OU QUAND L’ECRITURE VOUS TOMBE DESSUS…
EL HADJI SAMBA KHARY CISSE, AUTEUR DE « FIDELITE TRIBALE »
Devenu physicien par défi dans une famille de « littéraires », El Hadji Samba Khary Cissé, qui vit en France depuis près d’une trentaine d’années, dit de l’écriture qu’elle lui est «tombée dessus ». Au mois de mars dernier, c’est aux éditions Les Impliqués qu’il publiait son 3ème ouvrage : «Fidélité tribale », un essai de 200 pages, récit de sa rencontre avec la France où il se retrouvera dans la peau d’un Autre. Grand lecteur de textes philosophiques et religieux, il parle de lui comme d’un «lieu de foisonnement». L’auteur, qui profite en ce moment de son séjour au Sénégal, ne cache pas qu’il a déjà un projet en tête : un film qui partirait des attentats de Charlie Hebdo.
A l’école primaire déjà, El Hadj Samba Khary Cissé connaissait quelques-uns des plus grands philosophes de ce monde. Seulement «de nom» : car à l’époque, comme il dit, il ignorait tout de ce que ces messieurs et dames pouvaient bien raconter. Voilà ce qui arrive parfois quand on est entouré de véritables rats de bibliothèque. A la maison, on lit énormément, et c’est en farfouillant dans les livres de ses frères aînés qu’il finira par attraper le virus : la lecture, oui, sans aucun doute, mais écrire, pour de vrai, il n’y avait jamais vraiment songé, se contentant de laisser les choses «en sourdine». La vie, pour ne pas dire le destin, ne lui en laissera pas vraiment le choix, et lorsqu’il se décide enfin à prendre sa plume, nous sommes en 2007. El Hadj Samba Khary Cissé vient de perdre son frère, lui-même écrivain, et il explique que ce décès l’a «peut-être bousculé».
Aujourd’hui, même si le physicien qu’il est ne se sent pas vraiment écrivain, c’est bien son nom que l’on trouve dans certains rayons de certaines librairies. El Hadj Samba Khary Cissé en est à son 3ème ouvrage : un essai d’un peu plus de 200 pages publié cette année chez Les Impliqués et intitulé «Fidélité tribale». Ce serait presque l’histoire d’une vie. «Lougatois» d’origine installé en France depuis 1987, il y a donc près d’une trentaine d’années, l’auteur, qui profite en ce moment de son séjour au Sénégal, parle de son voyage au pays de Marianne comme d’une véritable aventure humaine. Car avant comme il dit, certaines questions existentielles lui paraissaient plus ou moins lointaines : l’identité, l’appartenance confessionnelle ou à une époque, la couleur de peau etc. «Quand j’étais au Sénégal, se souvient-il, j’étais entouré de Noirs ; la question de la couleur ne se posait donc pas. Idem pour la religion, parce que j’étais toujours entouré de musulmans. Je ne m’en faisais pas non plus pour la question de l’appartenance à un pays. J’étais chez moi.»
«Une situation assez bâtarde»
En France, ce sera le choc : lui qui ne s’était jamais mis dans la peau de ces «5% de chrétiens qui vivent au Sénégal», finira par se retrouver presqu’aussi «minoritaire» qu’eux. C’est à ce sujet que l’auteur parle d’ailleurs de ses «errances assumées» : des certitudes plus ou moins ébranlées, un héritage que l’on «relativise» quasiment, «une situation assez bâtarde» en somme. Comme Samba Diallo, intemporel héros de Cheikh Hamidou Kane, El Hadj Samba Khary Cissé aura droit à son bout d’ «aventure ambiguë».
Il n’en fera pourtant pas un drame : «Je me suis retrouvé dans cette situation d’errance que j’ai quand même réussi à accepter comme une situation de fait, au lieu d’en faire tout un problème. C’est sans doute à ce moment-là que je me suis rendu compte que l’hybridité, c’était une opportunité.»
Au début, ce n’est pas si simple que cela : il y a cette sorte de mauvaise conscience qui vous tracasse, vous chamboule et vous écartèle. Parfois, vous avez même la sensation de n’être qu’un traître. El Hadj Samba Khary Cissé lui-même est passé par ces états d’âme : «Au début, raconte-t-il, j’avais comme l’impression de trahir une partie de moi-même, parce que j’avais un legs et que je me disais que je devais le garder de cette façon…comme une fortune ou comme une rente. » Ensuite, il changera d’avis : entre le refus de l’enfermement et l’ouverture aux autres, l’auteur choisira de franchir la barrière. Les frontières, il les enjambe allègrement, lui qui dit que « la fidélité à une appartenance » n’a rien de «figé».
Aujourd’hui, ce serait presque une mosaïque culturelle à lui tout seul, mais il se sent plutôt à l’aise avec chacune de ses appartenances ou de ses «identités conjoncturelles» : « lougatois», sénégalais, nancéen, musulman, humain…Et lorsqu’il fait le calcul, il refuse de n’en faire qu’une banale question de «somme arithmétique» : «C’est bien plus complexe que cela.»