MOUSTAPHA DIAKHATÉ SANS CONCESSION
EXCLUSIF SENEPLUS : BILAN DES LOCALES – STRUCTURATION DE L’APR – RETROUVAILLES DE LA FAMILLE LIBÉRALE – BENNO BOKK YAAKAAR – RÉDUCTION DU MANDAT DE MACKY SALL - AVENIR DE MIMI TOURÉ DANS L’APR…
Dans la deuxième et dernière partie de l’entretien qu’il a accordé à www.seneplus.com, Moustapha Diakhaté, le président du groupe Benno bokk yaakaar à l’Assemblée nationale, épluche certains sujets politiques majeurs qui s'imposent au détour des locales du 29 juin dernier : bilan de la Majorité, structuration de l’Apr, retrouvailles de la famille libérale, réduction du mandat de Macky Sall, devenir de Benno bokk yaakaar et avenir d’Aminata Touré chez les Républicains… Diakhaté a abordé les questions sans prendre de gants.
RÉSULTATS DE BENNO BOKK YAAKAAR
Que répondez-vous à ceux qui considèrent que le pouvoir a subi un revers aux Locales, même si, à travers Benno bokk yaakaar, il a remporté l’essentiel des collectivités en jeu ?
On peut dire beaucoup de choses sur le bilan des élections, mais je reste dans la factuel. Le Sénégal compte 602 collectivités locales. À l’heure où nous sommes, la coalition Benno bokk yaakaar, avec une forte dominante Apr, contrôle au moins 475 à 500 collectivités locales. Aujourd’hui, l’Apr est le premier parti en terme de collectivités locales contrôlées et d’élus locaux qui émanent de ses rangs. À partir de ce moment, on ne peut que dire que nous avons gagné.
Vos défaites à Dakar, Ziguinchor, Thiès et Diourbel, notamment, ne doivent-elles pas vous pousser à aller au-delà de votre lecture arithmétique des résultats ?
C’est vrais que les faits sont masqués, malheureusement, par ce qui s’est passé à Dakar. Et ça se comprend du fait de la charge symbolique de Dakar. Dakar, c’est la caiptale économique, politique et culturelle du Sénégal. En général quand le pouvoir ne contrôle pas Dakar, ça peut être perçu, par le pouvoir et par l’opinion, comme une défaite. Mais ça ne me pose aucun problème parce que c’est la troisième ou la quatrième fois que Dakar boude un pouvoir en place. Rappelez-vous en 1993, le Pds avait gagné Dakar lors des législatives, on a réédité ça en 1998, avec les législatives toujours. En 2009, l’ancien régime a perdu Dakar. Donc, ce n’est pas étonnant que Dakar boude un pouvoir en place.
Seulement la défaite du pouvoir de Wade aux locales de 2009 était annonciatrice de sa chute en 2012. Est-ce que l’Apr n’est pas sur la même pente descendante ?
C’est différent. Ce qui s’est passé cette année à Dakar, relève d’une erreur stratégique de l’Apr. Nous sommes allés au deuxième tour de la présidentielle de 2012 avec les partis qui composent la liste Taxawu Dakar de Khalifa Sall, et nous avons gagné ensemble. Nous sommes allés avec eux aux législatives. La logique voudrait que nous soyons ensemble aux locales pour parachever le processus d’installation de la deuxième alternance. L’Apr n’a pas véritablement joué le jeu. Beaucoup de nos camarades étaient obnubilés par le désir de devenir maire d’une commune ou bien de la ville de Dakar au point qu’ils n’ont pas résonné en terme de coalition. Cela n’a jamais été ma conception.
Concrètement comment se seraient organisées les investitures avec d’une part la nécessité pour l’Apr de s’implanter au plan local et la volonté des autres partis, notamment le Ps de Khalifa Sall, de contrôler la ville ?
Je pensais qu’il était possible d’aller en coalition et chaque parti, au prorata de son poids électoral mesuré en fonction de ses résultats à la présidentielle de 2012, pourrait avoir le nombre de membres investis. Si cela avait été fait, très certainement l’Apr allait contrôler un certain nombre de communes de Dakar, tout comme le Parti socialiste, tout comme l’Afp et les autres alliés. C’est ce qui devait être fait à Dakar et sur l’ensemble du territoire national. On l’a expérimenté à Guédiawaye, ce qui a donné de bons résultats. Toutefois, la majorité du 25 mars 2012 contrôle plus de 95% des collectivités locales. Alors en tant que membre de Benno, je constate que les élections locales de 2014 ont fini de confirmer les résultats du deuxième tour de la présidentielle de 2012. Ils ont fini par confirmer le choix des Sénégalais de donner au président Macky Sall une majorité à l’Assemblée nationale.
Cependant, Benno bokk yaakaar s’en sort encore plus fissurée. D’aucuns avancent même que la coalition a volé en éclats depuis les investitures. Comment allez-vous recoller les morceaux ?
Le Président Macky Sall nous avait demandé de lui proposer un organigramme assez souple pour le fonctionnement de Benno bokk yaakaar. C’est déjà fait. En plus de cet organigramme, il faut une charte de la coalition. Cette charte de la coalition est d’autant plus nécessaire que parfois j’entends des camarades dire que ceux qui ne soutiennent pas la candidature de Macky Sall doivent quitter la coalition, c’est ridicule. Rien ne s’oppose à ce qu’un parti de la coalition Benno bokk yaakaar présente un candidat en 2017. Ainsi si le candidat d’un parti de Benno passe au second tour, tout le monde se déporte sur lui. La charte de la coalition doit pouvoir réglementer tout cela. Mais considérer que tous ceux qui ne sont pas avec moi sont contre est une posture manichéenne suicidaire, politiquement mortelle. Avec cette charte et l’organigramme, nous pouvons améliorer qualitativement le fonctionnement de la coalition. Parce qu’en fait, beaucoup de membres de la coalition ont le sentiment d’être ou sous-utilisés ou, à la limite, snobés. Il y a quatre mois, il y avait la bande des «quatre», l’Apr, le Ps, l’Afp et Rewmi. Maitenant, il y a la bande des «trois», avec la sortie de Rewmi. Ça donne l’impression aux autres d’être considérés comme quantité négligeable. Ce n’est pas bon.
RETROUVAILLES DE LA FAMILLE LIBÉRALE
Comment analysez-vous les résultats de partis d’opposition comme le Pds et Rewmi ?
Je note un retour perdant d’Abdoulaye Wade. Il est venu avec beaucoup de bruit. Il a voulu utilisé les locales comme un référendum : «pour ou contre Macky Sall ?». Je crois qu’il doit être édifié qu’il a échoué lamentablement sur cette question-là. Que les Sénégalais ne sont pas contre Macky Sall. Pour Rewmi, on remarque que de plus en plus Idrissa Seck se réduit à Thiès intra muros. Lui et Abdoulaye Wade doivent tirer les leçons de ce qui s’est passé et accepter que le leadership de la famille libérale doit être assuré et assumé par Macky Sall.
Voulez-vous dire que dans la perspective des retrouvailles de la famille libérale les locales constituaient des primaires ?
Oui, on peut considérer cela. Moi je milite pour le rassemblement de la famille libérale, mais on ne peut pas le faire en dehors des réalités. Si cette famille doit être rassemblée, ça doit être fait sous le leadership du Président Macky Sall. Évidemment le Président Wade a son rôle à jouer dans cet effort-là tout comme monsieur Idrissa Seck. Le Président Macky Sall peut ne pas se limiter à constater cela, il peut aussi prendre des initiatives dans ce sens là.
Quel genre d’initiative par exemple ? Vous demander d’aller rendre visite à Wade ?
Le Président Macky Sall et moi, nous partageons à dignité égale, notre appartenance à la famille libérale. Donc pour aller chez les uns et chez les autres, dans la perspective de renouer le fil du dialogue, d’inciter les uns et les autres à travailler à ces retrouvailles, je ne demande pas de l’autorisation. Ça je le fais de mon propre chef parce que je suis, au même titre qu’eux tous, membre de cette famille libérale qui a beaucoup contribué à mon façonnement politique.
Avez-vous senti Abdoulaye Wade prêt à œuvrer pour les retrouvailles de la famille libérale ?
Il est entièrement d’accord pour la reconstitution de la famille libérale. Le seul hic, c’est le problème de son fils. De mon point de vue, les deux choses ne sont pas liées parce que ce n’est pas le Pds qui est en prison. Cette affaire ne doit pas constituer une entrave à cet effort nécessaire de retrouvaille de la famille libérale. Les cadres libéraux ont sorti un communiqué pour demander qu’on aille dans ce sens-là. Wade est disposé à cela, Idrissa Seck aussi la même chose. Là où j’ai une divergence avec Idrissa, c’est qu’il pense qu’Abdoulaye Wade n’a pas de rôle à jouer dans ce projet. Ce n’est pas mon impression. Tant que Wade est secrétaire général du Pds, tant qu’il est en vie et jouit de ses capacités intellectuelles, je crois qu’il peut être un recours dans la perspective des retrouvailles de la famille libérale. Le nier, c’est nier une évidence, Abdoulaye Wade est le père de la famille libérale. Puisque le père est en vie, rien ne s’oppose pour qu’il aide ses enfants à se retrouver. C’est dans cette perspective que je dis qu’il a un rôle à jouer. Malheureusement, il est plus préoccupé par le sort de son fils.
Depuis qu’on parle des retrouvailles de la famille libérale, rien ne bouge officiellement. Toutes les rencontres se passent en coulisses. Quel devrait être, concrètement, le premier jalon vers ces retrouvailles ?
J’aurais bien aimé, si possible, que les partis qui se reconnaissent de cette famille libérale mettent en place une structure de plénipotentiaires pour essayer de réfléchir sur les contours des retrouvailles de cette famille libérale. Il y a des modèles de retrouvailles et celui qui nous semble le meilleur c’est celui du Rassemblement des Houphouétistes en Côte d’Ivoire. Ils ont trouvé un modus operandi qui leur permet d’être ensemble. Les contextes ne sont pas les mêmes, mais ce modèle ivoirien me semble une bonne piste. Même ici au Sénégal on a connu des cas de rassemblements de familles politiques. L’Ups-Ps, qui a régné pendant 40 ans, était issu de la Sfio et du Bds. Je ne le dis pas par sectarisme, mais le Sénégal a besoin qu’on aille vers deux grands pôles politiques entre lesquels se jouent les alternances démocratiques. Ce qui est extraordinaire et a favorisé le développement des Etats-Unis et de beaucoup de pays européens, c’est cette stabilité politique. Ce serait d’apporter une nouvelle valeur ajoutée à la démocratie sénégalaise que d’aller vers la création de deux grands pôles politiques. Les libéraux doivent se retrouver et constituer un puissant pôle et du côté des socialistes, je souhaite qu’ils en fassent autant.
Si votre vœu devait être exaucé, Benno serait condamné à disparaître.
L’aboutissement de ce schéma serait les élections de 2017 où les libéraux auraient un candidat ou deux et les socialistes auront leur candidat. Benno bokk yaakaar n’est pas inscrit dans l’éternité. C’est une coalition de deuxième tour, mais à partir de 2017, ce sera d’autres perspectives. Et ces perspectives, il faudra les baliser dès maintenant. La cacophonie qu’on a connue lors des locales, il faudra qu’on y réfléchisse très sérieusement.
NOUVEAU GOUVERNEMENT
Au détour de ces locales, le chef de l’État a nommé un nouveau Premier ministre et remanié son gouvernement. Mahammed Dionne, qui a pris la place d’Aminata Touré, est le troisième chef du gouvernement de Macky Sall en un peu plus de deux ans de pouvoir. Le gouvernement est composé de 33 ministres auxquels il faut ajouter cinq secrétaires d’État. Il faudra repasser pour la rupture en matière de stabilité gouvernementale et d’attelage resserré.
Le nombre de Premier ministres en moins de 30 mois conforte ma thèse que le poste doit être supprimé. C’est un poste conflictuel et inutile. À la limite, c’est du mimétisme senghorien par rapport à tout ce qui se fait en France. Le Sénégal n’a pas besoin de Premier ministre. Nous sommes dans un régime présidentiel ; le président de la République est élu au suffrage universel. C’est lui, seul, le chef de l’exécutif. Ce qu’on a constaté au cours de ces quatorze dernières années, c’est une forte instabilité primatoriale. Cela est du au faut que dès que vous êtes nommé Premier ministre vous entrez de fait en conflit avec le Président. Ses collaborateurs vous soupçonnent de lorgner son fauteuil. À partir de ce moment les liens de confiance se brisent, il n’y a plus de collaboration et le Président est obligé de changer. Il nous faut savoir tirer les leçons de notre vécu.
D’aucuns trouvent à ce poste un avantage pour le chef de l’État : son titulaire peut servir de fusible lorsque les choses vont mal. N’est-ce pas, de ce point de vue là, politiquement utile ?
Mais ce qu’on a connu ce sont des Premiers ministres fusibles qui font sauter le moteur. Donc, ce n’est pas nécessaire. C’était nécessaire du temps du régime senghorien où il n’y avait pas d’élection démocratique. Cette époque où les Premiers ministres pouvaient durer douze, c’est fini. Même les présidents de la République ne peuvent pas durer douze ans. À ces éléments de conflictualité et d’inutilité s’ajoute qu’avec la limitation du nombre de mandat du président de la République à deux et à la limitation prochaine de la durée du mandat à 5 ans, c’est le chef de l’État qui doit aller au front. C’est lui qui est élu au suffrage universel, c’est lui qui définit la politique de la nation, c’est lui qui doit, par conséquent, l’appliquer. Le jour du bilan, seul lui fait le bilan. Si vous regardez l’histoire du Sénégal, les Premiers ministres ont eu peu de valeur ajoutée à la marche de notre pays.
Avant le limogeage d’Aminata Touré, il aurait été question pour le chef de l’État de supprimer le poste, mais à l’arrivée il a perpétué la tradition. Quel est le point de vue de Macky Sall sur la question ?
Il n’est pas pour la suppression du poste. Ce n’est pas son point de vue. Je le comprends. C’est un ancien Premier ministre. Il estime que le Président a besoin d’être secondé, qu’il ne peut pas être partout, qu’il a besoin d’un coordonnateur de l’action gouvernementale.
Pour une question d’efficacité, ces arguments ne semblent-ils pas recevables ?
Je crois que si le poste est supprimé et qu’’il dispose d’un charismatique directeur de cabinet ou secrétaire général de la présidence de la République, celui-ci peut bien coordonner l’action du gouvernement. Et d’ailleurs avec cette formule on peut réduire la taille du gouvernement à 15 ministres.
Donc vous ne voyez pas d’un bon œil la pléthore de ministres qui composent le gouvernement de Mahammed Dionne ?
Ce bataillon de ministres, je ne crois pas que ça soit efficace. Je crois que 15 puissants ministres avec des secrétaires d’État, ça peut permettre au pays de tenir, d’avancer plus vite.
AVENIR POLITIQUE D’AMINATA TOURÉ
Comment avez-vous accueilli le limogeage de l’ex-Premier ministre Aminata Touré ?
De la manière la plus républicaine possible. Quand le Président la nommait, il n’a demandé la permission à qui que ce soit. Quand un Président veut se séparer de son Premier ministre, il ne demande l’autorisation à qui que ce soit. Maintenant en tant qu’humain, madame Aminata Touré est une amie que j’ai connue sous l’ombre de Macky Sall, quand elle était ministre de la Justice ensuite Premier ministre. On a travaillé ensemble pour que les attentes du pays soient satisfaites. Je l’ai quitté il y a moins de trente minutes, avant de venir ici (dimanche 20 juillet, Ndlr). Je souhaite qu’elle retrouve de l’espace dans la nouvelle alternance. Elle a un rôle à jouer. Maintenant au Sénégal, chaque fois que quelqu’un est limogé, ses partisans déclarent la guerre au Président, ça c’est un manque de culture républicaine. C’est un attentat aux principes de la République. Lorsque le chef de l’État prend une décision la seule question qui vaille est : est-ce légal ? Dès lors que son acte est légal, il n’y a pas à chercher midi à quatorze heures. Il n’y a rien de plus normal qu’un Président limoge un Premier ministre. L’autre leçon qu’on devrait tirer du limogeage d’Aminata Touré, d’autres ministres et, peut-être, plus tard de directeurs généraux, c’est que quand un acteur public prend le pari d’aller soumettre sa légitimité aux populations, s’il est sanctionné par une défaite électorale, il n’a pas à attendre d’être limogé ; il doit lui-même présenter sa démission. C’est une pratique courante dans toutes les démocraties. Quand les électeurs désavouent un acteur politique, celui-ci doit céder sa place à d’autres qui ont une nouvelle légitimité. Sinon si gagner ou perdre une élection signifie la même chose, il ne sert à rien de soumettre sa légitimité aux populations. À partir de là, les élections perdent leur sens parce que fondamentalement une élection est un processus par lequel les populations désignent ceux qui les représentent dans l’espace public, ceux à qui elles confient des responsabilités.
Selon vous pourquoi Mimi Touré n’a pas gagné à Grand-Yoff ? Est-ce que l’adversaire, Khalifa Sall, était trop fort, ou est-ce qu’elle n’a pas été soutenue par son parti ?
Mimi a fait une excellente campagne électorale. Sa défaite peut être imputée à deux éléments. D’abord au niveau de l’Apr, on n’avait pas suffisamment bien préparé les élections locales. Ensuite, Khalifa Sall a mené une campagne de l’ancien code des collectivités locales. Si vous regardez ses affiches, il a fait comme si le maire de Dakar exerce une tutelle sur les communes. Avec le nouveau code, les communes sont de plein exercice, de même dignité que la ville de Dakar. Les Dakarois étant satisfaits du premier mandat du maire Khalifa Sall ont voulu le reconduire. En se présentant ainsi, il a permis à d’anciens maires qui n’avaient pas de bilan d’être réélus. Ma crainte c’est que cela soit un quiproquo, qu’il y ait beaucoup de déceptions. Khalifa Sall sera le maire de Dakar, il ne sera pas le maire des communes.
Aminata Touré est restée évasive quant à son avenir au sein de l’Apr. Elle a déclaré, après la passation de service avec son successeur à la Primature, qu'elle allait réfléchir à la question. N’est-ce pas la preuve qu’elle prépare son départ de votre parti ?
Elle est libre de rester à l’Apr tout comme elle est libre de partir. Ce que je lui conseille, si c’est possible, c’est de rester à l’Apr parce que l’Apr ne lui a fait rien de mal. Le sort qui est le sien aujourd’hui entre dans le cadre de la République du Sénégal. Son meilleur avenir se trouve dans l’Apr. Contrairement aux autres Premiers ministres, je ne pense pas qu’elle puisse utiliser l’instrument de la victimisation des sortants. Je souhaite qu’elle reste dans le parti pour apporter son expérience et son expertise dans la perspective de la création d’un véritable parti politique, ce que nous ne sommes pas encore.
Macky Sall ayant indiqué que les locales constituent des primaires en vue de la structuration de son parti, la redistribution des cartes qui s’annonce devrait être fonction des résultats des locales. Quel sort devrait être, le cas échéant, réservé à des figures emblématiques de l’Apr comme Alioune Badara Cissé, Aminata Touré, Mbaye Ndiaye, Moustapha Cissé Lô, tous battus aux locales ?
Les élections locales nous ont permis de connaître notre personnel politique. Maintenant dans chaque collectivité locale nous pouvons identifier ceux qui sont au niveau de l’Apr, c’est le premier aspect. Ensuite avec les élections locales nous disposons d’un puissant relais municipal. Ces deux éléments combinés peuvent nous permettre de structurer le parti sans beaucoup de dégâts. Maintenant on a deux options : faire de l’Apr un parti uniforme ou en faire un parti-alliance. Ma préférence est que l’Apr soit un parti-alliance. Qui rassemble des hommes et des femmes, des mouvements et des partis politiques, mais qui acceptent tous les leadership du Président Macky Sall. Ceux qui ont gagné les locales doivent assumer le leadership, mais il faut faire de la place aux vaincus. Le fait de bénéficier de la confiance du chef de l’État est une bonne chose, mais le meilleur référentiel en politique, ce sont les populations. Les nouvelles légitimités ce sont les légitimités sorties des urnes. Les anciennes légitimités ce sont celles conférées par un compagnonnage avec Macky Sall. De mon point de vue, ces figures emblématiques dont vous parlez ont du mérite. Le parti a besoin de ces figures emblématiques. Il est prématuré de les envoyer au garage. Mais ils doivent comprendre que ceux qui ont été élus par les populations ont une légitimité beaucoup plus étendue.
RÉFORMES INSTITUTIONNELLES
Les élections locales ont été l’occasion pour beaucoup d’observateurs de fustiger la floraison des listes (plus de 2700) et le mode d’élection des maires, qui risque de biaiser le choix des populations. Votre réaction ?
Ces élections locales ont révélé des insuffisances de la démocratie sénégalaise. D’abord, les listes. Plus de 2700 listes, c’est inadmissible. Au sortir de ces élections, des réformes en profondeur devront être faites. Mon souhaite c’est que la classe politique, la société civile et les acteurs publiques doivent se mettre autour d’une table pour questionner notre système politique et essayer d’apporter les correctifs. Pour ce qui st du dépôt des listes, il nous faut, de mon point de vue, introduire deux conditions supplémentaires : une conditions citoyenne, c’est-à-dire le parrainage des listes par un certains nombre d’électeurs, et une condition financière pour que les coûts des élections soient en partie supportés par les listes. L’autre innovation doit porter sur les mandataires. Ils ont commis des dégâts monstrueux pendant ces élections. On vous donne des listes, vous rentrer dans la sous-préfecture pour tripatouiller tout. Vous mettez des gens qui vous sont favorables pour être élu en cas de victoire. C’est inadmissible. A ce niveau des réformes doivent être faites. L’autre réforme qui me semble essentielle, c’est que les électeurs qui se déplacent pour aller voter pour les locales doivent savoir, de mon point de vue, pour qui ils votent. Pour la ville, ils doivent savoir pour quel maire et pour le département, pour quel président. Voilà des pistes de réflexion que j’indique. Mais les réformes doivent se faire dans un processus participatif et inclusif.
Le Président avait renvoyé à la fin des élections locales le dossier de la réforme des institutions dont le principal point est la réduction de son mandat de sept à cinq ans. Pensez-vous que Macky Sall tiendra parole ?
Le Président Macky Sall doit respecter son engagement. C’est lui-même qui s’est engagé. Je suis d’accord avec lui pour la bonne et simple raison qu’il est bon de savoir, dès qu’on devient Président, à quel moment on ne sera plus Président. C’es important parce que cela va nous permettre de nous déshabituer du pouvoir. C’est la première chose. Ç a permet aussi des alternances plus rapide, ce qui est provoque une oxygénation de la démocratie sénégalaise. Je suis militant de la réduction du mandat à cinq ans, je suis militant de la limitation des mandats à deux. Cela, il faut l’incruster dans le marbre constitutionnel. Le débat porte sur la voie à suivre pour parvenir à la réduction du mandat. En tous les cas, elle ne saurait être une voie parlementaire. À ce sujet, la constitution est claire : l’Assemblée nationale n’est pas compétente pour modifier la durée du mandat et le nombre de mandats. Je crois que Macky Sall ne reviendra pas sur sa décision de réduire son mandat. Il n’aime même pas que dans son parti que les gens soulèvent cette question.
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