TOUT A DÉBUTÉ QUAND IL A COMMENCÉ A INTÉRESSER AUX FEMMES…
LA TRISTE FIN DE YAADIKOONE NDIAYE
Dans la vie, tout a une fin. Bien que quasi invincible, le natif de Keur Gondé Dièye, Babacar Ndiaye dit Yaadikoone, fils de Coumba Diop et de Makha Ndiaye, celui-là même qui en a fait voir de toutes les couleurs la police coloniale, n’est pas immortel. Sa déchéance a été entamée le jour où il a commencé à s’intéresser aux femmes. L’histoire de ces derniers jours et les circonstances dans lesquelles il est mort, racontée par son ami, est une des plus tristes.
Babacar Ndiaye dit Yaadikoone, qui recommandait à son ami Pape Mor Mbinda Fall de manger beaucoup de viande et d’éviter les femmes pour conserver sa force, n’a pas suivi son propre conseil. Beaucoup, d’ailleurs, disaient que Yaadi n’avait ni femmes ni enfants. Ce qui est loin de la vérité. Pape Mor Mbinda Fall, son ami avec qui il partageait tout, nous a fait savoir que Yaadi a eu dans sa vie trois femmes et un seul enfant né hors mariage, mais, qui, malheureusement, n’a pas survécu.
Début du déclin de Yaadikoone
«Yaadi m’a dit un jour qu’il allait prendre femme et c’est depuis qu’il s’est marié qu’il a commencé à perdre ses pouvoirs. En ce temps-là, il avait tout laissé tomber. Il s’était reconverti, il était devenu une autre personne, loin du Yaadikoone qu’on connaissait. Il s’occupait de son champ à Campement Nguékhoh et avait même embauché un jeune garçon du nom de Déthié qui l’aidait dans sa tâche. Yaadi avait planté dans son champ 134 arbres, manguiers et orangers. Ce sont eux deux qui cultivaient tout le champ. En même temps qu’il s’occupait de son lopin de terre, il enseignait aux enfants le Coran et aidait, grâce à ses pouvoirs mystiques, toutes personnes qui venaient le solliciter. Les gens venaient de partout pour demander ses services. Parmi ces gens, il y avait de hautes personnalités et la plupart d’entre eux se cachaient pour venir retrouver Yaadi la nuit, quand tout est calme et le jour ils font comme s’ils ne le connaissaient pas», renseigne le vieux Mor Fall.
Toutefois, continuant avec beaucoup d’émotion son récit, il affirme que «Yaadi a eu à se marier trois fois. Il a eu sa deuxième quand il a divorcé de sa première et sa troisième quand il a divorcé de sa deuxième. La première se nommait Ndèye Fall, la deuxième Maïmouna qui s’est remariée d’ailleurs après avec Mbaye Foré, un ami qui se disait intime à Yaadi. Et j’ai même eu une prise de gueule avec lui pour ça. La troisième, quant à elle, se nommait Codou, une parente à lui, qui, actuellement, vit à Saly, à Mbour».
À en croire son lieutenant, depuis qu’il a pris femme, Yaadi tombait souvent malade et personne ne savait ce dont il souffrait. «Yaadi fut hospitalisé plusieurs fois, mais le médecin qui le suivait disait qu’il n’a rien vu d’anormal. Je lui ai alors demandé de se soigner avec le Coran et c’est ce qu’il a fait. Il a commencé à se sentir mieux», atteste son ami.
Les 4 mois qui ont précédé sa mort
Par ailleurs, il faudra dire que malgré sa maladie récurrente, Pape Mor Fall ne s’est jamais mis dans la tête qu’il allait bientôt se séparer définitivement de son ami. Et c’est avec les larmes aux yeux que Pape Mor Fall revient sur les mois qui ont précédé la mort de son compagnon. «Les 4 mois qui ont précédé sa mort, Yaadi me parlait tout le temps de ce jour fatidique. Mais je n’avais rien compris. Il me parlait tout le temps du jour du vendredi après la prière de 14 heures. Je n’ai jamais eu l’intelligence de lui demander pourquoi le vendredi ? Pourquoi après la prière de 14 heures ? J’aurai dû lui demander ce qui allait se passer…», regrette le vieil homme qui n’a pas pu continuer sa narration du fait des larmes qui lui coulaient de ses yeux avec le souvenir des moments passés avec son ami.
Après quelques minutes de sanglots, Pape Mor Fall, d’une voix tremblante d’émotion de reprendre son récit : «Je n’ai jamais eu cette curiosité. C’est seulement le jour où on l’enterrait que je me suis souvenu des paroles qu’il me répétait tout le temps et auxquelles je n’avais pas accordé l’importance qu’il fallait. Il disait tout le temps : ‘‘Djinné’, les gens sont en train d’aller à la mosquée pour la prière de 14 heures. Ah, vendredi’’. Pendant quatre longs mois, il me répétait les mêmes paroles».
Les circonstances de la mort de Yaadi
Cependant, il faudra souligner que bien malade, Yaadi n’en était pas mort. «Yaadi était malade, mais il n’est pas mort de sa maladie. Il est mort à l’âge de 66 ans, le jeudi 9 février 1984. Il marchait tranquillement à Dakar et puis, subitement, il est tombé par terre, raide mort», renseigne le septuagénaire qui ajoute qu’il était surpris quand on lui a annoncé que Yaadi est décédé.
«Le jeudi où Yaadi est décédé, cela m’a surpris. Il n’est jamais allé à Dakar sans pour autant passer me voir à Boukhou.Mais, ce jour-là, il n’est pas passé me voir. Auparavant, cela n’était jamais arrivé. J’étais au courant de tous ses déplacements. Mais ce jour-là, il ne m’a pas avisé. C’est un ami chauffeur qui est venu me voir à Boukhou et qui m’a dit que mon ami Yaadi est mort. Je n’en croyais pas un mot. J’ai dit que c’était impossible, tellement la nouvelle m’a surpris. J’étais anéanti», confie Mor Mbinda Fall. Toutefois, le jour de son enterrement, une dispute entre mourides et khadres éclata. Les mourides et les khadres ont failli se battre parce que chacun voulait diriger la prière mortuaire. Les uns disaient qu’il était mouride et les autres disaient qu’il était khadre, ce qui occasionna une dispute. «Au moment où la dispute a éclaté, je n’étais pas encore arrivé. C’est un certain Doudou Falla ‘Madiodié’ qui les a ramenés à la raison en leur disant que Yaadikoone était mouride et qu’il avait le même marabout. Quand je suis arrivé, j’ai confirmé ce que Doudou Falla avait dit et je leur ai fait comprendre que c’est Serigne Saliou Mbacké qui était le marabout de Yaadi. Le problème résolu, nous l’avons prié en paix. C’était le vendredi 10 février 1984, après la prière de 14 heures ou ‘Jumma’», se souvient le lieutenant de Yaadikoone, celui-là même qui a hérité de son pouvoir mystique, Pape Mor Fall, fils de Seynabou Niang et de Ibra Fall. Voilà que prend fin la fabuleuse et singulière histoire de Yaadikoone Ndiaye.