MIGRATION, MODE D’EMPLOI
LE MONDE NE TOURNE-T-IL PLUS ROND ? - L'EUROPE EST-ELLE UNE VICTIME DES INVASIONS VENUES DU SUD ? - LES IDÉES REÇUES SONT BIEN LOIN DE LA RÉALITÉ...
Les migrations de populations ne sont pas une nouveauté. Elles sont aussi vieilles que le monde. Seulement, la médiatisation et la conjoncture économique difficile dans les pays d’accueil aidant, le phénomène est devenu plus prégnant. Pour www.SenePlus.Com, l’ancienne ministre Ndioro Ndiaye, présidente de l’Alliance pour la migration, le leadership et le développement, apporte son éclairage sur une question qui hante les États concernés et laisse sans voix la communauté internationale.
Vu d'Afrique, le monde de la migration semble en ébullition. Les morts sur les côtes de la Méditerranée, les étrangers agressés en Afrique du Sud qui n'ont d'autre choix que de s'enfuir… Que se passe-t-il ?
Le monde est ce qu’il a toujours été. L’histoire révèle que la migration n’est pas la condition de «l’homme moderne», mais celle de l’humanité tout entière depuis qu’elle a commencé son expansion. Simplement ses formes et ses logiques se modifient profondément au cours du temps, créant chaque fois des stéréotypes qui, bien que contradictoires, se sont ancrés dans l’imaginaire. Les populations ont toujours été mobiles sans pour autant créer autant de bruit, de désagréments. Les phénomènes migratoires sont juste davantage médiatisés et les pays d’accueil ont décidé d’être plus défensifs vis-à-vis des personnes qui frappent à leurs portes. Il se trouve aussi que maintenant la crise aidant, les performances économiques des pays d’accueil de migrants sont plus faibles, peu de richesses sont engrangées et très peu d’emplois créés pour les autochtones. Cela pousse les populations à la xénophobie et leurs dirigeants qui restent très sensibles à l'opinion de leurs électeurs ont le plus grand mal à couper la poire en deux parties équitables.
L'Europe semble se présenter comme la première "victime" de ces crises. Les chiffres lui donnent-elle raison ?
Absolument pas. Il y a plus de migrants sud-sud que de migrants sud-nord. Je veux dire que la migration intra-africaine est plus importante que celle entre l’Afrique et l'Europe, même si le pourcentage de migrants varie fortement à travers le continent. Il y a environ 740 millions de migrants internes dans le monde. Les migrants internationaux représentent pour leur part 200 millions de personnes. Parmi les migrants internationaux, seul un tiers s’est déplacé d’un pays en développement vers un pays développé. En réalité, seules 37 % des migrations dans le monde ont lieu d’un pays en développement vers un pays développé. La plupart des migrations s’effectuent entre pays de même niveau de développement : 60% des migrants se déplacent entre pays développés ou entre pays en développement.
Au niveau d'un petit pays comme le Sénégal, que peut-on concrètement faire pour éviter que des compatriotes soient victimes des tragédies que nous connaissons depuis un moment ?
A l’heure actuelle, les drames provoqués par la migration sont choquants, traumatisants… autant pour les pays d’accueil que pour les pays d’origine. Il est nécessaire que cela s’arrête et pour que cela s’arrête il est tout aussi indispensable que les politiques de gestion de migration soient articulées autour de quatre axes : L’information, la préparation aux projets migratoires, l’orientation culturelle des populations susceptibles de partir et enfin l’Education de nos populations.
La connaissance des phénomènes migratoires par les autorités qui gouvernent nos pays, par les officiels en charge de la question migratoire, et toutes les personnes qui participent selon leurs compétences à la gestion de ces phénomènes, doit être, à mon sens, un acquis, dans les pays d’accueil comme dans les pays d’origine.
Quelles sont les deux activités principales de votre organisation que vous souhaiteriez présenter aux Sénégalais et quels sont vos espaces d'intervention ?
Le travail de l’Alliance pour la Migration, le leadership et le développement (AMLD) est divisé en plusieurs groupes thématiques ou hubs, nommément : Migration, Leadership, Développement et Sécurité. Chaque groupe est dirigé par un responsable qui travaille de concert avec un directeur de Programmes, responsable de la coordination de toutes les activités de l’organisation. Notre mission consiste en la mise en œuvre, en Afrique et avec la Communauté Internationale, d’initiatives pouvant apporter des changements majeurs dans la relation entre la migration, le leadership et le développement et démontrer comment leur synergie peut favoriser et stimuler la structure de développement des pays africains. Pour atteindre ce but, l’AMLD a adopté une approche stratégique qui promeut la recherche pratique, la formation et l’utilisation des leçons et expériences tirées d’une décennie de consultations aux niveaux international, régional, sous-régional et national sur les questions relatives à la migration, en insistant particulièrement sur les liens solides entre migration et développement.
L’AMLD aide les gouvernements africains, leurs experts ainsi que les acteurs de la Société Civile, à faire face au phénomène migratoire et à trouver eux-mêmes les meilleures voies et moyens pour aborder ces sujets au bénéfice des processus de développement de leurs pays.
L’AMLD fournit aux acteurs du développement africain les outils nécessaires et adaptés à une meilleure gestion de la migration. Ces outils incluent entre autres, la compétence, la formation sur les conventions internationales ou régionales, la promotion des meilleures pratiques conformes à ces conventions et le conseil aux gouvernements sur les problèmes liés à la migration.