la Foire régionale de développement, n’est pas utilisée à grande échelle dans les pays africains qui ont encore des taux élevés de mortalité infantile.
Le concepteur lègue aussi à la postérité une palette de séchoirs qui porte sa signature. C’est comme s’il y avait un pas à franchir entre la création des couveuses et l’invention des séchoirs. Parmi ceux-ci, il y a le séchoir solaire- bio-combustible-gaz qui peut fonctionner 24 heures sur 24.
Une gamme de séchoirs
« Nous pouvons sécher des fruits, des céréales et des produits halieutiques », énumère-t-il. Déjà, il a formé les femmes de Pout et de Tivaouane sur la transformation des fruits et légumes.
Le concepteur est sorti de l’ombre grâce à ses couveuses, mais il est l’auteur d’autres inventions. Dans son atelier, des découpeuses de savon occupent une bonne partie d’un compartiment. Au milieu se dresse un cylindre en aluminium. Un grillage cylindrique aux trous circulaires est à l’intérieur. Il reste à incorporer quelques principes.
C’est la future décortiqueuse de noix d’anacarde. « N’est pas inventeur qui veut. Il y a quelque chose de divin dans les inventions. Les ingénieurs et les professeurs d’université ont des connaissances. Nous les inventeurs, nous avons la pratique », compare-t-il.
Ibrahima Guèye sait lire et parler le français. Pourtant, il n’a pas fréquenté l’école des « Toubabs », pour ne pas reprendre l’expression d’un célèbre écrivain africain. Le sexagénaire refuse de baisser les bras. Il continue de combattre la théorie sous toutes ses formes. « Les Sénégalais dorment et dorment beaucoup malgré nos siècles de retard », regrette-t-il.
Par ailleurs, il invite le chef de l’Etat à voyager de temps en temps avec les inventeurs qui ont une expertise avérée. « Dans chaque domaine de la vie active, il y a des inventeurs qui ont produit des appareils que le Sénégal peut utiliser pour accélérer le processus de développement. Lors de ses voyages, je souhaite que le président de la République emmène certains concepteurs. Ces derniers peuvent copier les nouvelles inventions et l’adapter à notre contexte », argumente-t-il.
A 65 ans, Ism ne prépare pas la retraite. Il se mettra plutôt en retrait, car ayant commencé à remettre ses pinceaux et scies métalliques à un de ses enfants.
L’inventeur jette ainsi les bases du partage de son expertise et projette d’ouvrir l’Atelier de réalisations technologiques du Sénégal (Arts) pour former les talibés et tous ceux qui ont échoué à l’école.
Il est fort probable que ce projet aussi voit le jour, parce que Ibrahima Guèye a comme devise : « Je pense, j’étudie et je réalise ».