RETOUR DE BÂTON
Les propos de Wade contre Macky Sall condamnés jusque dans son propre camp
Abdoulaye Wade a semé un vent de propos malveillants contre Macky Sall, il a récolté une tempête de critiques virulentes. Et ce ne sont pas que les partisans du chef de l’État qui ont répliqué à son prédécesseur ; même dans son propre camp les condamnations ont fusé.
"Wade au bûcher" (Le Quotidien). "Tirs groupés sur Wade" (L’AS). "Abjects et gravissimes" (Sud Quotidien). "Concert de réprobations" (Enquête). "Riposte séquentielle" (Grand-Place)… Ce jeudi, l’essentiel de la presse quotidienne a consacré sa Une aux condamnations des propos tenus par Abdoulaye Wade contre Macky Sall.
Pour avoir traité son successeur d’anthropophage et d’esclave, l’ancien chef de l’État a essuyé les critiques, plus ou moins virulentes, d’éditorialistes, de membres de la Majorité, de guides religieux, d’organisations de la société civile… Mais le plus remarquable, c’est que le pape du Sopi a été renvoyé dans les cordes même par certains de ses partisans. Et pas des moins illustres.
Porte-parole du Pds, Babacar Gaye, dans L’AS, lui a adressé une correspondance pour dire son désaccord : "Frère secrétaire général national, par devoir et par conviction, je suis dans l’obligation morale de vous exprimer mes vifs sentiments de désapprobation à la suite de vos propos à l’endroit du président de la République. Je sais que vous avez été trahi, aujourd’hui sali, vilipendé et meurtri. Cependant, ni votre parcours, ni votre statut actuel ne vous soustraient du rôle de patriarche qui est le vôtre."
Si Babacar Gaye dit comprendre "la légitime amertume" de Wade, il estime que "l’adversité politique et la surdité dont fait montre le pouvoir d’en face à propos de (ses) appels incessants et sincères pour un dialogue politique fécond, ne sauraient justifier un tel discours".
Ancien ministre et directeur de cabinet de Wade, réputé sévère avec le pouvoir de Macky Sall, Habib Sy n’a pas pour autant cautionné les propos de son "maître à penser". "Pour la première fois publiquement, je désapprouve des propos qu’il a tenus, déclare l’ancien maire de Dahra, cité par L’AS. Quand bien même on comprend la situation dans laquelle il se trouve et que nous partageons, cela ne saurait justifier des propos infamants à l’endroit du Président Macky Sall."
Et pour Habib Sy, l’affaire risque de coûter cher à son camp : "Cela ne profite ni à Karim ni au Pds ; au contraire, cela va créer un élan de sympathie pour Macky Sall. Cette fois-ci, le Président Wade a mal communiqué."
Souleymane Ndéné Ndiaye n’a pas été en reste. Interrogé hier par la Rfm, l’ancien Premier ministre a exprimé ses regrets tout en dénonçant, plus largement, "les propos injurieux venant du milieu politique".
Pape Samba Mboup a été plus dans la nuance. S’il juge "regrettable" la sortie de Wade, il invite à la compréhension en lieu et place de la condamnation. Interrogé par Le Quotidien, il dit : "N’oubliez pas qu’Abdoulaye Wade a enduré beaucoup de souffrances, de frustrations. On l’a traité de voleur de tableaux, on l’a accusé de détournement de deniers publics. On a mis son fils en prison sans jamais apporter les preuves de ce qu’on lui reproche. Toutes ces choses font qu’il fait son fippu (rébellion, en wolof) comme il l’a déclaré."
Rare voix discordante, celle de Farba Senghor. Dans ce concert de désapprobations, le chargé de la propagande au Pds s’est distingué, toujours dans Le Quotidien, en se gardant de jouer sur le même tempo que les autres. Sans la condamner, il considère la sortie de Wade comme "une alerte maximale qui interpelle tous les Sénégalais, notamment les chefs religieux, les proches de Macky Sall. Cela préfigure d’une situation explosive qui concerne tout le monde".
Aux yeux de Farba Senghor, "si on ne fait pas attention, on va vers une catastrophe". Dès lors, recommande-t-il, "les théoriciens de la paix, de la stabilité politique n’ont qu’à raisonner Macky Sall parce que Wade dispose d’une puissance de combat incomparable, qui est la mobilisation du peuple".
Du côté des organisations de la société civile, la condamnation a été sans appel. Dans un communiqué, la Ligue sénégalaise des droits humains (Lsdh) dénonce : "S’il est permis de comprendre les frustrations et ressentiments d’un père dans le contexte de poursuites judiciaires entachées de suspicions ou de violations avérées des droits de la défense, aucune cause ne saurait cependant justifier les propos rapportés relevant de la négation des valeurs d’humanisme inaliénables inhérentes à tout être humain qui heurtent la morale et les limites de la critique admissible en démocratie."
Par le même biais (communiqué), la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho) embouche la même trompette : "En dépit des clivages qui pourraient exister entre les adversaires de l’arène politique, rien ne saurait justifier de tels propos calomnieux qui sont de nature à porter atteinte à la dignité humaine et à jeter le discrédit sur les institutions de la République. Ces attaques sont contraires aux valeurs culturelles, religieuses et aux règles de bienséance de la société sénégalaise d’une part, et à tous les instruments juridiques nationaux, régionaux et internationaux garantissant le respect de la dignité humaine d'autre part."
À cette pluie de critiques, il faut ajouter la réplique des membres de la Majorité. Les uns estimant que "la place de Wade, c’est l’asile", les autres suggérant qu’il soit traduit en justice. Un véritable retour de bâton pour l’ancien chef de l’État, qui semble de plus en plus isolé dans son combat pour la libération de Karim Wade dont le verdict du procès est fixé au 23 mars prochain.
Pendant ce temps, publiquement, Macky Sall garde toujours le silence face aux attaques du pape du Sopi.