LES FAMILLES DES VICTIMES ENTRE DÉCEPTION, COLÈRE ET DÉTERMINATION
NON-LIEU DE LA JUSTICE FRANÇAISE SUR L’AFFAIRE JOOLA
Les familles des victimes du naufrage sont très déçues de la décision de la justice française qui a rendu un non-lieu sur l’affaire du Joola. Pour autant, elles ne baissent pas les bras. Elles ont promis de continuer la bataille au niveau national pour une réouverture du dossier.
«Déception, déception.» C’est le sentiment qui anime Idrissa Diallo à l’annonce de la décision de la justice française prononçant un non-lieu sur l’affaire du naufrage du Joola. Surtout que, souligne le président du Collectif des familles des victimes du «Joola», cette procédure apparaissait comme un «grand espoir» pour les familles des victimes.
Pour autant, le maire de Dalifort ne baisse pas les bras. Lui et son collectif, constitué aujourd’hui d’orphelins ayant plus de 18 ans, ont pris un engagement ferme cette année, lors de la commémoration de l’anniversaire du naufrage, pour faire jaillir toute la lumière sur cette affaire afin qu’on puisse situer les responsabilités.
Une rencontre avec le Président Macky Sall est d’ailleurs en vue. «Nous voulons savoir sa position sur la décision du Parquet d’Evry d’abord pour donner suite à notre combat. Parce qu’il n’est pas question qu’on en reste là avec la gestion de ce naufrage qui a bafoué notre dignité humaine», déclare-t-il fermement.
Plus que motivé, le collectif va engager la bataille. Convaincu qu’il obtiendra gain de cause, il ne baissera pas les bras. «La justice française n’a pas dit qu’il n’y avait rien dans le dossier. Elle a dit que les accords de coopération judiciaire signés entre la France et le Sénégal l’empêche d’aller au fond du dossier», révèle M. Diallo qui dit être très en colère contre son pays.
Un pays qui, argue-t-il, préfère jeter 2 000 sénégalais au fond de l’Océan et se targue à vouloir juger Hissein Habré, un ancien Président du Tchad venu se refugier au Sénégal depuis plus de 20 ans.
«Les autorités devraient d’abord balayer devant leur porte avant de rendre justice pour un refugié», clame Idrissa Diallo très en colère. C’est pourquoi, malgré la déception qui l’anime en ce moment avec ce non-lieu, il rend hommage à la justice française.
A l’en croire, elle a au moins essayé de rendre justice et de prendre des décisions courageuses en déposant en septembre 2008, des mandats d’arrêt internationaux contre neuf personnalités de l’Etat sénégalais dont le Premier ministre de l’époque, Mame Madior Boye, l’ex- ministre des Forces Armées, Youba Sambou, et Youssouph Sakho ex- ministre de l’Equipement et des transports.
''Le Sénégal n’est pas à l’abri d’une seconde catastrophe maritime''
Boubacar Bâ, porte-parole de l’Association nationale des victimes du Joola, marque sa solidarité avec les familles françaises qui avaient porté plainte en France. «Les familles françaises ont fait appel de cette décision et nous sommes en phase avec elles parce qu’aucun pays au monde ne peut accepter une telle tragédie et faire ensuite comme si rien ne s’était passé», souligne M. Bâ.
Au-delà cette solidarité, l’Association nationale des victimes est en train de se battre de son côté pour que le Sénégal rouvre le dossier. «Nous sommes à l’écoute des autorités qui doivent manifester une volonté politique», note le porte- parole.
Le seul souci qui les motive, c’est qu’une telle catastrophe ne se reproduise plus. «Notre objectif ce n’est pas d’emprisonner un tel. Nous voulons juste savoir ce qui s’est passé», crie presque M. Bâ qui soutient à ce propos que «le Sénégal n’est pas à l’abri d’une autre catastrophe maritime sur l’axe Dakar- Ziguinchor puisque le dragage, qui a été l’une des recommandations fortes après le naufrage, n’a pas encore été fait». Pourtant, révèle-t- il, des experts avaient évalué le coût de cette opération à 21 milliards de francs Cfa.