LE SÉNÉGAL MOBILISÉ CONTRE ÉBOLA
APPARITION D'UN PREMIER CAS À DAKAR
LA MINISTRE DE LA SANTÉ AU FRONT
Le ministère de la Santé et de l’Action sociale, Eva Marie Coll Seck, a annoncé, hier, l’existence d’un cas d’Ébola détecté à la clinique des maladies infectieuses du CHUN de l’hôpital Fann. Il s’agit d’un jeune étudiant guinéen qui a transporté le virus au Sénégal.
"Un cas d’Ébola est détecté à la clinique des maladies infectieuses du CHUN de Fann. Il s’agit d’un jeune Guinéen étudiant dans une université de Conakry qui s’est présenté en consultation le mardi 26 août à l’hôpital précité, dans un tableau infectieux, sans hémorragie, en dissimulant l’information selon laquelle il a eu des contacts, en Guinée, avec des proches victimes de la maladie".
Cette déclaration est du ministre de la Santé et de l’Action sociale. En conférence de presse, hier, dans les locaux de son ministère, Eva Marie Coll Seck est revenue sur les circonstances dans lesquelles le virus Ébola a été détecté chez ce jeune ressortissant guinéen.
Pour ensuite révéler que "le malade a été aussitôt mis en quarantaine et bénéficie d’une prise en charge appropriée". Poursuivant ses explications, le ministre renseigne qu’il a aussi été procédé à des prélèvements aux fins d’analyses de détection du virus Ébola. "Les résultats des tests effectués par l’institut Pasteur de Dakar se sont avérés positifs. A ce jour, l’état de santé du patient est satisfaisant", a déclaré Eva Marie Coll Seck.
Face à cette situation, le ministre a soutenu que le dispositif de surveillance et de riposte à la fièvre hémorragique à virus Ébola, déjà mis en place, a été renforcé et que tous les moyens sont mis en œuvre pour éviter la dissémination de la maladie à partir de ce cas importé.
S’y ajoute que "l’Organisation mondiale de la santé a été informée et s’engage à nous apporter un soutien technique et financier pour continuer la riposte à cette maladie", a rassuré le ministre de la Santé qui avait à ses côtés la représentante de l’OMS Alimatou Dia et le Directeur général de l’institut Pasteur de Dakar.
Silence sur le nom du jeune Guinéen
Interpellée sur la traçabilité du jeune Guinéen à Dakar, le ministre a préféré taire le nom de la victime, de même que son quartier, pour ne pas créer de panique. Selon elle, un dispositif est mis en place pour faire un travail épidémiologique." "Dès qu’il y a des informations à donner, nous les donnerons, mais il y a un minimum de confidentialité à respecter dans ce dossier. N’importe qui peu avoir une maladie, mais ce ne n’est pas adéquat de stigmatiser des gens, laissez-nous faire le travail, sinon ce sera la grande panique et les gens vont fuir. Vous verrez que les contacts vont prendre la fuite et ce sera plus compliqué", croit-elle savoir.
Et d’ajouter : "Nous sommes en train de reprendre tout l’itinéraire et également de voir toutes les personnes qui ont été en contact avec ce patient, maintenant qu’il est diagnostiqué et pris en charge, il sera plus coopérant pour nous apporter toutes les informations nécessaires".
Des explications d’Eva Marie Coll Seck, il ressort que c’est le mercredi 27 août 2014 que les services du ministère de la Santé et de l’Action sociale ont reçu, des équipes de surveillance épidémiologique opérant en République de Guinée, une information faisant état de la disparition depuis trois (3) semaines d’une personne en contact avec des gens infectés par le virus Ébola.
Et qui se serait rendu au Sénégal. "C’est sur la base de cette information que des investigations ont été immédiatement menées conformément aux procédures déjà établies", a dit le ministre. C’est ainsi que le suspect a été localisé au niveau de la clinique des maladies infectieuses du CHUN de Fann.
Communication et transparence
Depuis le début de l’épidémie d’Ébola en Afrique de l’Ouest, le Sénégal a toujours voulu informer et communiquer sur ce sujet. Et à chaque étape du processus de riposte par rapport à cette maladie, à en croire les autorités sanitaires du pays.
"Nous avons fait un pari sur la transparence dans ce dossier Ébola. Et Nous comptons continuer dans ce sens. Tous les ministères concernés travaillent en parfaite synergie pour assurer la riposte que nous gérons à 100%", a déclaré le ministre de la Santé et de l’Action sociale.
Eva Marie Coll Seck de rappeler aussi que "les commissions mises en place vont s’adapter en fonction de la réalité. La commission logistique, recherche de contact de la prise en charge des malades sera renforcée". Au niveau de l’hôpital Fann, des tentes ont été érigées au service des maladies infectieuses.
Autre mesure prise, une descente à l’aéroport, pour éviter la propagation de la maladie. Par ailleurs, "tous les partenaires du Sénégal vont se rencontrer sous la houlette de l’OMS pour voir quel type d’appui apporté par rapport au plan de riposte, l’institut Pasteur est en alerte permanente pour des cas suspects. Le gouvernement a débloqué des moyens pour que nous puissions acheter des kits, des tubes pour faire fonctionner le système", précise le ministre.
Qui salue l’engagement du personnel. "S’il y a un cas avéré, le personnel dispose des tenues avec tous les éléments de protection pour éviter d’être contaminé", a soutenu Eva Marie Coll.
En définitive, le (MSAS) appelle l’ensemble des populations à la sérénité et surtout au respect strict des mesures qui sont recommandées depuis le début de la riposte à l’épidémie Ébola. Le ministre a aussi annoncé que le médecin sénégalais épidémiologiste de l’OMS a été évacué à Hambourg.
COMMENT LE MALADE A ÉTÉ DÉTECTÉ
Le Sénégal vient d’enregistrer son premier cas d’Ébola. Un sujet contact venant de la Guinée a été détecté par les services de santé au moment de ses consultations à l’hôpital Fann avec l’aide des services sanitaires de son pays.
Le ministre de la Santé a annoncé, hier, l’existence d’un cas avéré de personne atteinte par le virus Ébola. Le patient est un jeune étudiant d’une vingtaine d’années, originaire de la Guinée. Ce même pays où la maladie a été signalée en février 2014.
Ce malade a quitté son pays pour séjourner au Sénégal, alors qu’il est sujet contact. C'est-à-dire une personne étant entrée en contact avec des malades atteints du virus Ébola.
"Il ne s’agit pas d’un sujet détecté depuis la Guinée. Il s’agit d’un sujet contact qui est venu au Sénégal, ce qu’on appelle les séjours contact. Donc c’est dans un statut de séjour contact, qu’il est venu au Sénégal et qu’il s’est fait consulté auprès du service des maladies infectieuses en refusant de donner son identité de sujet contact", a expliqué le Directeur général du Service national de l'éducation et de l'information pour la santé (Sneips), Dr Aloyse Waly Diouf.
La collaboration entre les services de santé établis en Guinée et ceux du Sénégal a permis de pouvoir identifier le malade à Dakar. Les services de santé de la Guinée ont alerté concernant un sujet contact qui se serait déplacé et qui serait au Sénégal. Les investigations menées ont permis de repérer le malade au niveau de l’hôpital Fann et de l’identifier.
Il est allé le plus normalement du monde faire sa consultation à l’hôpital Fann, en cachant le fait qu’il était sujet contact, à en croire, Dr Diouf.
A l’interrogatoire des médecins, "le jeune étudiant guinéen a même dit qu’il ne connaissait pas la maladie et qu’il n’avait jamais vu de signes de cette maladie, alors que certains membres de sa famille sont atteints par le virus Ébola. Nous avons recoupé les informations, les investigations menées nous ont permis de voir qu’il s’agit de ce jeune", a souligné Dr Diouf.
Les investigations menées font état d’un séjour de trois semaines au Sénégal. S’Il a consulté les médecins, c’est parce qu’il a commencé à avoir de la fièvre, mais il n’avait pas de signes hémorragiques.
"Donc il commençait à ressentir les symptômes. Pendant toute cette phase où on ne sent pas le symptôme, la personne n’est pas contagieuse. Elle n’est pas source de contamination. C’est seulement à partir du moment où les symptômes apparaissent qu’elle devient contagieuse et cette période coïncide avec celle où elle a été mise en quarantaine au niveau de l’hôpital Fann, à la clinique des maladies infectieuses", a précisé Dr Diouf.
Absence de signes de contamination
Selon le directeur du Sneips, c’est après la période d’incubation que les signes commencent à apparaître. Et c’est en ce moment que la personne peut être une source de contamination.
"Ce jeune a présenté les symptômes et ce qui a motivé sa consultation. Pendant la période où il a séjourné au Sénégal, il n’y a pas eu de signes permettant de dire qu’elle était une source de contamination", a-t-il signalé.
S’agissant des médecins qui l’ont consulté, il a souligné que les prédispositions sont telles que quand on reçoit un malade, à partir de l’interrogatoire, on commence un peut à l’étiqueter. Ce qui a fait qu’il a été mis en quarantaine et les médecins qui l’ont consulté l’ont fait en prenant toutes les précautions.
Mais, néanmoins, dit-il, les dispositions sont prises pour circonscrire les cas contact et bien investiguer le patient, son passage, son itinéraire et son entourage.
Pour la suite à donner à cette affaire, Dr Diouf soutient que le malade est déjà pris en charge et que les autorités ont pris toutes les dispositions idoines pour apporter la riposte au virus Ébola.
FEUILLE DE ROUTE DE L’OMS
Les stratégies de lutte contre le virus Ébola s’intensifient. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié avant-hier une "Feuille de route" pour orienter et coordonner l’action internationale contre la flambée de la maladie à virus Ébola en Afrique de l’Ouest.
Le but est de mettre fin à la transmission partout dans le monde, dans les 6 à 9 mois, tout en gérant rapidement les conséquences de toute nouvelle propagation internationale éventuelle. Cette feuille de route répond à la nécessité urgente d’une intensification spectaculaire de l’action internationale. Car, près de 40% du nombre total des cas notifiés se sont produits au cours des trois dernières semaines.
"La priorité est donnée aux besoins concernant les centres de traitement et de prise en charge, la mobilisation sociale et les inhumations sans risque. Ces plans se fonderont sur les données locales spécifiques exposées dans des rapports de situation qui commenceront à être faits cette semaine", peut-on lire dans le document.
Les rapports de situation établiront une cartographie des points chauds et des zones sensibles, présenteront des données épidémiologiques montrant l’évolution de l’épidémie dans le temps et communiqueront ce qui est connu de l’emplacement des centres de traitement et des laboratoires, avec les informations nécessaires pour appuyer d’autres éléments de la feuille de route.
La feuille de route de l’OMS sera complétée par la mise sur pied d’une plateforme opérationnelle séparée des Nations Unies apportant les compétences et capacités d’autres institutions, y compris des moyens dans les domaines de la logistique et du transport. Cette plateforme à l’échelle des Nations Unies vise à faciliter la prestation de services essentiels, denrées alimentaires et fournitures diverses, approvisionnement en eau et assainissement et soins de santé primaires.
LA PSYCHOSE S’INSTALLE DANS DAKAR
L’annonce faite hier par le ministre de la Santé du premier cas contrôlé positif à la fièvre hémorragique Ébola a semé la psychose dans la capitale sénégalaise. Ébola est bien là !
Ils sont presque devenus fous ! A l’annonce du premier cas testé positif à la fièvre hémorragique Ébola, plusieurs Sénégalais ont perdu la tête. Mosquée Point E, prière du vendredi. Les poignées de mains entre fidèles, jadis chaleureux, laissent la place à des salutations à la va-vite et à un petit commentaire : "que dieu nous préserve d’Ébola".
Pour certains fidèles, c’est le black-out total, pas de salutation après la prière, ils s’écartent et s’éloignent. Les fidèles avancent, le regard fixe, la tête à... Ébola. Sur toutes les langues, au milieu de toutes les ruelles, dans tous les groupes, le débat fait rage.
"Ce qui est dangereux avec cette maladie, c’est qu’il n’y a pas de médicament contre", lance cette homme, taille moyenne, barbe blanche, regard perçant.
Université Cheikh Anta Diop, grande porte, le soleil est bien haut et bien chaud. Téléphone portable collé à l’oreille, Ismaïla, jeune étudiant, appelle sa famille : "Il faut surveiller les enfants et faire très attention, Ébola est au Sénégal", dit-il, l’air sérieux, la tête rentrée dans les épaules, tel une tortue. Ismaïla appelle ses parents au village, il sonne l’alerte.
A l’intérieur du campus, le débat autour d’Ébola enfle. Sous le géant baobab qui fait face aux locaux du Centre des œuvres universitaires de Dakar (COUD), un groupe d’étudiants plonge dans un débat houleux. L’arrivée de la fièvre Ébola à Dakar est au cœur des discussions.
Abdou, estime que c’était prévisible : "Il fallait s’y attendre, ce virus s’est emparé de plusieurs pays de la sous-région ouest-africaine. Personnellement, je ne suis pas surpris, même si je ne cache pas ma peur face au virus Ébola". Pour son camarade Omar, la mine effondrée, le mal est déjà là, il faut prier pour l’éradiquer.
Ailleurs, aux Parcelles assainies, la peur est dans les regards. Arrêt de bus Police 22, les usagers attendent. Des gens angoissés qui évoquent le sujet avec colère. Certains incrédules iront jusqu’à verser dans la xénophobie, rappelant les origines de la première personne testée positive.
"Cette maladie est dangereuse autant ne plus sortir de chez soi", décrète ce septuagénaire. De quoi soulever un rire populaire et ramener les esprits, longtemps crispés dans les limbes de la stupeur, à l’apaisement. Une chose est cependant claire chez tous : Ebo est bien là et il faut être vigilant.
RÉACTIONS LOCALES AU 1ER CAS D’ÉBOLA : ÇA CHAUFFE SUR LA TOILE
Depuis l’annonce, hier, de la découverte d’un premier cas d’Ébola au Sénégal, les réactions fusent aux principaux "carrefours" virtuels du pays, à savoir la presse en ligne et les réseaux sociaux, Entre ignorance, xénophobie à peine masquée et demande de comptes, les Sénégalais ont beaucoup de mal à raison garder.
Pour peu, on se croirait de nouveau à l’époque de la Radio 1000 collines ! Des Sénégalais, informés qu’un étudiant guinéen est actuellement admis à l’hôpital Fann pour cause d’Ébola, semblent avoir jeté toute Téranga (et raison) aux vents.
En ligne, des citoyens anonymes multiplient, depuis hier, les déclarations aussi scabreuses qu’inquiétantes envers les ressortissants dudit pays frontalier. En effet, propos xénophobes, insultes, théorie de complot et incitations à la violence et à la haine font florès sur les réseaux sociaux et médias en ligne. À la limite, c’est à peine si les Sénégalais qui interviennent dans ses forums ne traitent pas leur voisin guinéen de tous les noms d’animaux.
Certains sont tombés assez bas pour se permettre d’exiger qu’on "tue" le malade, "rapatrie tout les Guinéens chez eux" ou encore que l’on "persécute, détruise leurs biens et les empêche de sortir dans les rues". (Lu sur Seneweb.com). Cela, bien évidemment, en plus de élucubrations et propos fantaisistes selon lesquels nos voisins guinéens feraient "trop d’enfants", entre autres.
Des propos, évidemment, que l’on se refuse de reporter dans leur méprisable intégralité en ces lignes. Si évidemment, il est quasi impossible de retrouver les auteurs de ces propos scandaleux (et incitatifs à la haine), il se pose comme toujours la question de la régulation des forums sur les médias en ligne. Une tâche, évidemment, colossale.
Faire de la délation, c’est à dire rapporter directement aux administrateurs des sites et réseaux sociaux ces propos inacceptables, est l’attitude que se doit d’adopter chaque citoyen sénégalais responsable, dans ce cas. Le Sénégal est un exemple de démocratie et d’acceptation du voisin et de paix en Afrique, c’est à chacun de faire en sorte qu’il en demeure ainsi.