"MON ADJOINT BOUBACAR GADIAGA ME PREND POUR UN COUILLON"
ALAIN GIRESSE, ANCIEN SÉLECTIONNEUR DU SÉNÉGAL
Le désormais ex-sélectionneur Alain Giresse est rentré définitivement en France, dimanche dernier, avec le regret de n'avoir pas permis aux "Lions" d'aller loin à la Can 2015. Dans cet échec qu'il assume avant les changements inopportuns, lors du match contre l'Afrique du Sud (1-1), le technicien français indexe aussi une cassure dans le groupe. Sans manquer de déplorer le manque de loyauté de son adjoint Boubacar Gadiaga et de tacler ses détracteurs.
Déception de l'élimination
"Comme tous les Sénégalais, je regrette le mauvais tournoi du Sénégal à la Can 2015. J'étais tellement déçu que je n'ai pas souhaité discuter de reconduction de mon contrat, qui expirait à la fin de la compétition, avec le président de la fédération. Pourtant, on avait les moyens d'aller loin. Mais voilà qu'avec tout le potentiel qu'on a, l'équipe n'a pas franchi la phase de poule. Cela confirme ce qu'on disait de cette poule C, qui était très relevée. Et la prestation et le jeu produit par l'Afrique du Sud confirme bien le bien que je pensais de cette équipe, qui a créé des problèmes à tous ses adversaires".
"Je n'ai pas voulu revenir au Sénégal en même temps que les autres membres de la délégation à cause de l'accueil. J'ai eu des échos de certaines personnes dénonçant un manque de respect de ma part. C'est parce que, peut-être, ils ne me connaissent pas assez. J'ai toujours cherché à servir le football sénégalais avec tout le respect dont ont besoin ses dirigeants. Je suis resté loyal, digne, même dans les moments les plus difficiles. C'est parce qu'il faut avoir le courage de l'avouer, j'ai quelques fois travaillé dans des conditions difficiles.
"En un certain moment, je me posais la question de savoir pourquoi les Sénégalais n'ont pas intérêt à ce que leur équipe gagne. Cette question, je la pose toujours aux personnes avec qui je partageais et qui m'apportent leur soutien dans le travail que je fais. Mais jamais une seule m'a apporté une réponse à cette interrogation".
Le sort du football local
"Je ne pouvais pas comprendre que moi qui suis un employé à qui on verse un salaire à la fin de chaque mois, qui bénéficie d'un logement et d'une voiture de fonction, compte non tenu d'autres privilèges liés à mon poste de sélectionneur, soit plus concerné par la réussite de l'équipe nationale que d'autres Sénégalais. C'est pourquoi je dis que c'est difficile d'être sélectionneur au Sénégal, un pays où ceux qui font le tour des médias pour débattre de problèmes, mêmes techniques, qu'ils ne maîtrisent pas, deviennent des experts incontournables. Et ma foi, fatalement, ces donneurs de leçons, on les voit rarement au stade, lors des matches de championnat. C'est regrettable qu'on veuille résumer le football sénégalais aux seules activités de l'équipe nationale. Et le football local dans tout ça ?"
"A plusieurs reprises, les journalistes m'ont interpelé sur l'absence de joueurs locaux dans la sélection. Je n'ai jamais souhaité développer à cet effet. Car, pour moi, tous ceux qui suivent les compétitions des différentes compétitions locales ont la réponse à la question. Il y a beaucoup de choses à faire pour rehausser le niveau du football local, où on trouve des joueurs volontaires et talentueux. Il y a des joueurs qui ne demandent qu'à être mieux motivés pour mieux s'exprimer. Quand je les voyais se produire sur l'ancienne pelouse synthétique de Demba Diop qui n'était pas bien entretenue, je dis qu'ils sont très braves".
Plainte auprès de Saër Seck
"J'ai été étonné d'apprendre que mon adjoint a produit un rapport qu'il a présenté à la fédération. Ce n'est même de son ressort. C'est de la prétention. Il y a des paramètres et des informations qu'ils ne maîtrisent pas. Cela dénote de sa volonté de mal faire le travail, tout au long de notre collaboration. J'ai même été très gentil de le garder à mes côtés, malgré son attitude. A plusieurs fois, je me suis plaint auprès de son président de club, Saër Seck pour lui faire des remarques sur sa mauvaise façon de collaborer. Je pouvais bien demander de m'en séparer, mais j'ai beaucoup cru en cette équipe d'aller très loin dans la Can 2015. Et je ne voulais pas que la cassure vienne d'un mauvais climat au sein du staff technique".
"Ça s'est joué sur rien. Soit on égalisait et on passe au premier, soit on perdait face à l'Algérie. Et c'était le cas, mais on devait tous assumer. Malheureusement, lui, il a eu sa façon de voir les choses. Et Dieu sait que j'ai toujours consulté mes collaborateurs avant la prise de toute décision. Ceux qui ont souhaité m'accompagner l'ont fait dans la plus grande loyauté et le professionnalisme que ça demande. Maintenant, ceux qui ont fait l'inverse, je ne peux pas savoir pourquoi ce choix. Alors que nous avions la même mission de faire rêver le peuple sénégalais et de remercier les autorités du ministère et de la fédération, qui ont toujours accédé à nos demandes de mettre l'équipe dans de bonnes conditions d'exceller".
Me Senghor, un président exemplaire
"Et je ne remercierai jamais assez le président Senghor qui est un homme de bien. C'est un garçon qui est dévoué pour la cause de son pays. C'est un professionnel rompu à la tâche qui ne fait pas les choses à moitié. Comme moi, il a cru jusqu'au bout, mais le destin a décidé autrement. Lui au moins, il connaissait son rôle et s'assumait, quel que soit le résultat. C'est le contraire de mon adjoint qui a choisi la presse pour dire certaines choses que je ne connaissais pas de lui. Alors que j'étais fondé de le faire le premier pour expliquer aux Sénégalais qu'il ne se limite pas à son rôle d'adjoint. Il outrepassait ses prérogatives. Pour dire vrai, mon adjoint Boubacar Gadiaga me prend pour un couillon. Mais comme on dit, celui qui sème le vent récolte la tempête".
Gadiaga et le pot d'adieu
"A partir de ses positions incompréhensibles, je n'ai pas jugé utile de l'inviter au pot d'adieu que j'ai organisé avec les agents de la fédération. Ce sont des collaborateurs sincères qui m'ont toujours réservé un bon accueil. On m'a dit que vous appelez ça chez vous la ‘téranga'. Je les remercie du fond du cœur pour le soutien et la parfaite collaboration. C'est donc inexact de dire que Gadiaga a brillé par son absence lors du pot que j'ai personnellement organisé. On dit de quelqu'un qu'il est absent, parce qu'il n'a été invité. Ce qui n'est pas le cas, il n'est pas convié. C'est Sidath Sarr que j'ai invité et qui m'a fait l'amitié de se présenter à la cérémonie qui s'est très bien passée. Je n'en dirai pas plus, c'est déjà du passé. Ceux qui devaient participer l'ont été ou se sont fait représenter. C'est le plus important, et je retiens le côté positif".
Le potentiel des "Lions"
"Quand on se sépare avec des gens, surtout après avoir donné le mieux de soi-même pour faire progresser l'équipe nationale, il y a des choses qu'on doit s'interdire de dire. Aujourd'hui, tous ceux qui veulent l'équipe savent qu'il y a un travail qui a été fait. Ils disent tous que l'équipe du Sénégal ne se refuse pas. Oui, l'équipe du Sénégal ne se refuse pas. On m'a demandé de mettre en place une équipe nationale, je pense avoir répondu aux attentes. Il y a deux ou trois éléments à changer dans l'équipe. Je reste convaincu que le Sénégal peut réussir quelque chose lors des prochaines éliminatoires pour la Can 2017 et la Coupe du monde 2018".
"L'équipe a un grand potentiel. Je m'en veux pour preuve, l'engouement qu'elle suscite à travers les nombreuses candidatures enregistrées par la fédération pour ma succession. Si l'équipe n'avait pas de potentiel, elle n'allait pas gagner celle de l'Egypte à domicile. C'est grâce à son potentiel et des talents des joueurs qui ont été costauds, que nous avons réussi un grand match contre la Tunisie, à Monastir"
"Je regrette qu'il n'y ait pas eu le même état d'esprit que lors des éliminatoires. Les joueurs qui n'étaient pas alignés étaient subitement mal à l'aise. Et il n'y avait pas le temps nécessaire pour échanger et savoir ce qui explique ce subit changement de comportement. Quand je parle de cassure dans le groupe, je fais allusion à cette situation qui ne militait pas en faveur de la progression de l'équipe. Les matches de la Can étaient tellement rapprochés qu'il n'y avait pas de temps matériel pour gérer les états d'âme".
"On voulait me dégommer"
Maintenant, les gens sont libres de me reprocher une gestion solitaire. Ce qui est complètement faux. J'ai essayé d'être le plus professionnel possible tout en protégeant mes joueurs. Il n'y a qu'un seul entraîneur qui a été nommé, c'est moi. C'est parce que je n'ai pas voulu associer ceux qui ne sont pas membres du staff technique dans la prise de décisions finales que je suis devenu subitement un ennemi".
"J'ai l'expérience du football africain. Ce n'est pas, une fois, au Sénégal qu'on doit m'apprendre à reconnaître ceux qui me veulent du bien et les gens qui jouent le double jeu pour me détourner de l'essentiel. On voulait me dégommer et les actes posés étaient bien manifestes. Ce n'est pas en travaillant dans l'hostilité qu'on peut réussir. Heureusement que j'étais en fin de contrat avec le Sénégal. Je ne souhaite pas que celui qui me succède soit confronté aux mêmes difficultés que moi".