TOUT ÇA POUR ÇA ?
Après tant de communications (et de façon étagée) des caciques du pouvoir, des membres du gouvernement, du Pm et du chef de l’Etat ! Après toutes ces sorties au vitriol contre le meeting du Pds et de ses alliés, la guerre du 21 novembre aura bel et bien lieu sur les Allées du Centenaire.
Tout ça, pour ça serait-on tenté de pester, car éteindre des libertés dans ce pays, «vitrine de la démocratie en Afrique de l’Ouest» ferait totalement désordre.
Aucun prétexte fut-il sécuritaire n’est plus légitime que la garantie des libertés constitutionnelles. L’Etat n’a qu’à se donner les moyens de sa politique sécuritaire au lieu de se refugier dans cette crise sécuritaire notée dans la sous-région pour nier des droits.
Pourquoi le régime a-t-il pensé pouvoir suspendre une liberté constitutionnelle pour faire plaisir à la France et au Canada ? Le premier qui ne nous précipite pas hors de la dépendance économique nous impose de célébrer sa langue tous les jours.
Le second, rappelons-nous le bien, ne s’est point gêné de faire passer notre deuxième Président, M. Abdou Diouf, lors d’une visite de ce dernier au Canada en sa qualité de Secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie, à une fouille corporelle pour prévenir tout risque d’attentat.
Rappelons-nous le bien ! Après avoir pris acte par le biais de son ministre des Affaires étrangères à l’époque, Dr Cheikh Tidiane Gadio, l’Etat du Sénégal, malgré cet affront, caressait jusqu’avant-hier l’idée de suspendre une liberté garantie par notre Constitution pour dérouler le tapis rouge au chef du gouvernement du Canada à l’occasion de ce 15ème Sommet de la Francophonie...
L’hospitalité démesurée voire le complexe d’infériorité est notre réaction diplomatique au mépris canadien. (Le Canada prendra surement acte). Pensons-nous que les Français se gêneraient d’organiser une manifestation pour la seule raison que le Président Macky Sall est l’hôte de l’Elysée ?
Imaginez- vous un seul instant l’Ump surseoir à un meeting prévu à la place Trocadéro parce que les chefs d’Etat africains devraient participer à un sommet quelconque à Paris?
L’autre fait à retenir lors de cette levée de boucliers contre le meeting des Libéraux a été l’arrogance des tenants du pouvoir allant jusqu’à proposer une période de manifestations à l’opposition significative, aujourd’hui incarnée par le Pds. Pourquoi le pouvoir a-t- il pensé devoir choisir une date de meeting à son opposition ?
Au nom de quoi, une opposition choisirait une date de meeting qui satisferait le régime en place ? Où l’a-t-on vu ? Imaginez-vous le Président François Hollande s’immiscer dans l’agenda politique de l’Ump ? Aucun rendez-vous gai ne peut justifier cette arrogance.
Un mot sur la Francophonie...
A analyser de plus près ce débat sur l’opportunité de fêter la Francophonie au Sénégal, c’est la France qui existe car c’est elle qui réfléchit. Il n’y a meilleure manière de se disculper d’un crime que d’amener la victime à nier les faits reprochés à son bourreau. Voilà la prouesse que le pays de Marianne a eu le génie de réussir.
Tuer à coup d’un concept nos langues locales et nous faire porter la dis- sémination de sa propre langue. Créer un tel engouement à sa direction au point d’installer un malaise latent au plus haut sommet des gouvernements africains. Le poste de Secrétaire général de l’Oif laissé vacant, que de profils se bousculent depuis... jusqu’à Dakar.
De son ancien Secrétaire général et premier président de la République du Sénégal, l’on retient principalement un poète au français plus raffiné que celui des Français de la France. Rien de plus !
Je pense avoir lu quelque part que le choix du français comme langue officielle du Sénégal serait soutenu par un souci de préserver la cohésion nationale car prendre par exemple le wolof aurait mené le pays dans des conflits ethniques alors perceptibles... Faudrait-il en rire ou en pleurer ?
La Grande Bretagne promeut son anglais britannique à travers son Commonwealth. Le pays de l’Oncle Sam, cet autre impérialiste linguistique, use de son Soft power à travers son industrie cinématographique, son Hip Hop et les performances de ses sportifs, pour accroître ses suprématies linguistique et culturelle.
Sans procédé festif ridiculisant ! La France veut quant à elle ridiculiser ses anciennes colo- nies et se gausse d’avoir réussi à nous faire porter un concept voire un combat qui n’est pas le nôtre. Le non-français devrait tout au plus se réjouir d’une initiative de la France de vouloir contrecarrer l’américanisation des peuples du monde et de vouloir par ricochet augmenter le nombre de ses locuteurs.
Rien de plus ! Les Sénégalais parlent bien le français, ce qui est déjà pas mal et c’est largement suffisamment comme preuve de notre aliénation linguistique ... Il n’appartient pas à un peuple de fêter la langue d’autrui.
Que cherche notre leadership politique en voulant vaille que vaille porter le combat de François Hollande et du peuple français ? En réalité, le pouvoir politique sénégalais use et abuse de notre hospitalité légendaire avant même que l’indépendance nous ait été offerte.
Loin de moi, l’idée de développer une certaine francophobie. Mais si notre élite s’entête à mener le combat de l’apologie du français à travers la Francophonie, qui se chargera de défendre les nôtres ? Où commence une charité bien ordonnée ?
On ne se rend pas compte qu’une manifestation pacifique doit être autorisée a priori. On ne se rend pas compte que la ville de Soweto fut rendue célèbre par une manifestation pacifique réprimée. Ce fameux mercredi 16 juin 1976, lorsque ses enfants âgés de moins de quinze ans réclamaient, à travers les rues de Soweto, l’adoption de leurs langues locales dans le système éducatif.
Un massacre s’ensuivit et fait rapidement plus d’une vingtaine de morts dont le premier, Hector Pieterson, ce gamin de 12 ans dont l’image qui le montrait en train d’être transporté par un autre camarade de classe alors qu’il fut mortellement atteint par balles reste encore dans les mémoires. On ne se rend pas compte ! On ne se rend pas aussi compte que la langue véhicule la culture.
En ma qualité de profes- seur d’anglais, je connais assez parfaitement les cultures anglaise et américaine sans jamais y mettre les pieds. Quand vous apprenez une langue, vous assimilez en même temps sa culture dont vous n’êtes point obligé d’être un défenseur.
Il nous faut éviter de sombrer dans le piège de l’autodestruction culturelle : trop de fierté à la lan- gue d’autrui et trop peu de considération à sa propre langue. Tendez l’oreille...
Le prix de la démocratie ne se paie pas une seule fois. Il serait trop abordable. Le prix de la démocratie se paie au quotidien. Dans un pays démocratique, il va sans dire que tout régime passera à la caisse. Tous les jours.
Babacar Justin Ndiaye a dit juste : «Quand on choisit la démocratie, on accepte tous les emmerdements qui vont avec».