PERFORMER
Il y a un frémissement qui autorise l’optimisme des Sénégalais au regard de ses horizons possibles, malgré l’ampleur des défis auxquels le pays fait face. Cela dépasse le clivage entre optimistes et pessimistes ; c’est devenu une sorte de Code moral implicitement noué entre concitoyens. Il faut s’autoriser tous les progrès possibles.
Il faut travailler. Il faut réformer. D’ici quelques années, si cette tendance, notée depuis la fin des années Wade et le déroulement de la deuxième alternance, se poursuit, la quantité de la richesse ne devrait, par exemple, plus prévaloir au détriment de la voie empruntée pour la constituer. Du moins, c’est la société idéale où la vertu est au cœur des pulsations.
C’est la base idéologique de «l’émergence» qui fait florès un peu partout à travers le monde et qu’appliquent avec plus ou moins de bonheur de nouveaux dirigeants.
Quand un homme d’Etat renonce à deux années de possibilité d’exercice du pouvoir à son niveau le plus élevé, comme l’a décidé le président Macky Sall, demandons-nous quand même les causes profondes de cet acte inédit dans le monde.
Senghor avait cédé deux ans de son pouvoir à son successeur Abdou Diouf pour préparer la légitimation électorale de 1983 ; Macky Sall lui renonce à deux ans pour désacraliser les enjeux autour de ce fauteuil, étant entendu que le peuple souverain décide.
Cet «audit moral» que tous les acteurs veulent placer en permanence au cœur de l’action politique et de l’activité économique, c’est le retour à des choses basiques, que l’on avait tendance à oublier, mais qui, finalement, sont le B-a Ba de toutes les associations humaines qui entendent grandir : la volonté de faire mieux que les générations précédentes ; de récompenser l’effort et de combattre les impunités ; croire à la possibilité d’une vie meilleure ; bref, que les larmes des pauvres ne servent plus à lubrifier le couscous des riches, ainsi que le dit le proverbe wolof, pour sublimer l’exigence de solidarité.
C’est tellement vrai que les attaques de l’opposition menée par son vieux chef, Me Abdoulaye Wade, sont systématiquement thématisées autour de l’argent et de son accaparement.
Actes et paroles manqués pour désigner le pot de confiture. Fait-divers de la semaine écoulée. Nous disions donc qu’avant de partager, il faut produire. Et tout le combat sera de savoir comment répartir la richesse.
Ce sera alors le retour à la « vraie » politique. Débats d’école. Retour sur terre et aux nécessaires efforts des uns et des autres (le travail et la recherche de la performance) pour asseoir le progrès.
Au Sénégal, les demandes démocratiques, sédimentées par l’expérience électorale, sont constantes (réforme des institutions) mais toujours satisfaites (libertés, respect du suffrage universel, Etat de droit). D’où les deux alternances au sommet du pouvoir réussies et l’ininterruption du processus démocratique depuis son lancement.
Ces exigences politiques ont été supplantées par d’incompressibles demandes économiques. Auparavant, on cherchait la liberté et le pouvoir de désigner librement les dirigeants ; maintenant, c’est du travail, de la nourriture et un habitat sains, l’accès aux services sociaux de base, des infrastructures de qualité et en quantité que les Sénégalais demandent.
Le propre de la demande économique, à la différence de celle politique, est qu’elle offre plus de marge de manœuvre au citoyen. L’Etat assure le cadre global d’expression d’une vision ; le gouvernement l’exécute et la belle mécanique des institutions s’exprime.
Tableau idyllique voire naïf certes, mais de plus en plus, l’implication individuelle sera déterminante. Avoir le sentiment que l’on peut disposer de mieux, en toute raison.
«Le chemin, c’est le premier pas» conseille Jacques Chirac dans ses «Mémoires». C’est ce premier pas qu’a fait Macky Sall en inaugurant jeudi dernier le Centre international de Conférence de Diamniadio, pensé et réalisé sous sa présidence, des fondations en béton au ruban tricolore de la cérémonie de baptême, en moins de deux ans, dans les délais. Tout porte à croire qu’il en sera ainsi jusqu’en 2017.