"MACKY A ÉTÉ MIEUX ÉLU QUE WADE"
MANSOUR SY "DJAMIL", CHEF DE FILE DE "BËS DU NIAKK"
Les propos tenus par l'ancien président de la République, vendredi dernier, lors du meeting des libéraux et leurs alliés, ne laissent pas insensible Serigne Mansour Sy "Djamil". Dans l'entretien qu'il nous a accordé, le chef de file de "Bës du niakk" fait la leçon à Me Abdoulaye Wade : "Macky Sall a été élu, bien élu, mieux élu que lui".
Quel commentaire faites-vous de la sortie de Me Abdoulaye Wade, vendredi dernier, attaquant Macky Sall et son régime ?
J’ai écouté avec beaucoup d’intérêts ce qu'Abdoulaye Wade a dit. Moi, je considère que le président de la République n’a aucun compte à lui rendre. Il lui fixe un ultimatum dans trois jours, etc. Il était le président de la République. Il ne l’est plus. Le Parlement peut fixer un ultimatum à l’Exécutif, mais pas lui, un citoyen lambda. Nous sommes en session budgétaire, que ce soit Mittal ou le pétrole, il n’a qu’à demander à ses députés qui sont à l’Assemblée nationale de poser des questions aux membres du gouvernement. Mais, il n’a pas à interpeller le président de la République publiquement pour lui fixer un ultimatum de 72 heures. Au nom de quoi il le fait ? Qu’est-ce qui lui donne ce droit-là ? Il était président de la République. Il ne l’est plus. Il a fait une analyse qui lui dit : "Bon, il n'a qu’à partir". En 2009, j’ai écrit un article dans la presse pour dire "dafa doy na dem". Les gens me sont tombés dessus en disant : "Il a été élu démocratiquement, Abdoulaye Wade. Comment tu peux te permettre de lui dire 'na dem avant la fin de son mandat' ?". Macky Sall a été élu, bien élu, mieux élu que lui. Il a eu 65% de l’électorat dans une quasi-unanimité. Et aujourd’hui il dit qu'il a échoué. Au nom de quoi il le dit ? Est-ce qu’il est qualifié pour le dire ? Moi, je dis qu’il n’a pas échoué. Au contraire, il n’a même pas eu le temps de faire l’état des lieux, tellement le legs qu’on lui a laissé est trop lourd.
Me Abdoulaye Wade semble vouloir s'inspirer de ce qui s'est passé au Burkina Faso...
Les situations sont complètement différentes. Là, c’est un mouvement populaire qui s’est soulevé et qui a fait partir le président de la République. Pour qu’en plein mandat, il (Macky Sall) laisse son pouvoir, il faut une dynamique populaire. Cette dynamique a existé au Burkina pour des raisons historiques bien connues. Cette dynamique n’existe pas au Sénégal. Ce n’est pas parce qu'il y a du remplissage au niveau de la place de l’Obélisque, que ces gens qui représentaient son parti et ses sympathisants représentent le peuple sénégalais. C’est un échantillon qui est loin d’être la majorité. Avec tout le respect que je lui donne, ce qu’il dit, lui, Abdoulaye Wade, est loin de refléter ce que pensent les Sénégalais. Lui demander de partir, de faire un gouvernement de transition, jusqu’en novembre 2015, et d’organiser des élections, ça c’est lui qui le pense. Peut-être que son parti le pense. Mais, la grande majorité du peuple sénégalais n’est pas en phase avec lui. Le président de la République n’a pas à répondre à ça. J’espère que les députés vont reprendre ces interpellations et interrogations, et qu'on va débattre en démocratie. Mais, il n’a pas à le faire dans un meeting, avec la pression populaire. Nous représentons le peuple, pas lui. Il le représentait avant, il ne le représente plus. Nous pouvons, en toute démocratie, échanger sur ces questions.
La publication des "Mémoires" de l'ancien Président Abdou Diouf suscite moult passions...
Pour ce qui est d’Abdou Diouf, je suis en train de lire le livre. Je ne l’ai pas encore terminé. Par honnêteté intellectuelle et probité intellectuelle, je ne peux porter un jugement sur un livre que je n’ai pas lu intégralement. Je suis l’un des premiers à avoir ce livre, ici, mais je l’ai pas encore terminé. Je suis à la page 200. C’est un livre très intéressant. Je recommande la lecture à tout le monde, surtout à la nouvelle génération. Abdou Diouf est un acteur actif. Acteur actif de 40 années d’histoire du Sénégal, de 1960 à l’an 2000. Il a occupé les postes de responsabilité les plus élevées. Et il a fait sur la base de son intelligence et de sa compétence. Senghor ne choisissait pas n’importe qui. Donc, aujourd’hui, il est en train de restituer l’histoire à la nouvelle génération. Césaire disait que : "Dans l’histoire, il faut être humble. Il faut avoir du courage. Il faut savoir se remettre en cause". Et j’ai trouvé que c’est une marque de générosité d’avoir vécu cette expérience et de la restituer à la jeunesse sénégalaise et aux nouvelles générations. Donc, il faut faire juste preuve de sagacité et de circonspection. Il faut se donner la peine de lire, parce qu’il lui a fallu des années pour écrire ces mémoires-là. Il faut se donner la peine de le lire. On ne peut se baser sur des feuillets publiés dans des journaux, pour porter un jugement sur un livre de 400 pages. Je demande simplement à l’élite de faire preuve de probité intellectuelle, de se donner la peine, d’abord, de lire le livre, avant de porter un jugement. Tous les gens qui ont débattu de ce livre-là, je les ai vus, ils ne l’ont pas lu. Il faut, d’abord, le lire. C’est la première honnêteté. Que ce soient les intellectuels, journalistes et autres, il faut, d’abord, aller au charbon, et lire le livre. Et moi, pour ce que j’en ai lu, les 200 premières pages que j’ai lues, me permettent de recommander à tous les Sénégalais de lire ce livre.
Vous faites partie des leaders de "Benno Bokk Yaakaar", mais vous n'avez aucune responsabilité au sein du gouvernement. Qu'est-ce que cela vous fait?
Nous ne sommes pas dans "Benno Bokk Yaakaar" pour des positions de rentes ou des prébendes. Nous sommes dans cette structure, parce que nous avons, ensemble, avec Macky Sall, gagner les élections au deuxième tour. Actuellement, il y a un gouvernement qu’il a choisi, parce que c’est à lui de déterminer la politique nationale. Et en fonction de cette politique nationale, c’est à lui de choisir les acteurs qui peuvent l’aider dans ça. Il n’a pas jugé bon de nous confier des responsabilités au sein du gouvernement, alors que nous avons des gens qui sont capables d’assumer ces responsabilités-là. Etant donné que son quinquennat, ce n’est pas un an, deux ans, c’est, quand même, cinq ans, et qu'il est au fait de ce nous pouvons apporter à ce gouvernement, nous continuons à jouer notre rôle à l’Assemblée nationale, où nous avons voté toutes les lois de finances. A chaque fois que nous n’étions pas d’accord, nous l’avons dit devant tous les médias. Parce que simplement "Andu gor ak nawlé lagnu and ak mom". Nous gardons notre liberté de ton. A chaque fois que nous devons soutenir, nous soutenons. A chaque fois que nous considérons que nous ne sommes pas d’accord sur telle ou telle chose, nous le disons également. Mais aller dans la coalition pour être ministre ou autre chose. Bon, si ça vient Ok, mais si ça ne vient pas, ce qui nous importe c’est de faire de telle sorte que Macky réussisse son mandat en respectant les engagements qu’il avait pris devant le peuple sénégalais.
Le Président Macky Sall va, bientôt, boucler 3 ans d'exercice du pouvoir. Vous en dites quoi ?
Il va bientôt faire trois ans. Même trois ans, au regard des dégâts laissés par l’ancien régime, ne suffissent pas pour faire l’état des lieux. Même prendre le pouvoir n’est pas facile. Mais, on peut le prendre pour s’y maintenir. Il faut des résultats. Parce qu’au début, on était dans l’opposition. On se bat pour venir. Mais, maintenant, on est au pouvoir. C’est à nous de rendre compte, de faire un bilan. Et pour que les gens nous y reconduisent, il faut que le bilan soit positif. C’est pour ça que nous sommes dans la coalition, pour faire de telle sorte que le bilan soit positif et satisfaisant. Nous sommes là pour ça. Parce que, s’il échoue, c’est le peuple sénégalais qui échoue. C’est toute la coalition qui échoue. Et moi, je suis dans la coalition, donc, je veux qu’elle réussisse, sinon j'y sors. Et comme je suis dedans, je ferai de telle sorte que cette structure réussisse sa mission.
Quelle appréciation faites-vous du limogeage d'Alioune Ndao de son poste de procureur spécial près la Crei ?
C’est au président de la République de définir la politique de la nation. Exemple : la seule personne qui décide de l’équipe nationale, c'est Alain Giresse. Personne n’a son mot à dire. Ni le président de la République, ni son ministère de tutelle, ni le président de la Fédération sénégalaise de football. Les joueurs qui sont alignés sur le terrain, il n'y a qu’une seule personne qui en décide, alors que l’équipe nationale engage toute la nation. Le sélectionneur n’est même pas sénégalais, mais il n’y a que lui qui décide. C’est la même chose sur la nomination aux postes militaires et civils. C’est le président de la République qui en a les prérogatives.