RETROUVAILLES WADE-MACKY
Ainsi donc, Abdoulaye Wade et Macky Sall ont décidé de se retrouver aux fins de reconstituer la famille libérale. Qu’à cela ne tienne, si cette retrouvaille est sincère et peut permettre de clarifier les rapports dans la classe politique.
Etablir la typologie idéologique des partis politiques sénégalais reviendrait tout simplement à chercher une aiguille dans une botte de foin. Analyser les jeux d’alliance dans le landerneau est aussi «simple», que chercher midi à quatorze heures. Une vraie quadrature du cercle.
Alors, avoir d’un côté les libéraux dans leur diversité, de l’autre, les partis de gauche et au milieu les centristes, donnerait à cette géographie une plus grande lisibilité. Certes ! Même si la météo (politique) dans son instabilité consubstantielle à sa nature pourrait de temps à autre, brouiller les esprits et les faire douter les uns et les autres sur une possible cohérence dans notre paysage politique.
On peut quand même comprendre que la clarification idéologique ne soit pas une des premières préoccupations des Sénégalais, en proie au doute et à la désespérance. C’est pourquoi au reste, les retrouvailles Macky-Abdoulaye ne peuvent pas être crédibles aux yeux de nos concitoyens, qui n’ont que peu de soucis pour la cohérence idéologique des 250 labels politiques en scène. Il faudra chercher ailleurs les raisons profondes qui amènent deux hommes que tout sépare à vouloir se rabibocher, au moment le plus chargé et le plus délicat.
La traque des biens mal acquis touche les grands pontes du PDS à l’image du procès Karim Wade en démêlée avec la CREI. Les graves accusations qui pèsent sur lui autant sur Oumar Sarr, Madické Niang, Samuel Sarr, Ousmane Ngom constitue autant de menaces graves sur le parti libéral. Et on voit mal comment un remariage entre l’APR et le PDS, pourrait faire l’économie d’une tension. A moins que, tordant la main de la justice, le Président joue les lessiveuses, en blanchissant Karim et disculpant les autres.
Une telle perspective ne serait ni plus ni moins qu’un coup de poignard à notre démocratie et à l’éthique politique. Il se trouve que pour le PDS aucune retrouvaille ne pourra et ne devra faire l’économie d’un abandon de ces poursuites. Idrissa Seck avait exigé et obtenu un non-lieu de Wade, pour se refaire une nouvelle santé politique.
Macky pourra faire une telle concession en piétinant les digues éthiques qui fondent son régime. Mais au rythme où se déroulent les dérives du pouvoir, on peut bien croire que le Président ne s’embarrasserait pas d’une telle libéralité. Tout simplement parce que nécessité faisant, loi, il compte au moins «neutraliser» le PDS, pour assurer sa réélection en 2017, après le référendum de 2016. Quid de Benno Bokk Yakaar ? Il n’en a cure, car ce regroupement de petits partis dont certains d’envergure nanométrique, ne lui garantit rien de sûr en 2017.
Autant dire que pour Macky, la préoccupation qui vaille, c’est sa reconduction en 2017. Et pour Wade, c’est libérer son fils et accessoirement sauver ce qui restera du PDS, quand le gros de la troupe ira brouter aux prairies marron. Quand de tels intérêts existentiels se rencontrent, le prix à payer pour assouvir cette soif d’exister et de vivre, n’est jamais assez élevé. Fût-ce au détriment de l’éthique et des valeurs ! Quitte à violer le choix des Sénégalais, qui voulaient à tout prix, tourner la page des Wade et Compagnie, soulagés de sortir de douze années d’épreuve.
Le reniement n’est pas considéré comme un péché en politique. C’est à croire que le mantra de Wade, «les promesses politique n’engagent que ceux y croient», fait aussi de Macky, un «homme de nuances», autant son mentor. Les marabouts et entrepreneurs qui tentent de re-tricoter ces relations en dépit des valeurs devront un jour nous expliquer aussi leurs motivations profondes.