LES MAUX À DIRE D’UN STYLISTE DE LA BANLIEUE
Pape Makhtar Fall en Mode 2rues
Il se présente comme l’avocat de ces jeunes pleins de talents qui foisonnent dans les quartiers populeux de Dakar. Originaire de Fass Mbao, Pape Makhtar Fall dépositaire de la marque PM fashion fusille les grands stylistes et invite le gouvernement à l’action.
Ayant arrêté ses études en 2004, Pape Makhtar Fall se consacre depuis lors à sa passion. «Un de mes professeurs de maths me disait tous le temps : ‘’ce n’est pas la peine de perdre ton temps. Il faut aller à l’école des beaux arts. Tu as du talent’’».
A la longue, Pape finit par plier ses bagages et va s’inscrire à l’école des Beaux Arts. Plus tard il se rendra lui-même compte que ce n’est pas la bonne voie qu’il s’est choisi. «J’ai fait quatre mois de cours et puis la directrice me fait savoir que je n’étais pas fait pour devenir un artiste plasticien». Pape Makhtar Fall s’est dès lors tourné vers une école de stylisme et de couture.
«En classe, je n’arrivais pas à travailler. J’avais tout le temps du papier sur lequel je dessinais les filles avec leurs tenues sexy. J’envoyais aussi des modèles que je dessinais à une tante qui était couturière à Paris». Ce jeune homme de 25 ans n’a jamais pu se départir de ce trait de caractère. Aujourd’hui, il tient deux ateliers de couture, l’un à Fass Mbao et l’autre à Sendou.
Après une formation à l’école et une courte expérience dans l’atelier de son oncle, Pape Makhtar Fall parvient à faire des choses «incroyables». Cela ne surprend nullement un de ses proches qui témoigne : «Pape est né dans une famille de couturiers. Son père était couturier. Sa grand-mère l’était aussi. Je me souviens qu’un jour, étant encore tout petit, il est monté sur la machine de son père et a été piqué par l’aiguille de la machine.
Depuis cet incident, son papa lui avait défendu de jouer avec. Pourtant cela ne l’a pas empêché de poursuivre son destin». Orphelin de père et de mère, Makhtar veut coûte que coûte réaliser son dessein : aider les enfants nécessiteux et travailler dans la mode de rue.
Mode 2rues
Pape Makhtar Fall nourrit de grands rêves. Il travaille depuis deux ans avec le label Pen’attitude pour organiser un défilé dans les rues. Il en est à sa deuxième édition et compte le 12 septembre prochain, assiéger les rues de Dakar et de la banlieue. D’où l’appellation de Mode 2rues explique-t-il. «L’année dernière on était à Ouakam, Médina et d’autres points de la banlieue. Cette année on a choisi de faire Mode2rues à Dakar et sa banlieue».
Ce concept a été initié par Pen’attitude avec qui Makhtar Fall collabore. Ce label informe-t-il, travaille sur trois volets : le social’attitude, l’event’attitude et le school’attitude. «Nous sommes en période de vacances, nous organisons ainsi un défilé de mode pour permettre aux gens qui n’ont pas les moyens de se payer les grands défilés dans les salles, de pouvoir le suivre dans la rue. Nous nous déplaçons vers eux, nous étalons nos tapis rouges dans la rue et nous posons nos chaises sur les routes goudronnées. Plein de mannequins viendront défiler et des stands seront montés pour les accueillir» étaye-t-il dans son argumentaire.
Au sortir de cette mode de rue, le styliste compte avec ses amis, offrir à chaque enfant un cadeau pour les fêtes de Noël à venir.
Son guide religieux Chérif Makhfouss Aïdara, qui a créé une fondation œuvrant dans le social, l’y encourage. Pape Makhtar Fall en est à sa troisième édition de «Un enfant un cadeau» et fait d’une pierre deux coups. Il invite les grands stylistes et le gouvernement à en faire de même.
«Ils sont nombreux à galérer dans la banlieue»
Pape Makhtar porte une grande admiration aux stylistes de renom qui se sont établis au Sénégal. «Dia Style, je l’admire beaucoup. Ibrahima Sène, Da fashion. J’aime bien Tima création, Mame Fagueye Bâ et Sadya Guèye dont je fais partie de l’association» liste-t-il avec une pointe de regret. Le jeune styliste déclare éprouver un pincement au cœur en voyant des grands stylistes «bras croisés», et se refusant à toute initiative visant à promouvoir les jeunes stylistes.
«Durant la Francophonie il y avait plusieurs jeunes stylistes qui voulaient montrer leurs talents... Il y a plein de concurrence et les grands ne laissent pas les petits remonter. Il faut qu’ils cèdent le passage aux petits pour qu’eux aussi puissent montrer leur talent» intercède-t-il.
Pour le jeune banlieusard, le gouvernement doit aussi s’atteler à aider les jeunes stylistes. «Ils sont nombreux à galérer dans la banlieue. C’est vraiment difficile. Pour organiser un défilé, ils courent de gauche à droite. Ce n’est pas normal. Le gouvernement devait les subventionner et les doter d’une banque leur permettant de bien travailler».
Cela dit Pape Makhtar Fall attend impatiemment le moment du lancement en mars prochain, de sa ligne de vêtements et voir ses souhaits les plus chers se réaliser.