L’ACSIF DÉNONCE LA ‘’DÉVIANCE’’ ET LES PRATIQUES ‘’USURAIRES’’ DES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE
Taux d’intérêt exorbitants, conventions de prêts léonines, manque de transparence... : les institutions de microfinance au banc des accusés
Censés permettre aux couches vulnérables d’accéder aux services financiers, les Systèmes financiers décentralisés (Sfd), encore appelés institutions de microfinance, contribueraient, de fait, à appauvrir ces dernières. C’est du moins le constat de l’Association des clients et sociétaires des institutions financières (Acsif) qui dénonce les pratiques «usuraires» de ces structures.
Dans le cadre de la Semaine africaine de la microfinance, qui se tient actuellement à Dakar, l’Association des clients et sociétaires des institutions financières (Acsif) a organisé, hier, un sit-in devant l’hôtel King Fahd Palace pour dénoncer la « déviance » et certaines pratiques « usuraires » des Systèmes financiers décentralisés (Sfd), encore appelés institutions de microfinance.
« La Bceao (Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest) et les chefs d’Etat de l’Uemoa (Union économique et monétaire ouest-africaine) ont favorisé la création des institutions de microfinance pour permettre aux couches les plus défavorisées, qui n’avaient pas accès aux banques classiques, de bénéficier des services financiers.
Cependant, il nous est donné de constater que ces structures, qui ont complètement dévié de leur mission première, contribuent lourdement à la paupérisation de ces populations », a dénoncé Famara Ibrahima Cissé, président de l’Acsif, devant les journalistes.
Des taux d’intérêt deux fois plus élevés
Il cite d’abord des taux d’intérêt (souvent supérieurs à 20 %) deux fois plus élevés que ceux des banques, qui sont en train de « tuer » le secteur primaire (agriculture, élevage...) et qui « ne favorisent pas » le développement humain. Il dénonce aussi la désinformation, parce que les Sfd « ne tiennent pas un langage de vérité » aux clients.
La qualité de service aussi laisse à désirer avec des « lenteurs » et « l’humiliation » même que les clients subissent dans ces Sfd. Sans compter l’absence de caméras de surveillance pour sécuriser les opérations du client. Autres griefs à l’encontre des Sfd, la non application des dix-neuf mesures de gratuité édictées par la Bceao, le manque de transparence avec des « détournements tout azimut » dans ces structures.
Il y a également des institutions de microfinance qui « pullulent dans la clandestinité », à qui la banque centrale a retiré l’agrément, mais qui continuent à opérer. L’épargne obligatoire qui n’est pas majorée à un taux d’intérêt est tout aussi « inacceptable ».
Poursuivant son réquisitoire, Famara Ibrahima Cissé fustige pêle-mêle les conventions de prêts léonines avec un taux effectif global (Teg), qui reflète le coût réel de l’argent, ne figurant nulle part dans les conventions de prêts, en violation des directives de la Bceao, la violation de la quotité, des pénalités exorbitantes sans justification valable, des cautions hors de portée d’une clientèle pauvre, en contradiction avec l’esprit même de ces Sfd, etc.
Criminaliser les détournements dans les Sfd
« Les institutions de microfinance ne prennent aucun risque. Vous n’êtes pas salarié, vous n’avez pas une maison à hypothéquer, vous ne pouvez pas accéder au prêt ! » dénonce-t-il. Bref, pour le président de l’Acsif, les institutions de microfinance ont pris en otage les clients au point que « les groupements féminins les ont délaissés pour retourner à de vieilles pratiques, comme les tontines ».
Pour améliorer le fonctionnement des Sfd, l’Acsif recommande une criminalisation des détournements financiers dans les Sfd, la nomination d’un conciliateur de justice au niveau des tribunaux, la mise en place d’une commission de surendettement pour prendre en charge les surendettés, le remplacement des contrats d’adhésion par des contrats bancaires en bonne et due forme, la sécurisation de la retraite sociale des assurances et, in fine, la redéfinition en fonction des réalités socioéconomiques de l’article 381 du Code de procédure civile qui détermine la quotité incessible et insaisissable.
De même, il suggère une homogénéisation du vocabulaire, car beaucoup de termes, pratiques ou opérations renvoient à la même réalité. « Nous demandons à ce que les dix services les plus usités par les sociétaires soient publiés et adoptés par l’ensemble des Sfd », conclut-il.