MULTIPLE PHOTOSLES ÉPAULES DE MESSI
À la lecture de Transversale d'Iba Dia, hier, se questionnant sur "la panne de Messi" en sélection nationale, on s'est plu à renvoyer l'interrogation au banc de touche argentin. En pensant à Menotti (1978) et à Bilardo (1986), les deux champions du monde avec l'"Albiceleste", la question est revenue pour savoir où se trouve le lien manquant qui fait qu'aujourd'hui, La Pulga n'est pas le Pibe de oro. Simplement dit : pourquoi Messi n'est pas Maradona.
La recherche de la comparaison n'interroge pas le talent. Il est difficile d'opposer deux individualités hors époque et hors contexte. On oppose plutôt les deux identités par rapport au collectif qui les accueille, à l'expression de l'équipe d'Argentine qui a été la leur et aux interrelations qui les font vivre et respirer sur un terrain.
Quand Menotti affichait son profil impassible sur le banc de l'Argentine, hermétique comme un bloc de glace, Maradona était un petit génie en devenir. El Flaco ne le retint point dans son groupe pour le Mondial-78. Dieguito devait encore mûrir et la Coupe du monde juniors de 1979 allait s'en charger. Dans cette Argentine-78 à la personnalité si énorme, on peut même se demander qui Maradona aurait pu suppléer.
De même, le Mondial-82 est venu trop tôt pour sa personnalité, écrasé qu'il fut par les Passarella, Ardiles, Kempes, etc.
Ce sont les lendemains qui allaient faire rêver. Feu Mawade Wade avait raison quand, au sortir du Mondial juniors au Japon, en 1979, remporté par l'Argentine, il parlait du trio phénoménal que constituait Maradona, Ramon Diaz et Burruchaga… Le premier deviendra l'Argentine à lui seul, les deux autres resteront à une ou deux échelles en dessous.
Ils n'ont pas triomphé ensemble, mais dans la tête de Menotti, il y avait du Maradona. Notamment quand on entend El Flaco seriner : "Vous pouvez perdre un match, mais ce que vous ne pouvez pas perdre, c'est la dignité acquise en jouant du beau football." Partant de là, on se dit aussi que Messi n'aurait pas été une verrue dans son cerveau, mais une application dynamique, joyeuse et fertile.
Cependant, quand on se souvient du traitement que Maradona subit devant Gentile, lors d'un Italie-Argentine du Mondial-82, malgré son explosivité, on tremble pour l'actuel joueur du Fc Barcelone. A une époque où les crimes étaient prémédités sur les terrains de foot, avec des coupeurs de route et des poseurs de mine antipersonnel, le Messi d'aujourd'hui n'aurait sans doute fait qu'un dribble et demi pour tomber dans un guet-apens.
Par ailleurs, on sortait du Mondial-78. La rapidité de projection de l'Urss de feu Lobanovski avait ébloui le monde et le football s'exprimait dans une portée verticale que le Brésil de Télé Santana exprimait à merveille en 1982 : la passe toujours dans la course du joueur en mouvement. Ce n'est pas le Barça de Messi.
Le paradoxe, c'est que Maradona a gagné le Mondial avec Bilardo. Paradoxal pour un homme chez qui "ce qui compte dans le football, c'est gagner et rien d'autre". L'éloge du pragmatisme pur. Les spécialistes de l'époque parlaient d'une équipe de voyous guidée par un dieu. Le football argentin redescendait sur le terrain de la délinquance qui avait poussé le coach anglais Sir Alf Ramsay à les traiter d'"animaux", lors du Mondial-66.
Maradona était à l'aise dans cette dualité. Capable, dans le même quart de finale contre l'Angleterre, de sortir la "main de Dieu" et se promener avec le "pied du diable". Un match qui sentait à la fois le soufre et la lavande.
Messi est trop parfait pour faire partie de cette bande de braqueurs.
Après deux finales de Copa America (2007, 2015) et une finale de Coupe du monde ratées (2014), Messi s'enfonce donc en lui-même. La Commission technique de la Fifa l'a trouvé Meilleur joueur du Mondial-2014 et la Conmebol l'a encore porté au pinacle, il y a quelques semaines. Son refus de la seconde distinction témoigne de la profondeur de son dépit amoureux. Dans la formation de Gerardo Martino, on ne peut pourtant nier son influence et son ascendance. Mais il faut peut-être un plus autour de lui.
L'Argentine ne manque pas de techniciens pouvant générer cette étincelle de vérité. Lors de la dernière Copa America, les quatre équipes demi-finalistes étaient dirigées par des coaches argentins. A savoir Jorge Sampaoli (Chili) Ricardo Gareca (Pérou), Gerardo Martino (Argentine) et Ramon Diaz (Paraguay). Tous cinquantenaires et une belle longévité en perspective. A cette liste, on pourrait ajouter Diego Simeone, entraineur de l'Altletico Madrid, qui n'a pas manqué de poser ses jalons : "J'aimerais prendre en main la sélection d'ici douze à quatorze ans." C'était en janvier dernier, sur le site de la Fifa.
D'ici là, Messi ne sera plus sur les terrains. Mais d'ici là, l'Argentine a de quoi le réconcilier avec lui et avec la sélection nationale. Ses succès avec le Barça prouvent qu'il n'est pas un looser. Ses échecs avec l'"Albiceleste" prouvent simplement, comme avec le Brésil de Neymar, qu'il faut davantage de prises de responsabilité au sein d'une équipe que de la laisser reposer sur deux épaules.