LES PECCADILLES DES MINISTRES DE L’ECONOMIE
DECRETS D’AVANCE, VIREMENT DE CREDITS, VIOLATION DU PRINCIPE DE L’UNIVERSALITE
Des manquements graves sont notés au ministère de l’Economie, des Finances et du Plan couvrant la période 2008-2012 notamment dans l’exécution des lois de finances. Une pratique à bannir dans l’exécution budgétaire. Ces carences sont relevées dans le rapport de la cour des comptes 2013.
Les finances publiques se portent globalement bien avec un solde budgétaire positif, une parfaite exécution budgétaire, de bonnes recettes fiscales, un respect des critères de convergence de l’Uemoa, un recouvrement des impôts directs, un bon niveau d’endettement, etc.
Toutefois, quelques couacs sont relevés dans le rapport 2013 de la Cour des comptes à savoir l’irrégularité de virement de crédits, la violation du principe de l’universalité, les décrets d’avances.
En conférence de presse hier, jeudi, Thierno Idrissa Arona Dia, rapporteur général de la Cour des comptes a vigoureusement dénoncé ces manquements constatés au ministère de l’Economie, des Finances et du Plan couvrant la période 2008-2015.
Rapportant les dispositions de l’article 15 de la loi organique N° 2001-09 du 15 octobre 2001, relative aux lois de finances modifiées, le rapporteur renseigne que «les virements de crédits par décret doivent intervenir à l’intérieur du même titre du budget d’un même ministère ou institution et être maintenu dans la limite du dixième de la dotation de chacun des chapitres intéressés».
Selon lui, «Ces virements peuvent être autorisés par arrêté du ministère chargé des finances, sous réserve d’intervenir à l’intérieur d’un même chapitre ou d’un même article».
Pour ce qui est du principe de l’universalité, M. Dia de rappeler qu’il n’y a pas possibilité de contraction parce qu’il «ne s’agit nullement d’un fonds de concours où l’on vous donne tant, pour une dépense du budget».
Au chapitre des décrets d’avance, aussi, il déplore le peu d’orthodoxie dans sa gestion. Ainsi dira-t-il, «il est inconcevable qu’on est passé par décret d’avance pour modifier la loi de finances votée seulement le 12 janvier, un montant de plus de 2 milliards aux fins de permettre le fonctionnement de l’assemblée nationale, de la Médiature et des Ambassades».
Mieux encore il souligne, «la non ratification par l’assemblée nationale de ces décrets d’avance».
Utilisation des crédits des dépenses ordinaires
L’utilisation des crédits alloués aux dépenses ordinaires du budget général fait apparaitre des dépassements et des crédits non consommés. Ainsi, pour des crédits de la gestion d’un montant de 286,71 milliards de F.CFA, les dépenses réalisées se sont élevées à 341,04 milliards de F.CFA, soit un dépassement global de 54,33 milliards réparti en dépenses du personnel (48,82 milliards), dépenses de fonctionnement (5,04 milliards) et autres transferts courants pour 0,47 milliards.
Pour les crédits évaluatifs, le dépassement le plus important concerne le ministère de l’Enseignement élémentaire, du moyen secondaire et des Langues nationales (29,75 milliards de F.CFA) et s’explique par le reclassement universel et l’intégration dans la Fonction publique des contractuels de l’Education, titulaires d’un diplôme professionnel ainsi que l’émargement de certains agents de l’enseignement technique aux dépenses de personnel de ce ministère.
A ce titre, la cour des comptes estime que l’exposé des motifs aurait dû être géré dans les dotations du ministère.
Dépense des collectivités locales
A ce niveau, des manquements notoires et abusifs ont été relevés dans les villes de Dakar et Pikine, ainsi que dans les communes de Kaolack, Saint Louis, Ziguinchor, Fatick, Tambacounda, Louga, Tivaouane, Kaffrine et Bambey. Cet audit couvrant la période 2008 a décelé plusieurs anomalies. En effet, selon le rapport de la Cour des comptes «l’effectif du personnel sans instruction ou de niveau d’instruction du primaire est de 62% et 68% respectivement pour les villes précitées. Ces défauts s’aggravent dans les communes susnommées respectivement 73% et 86% pour les agents sans instruction ou d’un niveau d’instruction du primaire alors que seulement, 4% et 10% des agents ont le niveau Bac. Pire encore, les dépenses du personnel recruté dépassent les 40% des dépenses ordinaires. Ce qui étouffe et pénalise le bon fonctionnement de l’institution. «C’est le cas de Pikine», souligne le rapporteur.
S’agissant de la gestion des recettes de la ville de Dakar, la cour a constaté l’augmentation de trois à quatre fois de plus sur le relèvement des taxes publicitaires, perception centrale de l’état des actes d’urbanisme.
«Cette carence numérique des cadres dans les collectivités locales handicapent lourdement la mise en œuvre des politiques de développement local et dans l’exercice effectif des compétences transférées», mentionne le 14ème rapport de la Cour des comptes.
26 gestionnaires d’entité interpellés pour15 réponses
Le droit de réponse auquel les interpelés sont assujettis est moyennement apprécié par les magistrats de la Cour des comptes. Ainsi, sur les 26 personnes appelées à apporter des réponses sur les observations faites par la Cour, seuls 15 ont répondu dans les délais. «Un délai maximum d’un mois est donné aux interpellés », a rappelé le rapporteur. « Si une personne ne réagit pas, on considère qu’il n’a pas d’observations dans ce qui est contenu dans le rapport. On l’a fait pour respecter les dispositions qui régissent les fonctionnements de la cour, la contradiction», a rappelé le rapporteur.
Des efforts dans la mise en œuvre des recommandations
A ce sujet, le rapporteur Thierno Idrissa Arona Dia, a laissé entendre que des efforts sont en train d’être faits dans ce sens afin que ces recommandations soient suivies d’effets. «Certaines entités ont répondu positivement et mettent en œuvre les adéquations. C’est le cas de l’ARTP qui avait acquis des immeubles de Cheikh Amar. Comme les travaux n’avançaient pas, le Directeur général est en train de faire des efforts pour pousser l’entreprise à poursuivre les travaux», a- t-il dit.
Suites aux manquements
S’agissant de la suite à donner aux manquements, M. Dia déclare : «Quand la Cour fait son travail et découvre des fautes de gestion, par exemple: vous devez passer un marché et vous avez commis une faute, les rapporteurs font leur travail, constatent cela et font un déféré transmis au Procureur et le fautif peut être sanctionné. Mais ça, c’est le dispositif interne de la Cour. Si ce sont des cas de malversations, nous constituons notre dossier et le transmettons au Garde des sceaux, ministre de la Justice».
«De 2012 à 2013, beaucoup de gestionnaires d’entités publiques ont été mis en prison suite au rapport de la Cour des Comptes. Donc, nous demandons simplement qu’une enquête soit ouverte, mais nous ne sommes pas maître des poursuites. C’est le Procureur», précise le rapporteur.
La balle est dans le camp de la justice
«Nous sommes dans une République, et dans le travail, il y a une séparation», dira-t-il. En d’ajouter, «nous faisons notre travail et c’est aux autres de faire le leur, la Cour des comptes ne va jamais tordre la main à l’exécutif pour des sanctions. Nous faisons notre rapport et le transmettons. Le président peut faire un référé adressé au Premier ministre ou au ministre de tutelle».