UN GÉOPARC POUR LUTTER CONTRE L’ÉROSION MARINE
PETITE COTE
La Petite côte, une section du littoral sénégalais située au sud de Dakar, entre la presqu’île du Cap-Vert et le Sine-Saloum, vient d’être érigée comme premier site géoparc de l’Afrique francophone, un concept développé, depuis peu, par des scientifiques qui considèrent la terre comme un patrimoine à préserver pour les générations futures. Ce site fait actuellement face, entre autres difficultés, à l’érosion marine qui a fini d’y prendre des proportions inquiétantes.
C’est un secret de polichinelle de souligner que la Petite côte sénégalaise fait partie de ces endroits féériques que renferme le Sénégal. Connue pour la douceur de son climat, son paysage pittoresque composé de rôneraies mais aussi ses falaises rouges et ses larges plages de sable fin, la Petite côte a été retenue par la communauté scientifique d’Afrique et du Moyen-Orient comme premier géoparc en Afrique francophone.
Une excursion effectuée en marge de la 2ème Conférence internationale de haut niveau sur l’installation de géoparcs et de centres de sciences pour la promotion de la culture scientifique en Afrique francophone, tenue récemment à Dakar, avec des membres de l’Association africaine des femmes en géosciences (Aawg), et des scientifiques réunis au sein de l’Agence nationale de la recherche scientifique appliquée (Anrsa), a permis de mieux appréhender ce nouveau concept développé, depuis peu, par des scientifiques de diverses disciplines considérant la terre comme le patrimoine qui nous supporte, nous nourrit, nous offre de multiples paysages et ressources qu’il convient de préserver pour les générations futures.
Géoparc est né de la contraction de geos + patrimoine + aménagement + agriculture + richesse + culture. C’est donc ce concept que l’Agence nationale de la recherche scientifique appliquée, dirigée le Dr Sophie Gladima Siby, veut traduire en réalité dans les villages de la Petite côte afin d’y booster le développement socio-économique tout en protégeant les ressources naturelles et le patrimoine socioculturel de ladite contrée.
Une initiative qui, aux yeux des acteurs de développement, ne relève pas d’une œuvre herculéenne, car le site choisi regorge d’atouts géographiques considérables.
Déjà protégée des courants nordiques par la plongée océanique de la pointe dakaroise, la Petite côte profite aussi d’une déviation des précipitations par les îles du Cap-Vert. Ici, la plage de sable fin s’étend à perte de vue. En effet, longue d’environ 100 kilomètres, le paysage de la Petite côte, de Yène à Joal-Fadiouth, en passant par Ngazobil, Mbodiène et Somone, entre autres sites retenus dans le géo- parc, est d’une beauté hallucinante.
La somptuosité de la nature, comme dans un conte de fée, subjugue la pensée insatiable du visiteur qui s’en délecte pour la première fois, comme cette géologue congolaise venue de son pays pour contempler les roches sablo-argileuses du maestrichtien sénégalais.
Pourtant, dans cette partie de la façade maritime du Sénégal, où les « bolong » se faufilent dans la mangrove, comme à Joal et à Fadiouth, un phénomène mondialement connu est
en train de prendre des proportions inquiétantes : il s’agit de l’érosion marine. Le phénomène est surtout visible sur les falaises qui bordent le rivage. Sur ces monticules qui s’étendent à perte de vue, un pan de l’histoire s’érode sous la menace de la houle.
Les falaises de Yène menacées de disparition
Selon une étude récente, les évolutions climatiques, telles que pré- vues par les modèles climatiques globaux, indiquent une hausse de la température moyenne annuelle sur les côtes sénégalaises de l’ordre de 1,1 à 1,2 degré Celsius à l’horizon 2080. D’ici à 2080, du fait de l’élévation du niveau marin, les trois quarts du littoral devraient passer en risque fort d’érosion, informe la même source.
Déjà sur le terrain, la situation est plus qu’alarmante. Les falaises qui s’érigent en rempart contre le phénomène s’érodent au pied laissant derrière elles un spectacle de désolation pour les géologues.
Si l’on n’y prend garde, la disparition des falaises de la Petite côte emporterait avec elle tout un pan de l’histoire de la terre dans cette partie du Sénégal. Nombre d’entre elles sont rongées par les eaux y compris les quais qui se rétrécissent de plus en plus.
« Si on n’avait pas interdit l’extraction du sable marin le long de la côte, ces falaises ne constitueraient que de l’histoire ancienne », souligne un habitant de Yène.
Le cordon dunaire qui ceinture la plage n’échappe pas aussi au phénomène. Pourtant, comme le dit le Pr. Fall, il renferme, de nos jours, les eaux souterraines du maestrichtien dans la zone.
C’est dans les falaises de Yène et de Popenguine que l’on rencontre en quantité abondante les sources d’eaux douces au Sénégal, nous indique-t-on. Les scientifiques réunis autour du projet de géoparc estiment que l’érosion marine risque, à terme, d’entraîner la disparition des roches témoins de l’histoire de la terre dans la Petite côte.
« Outre le phénomène naturel, l’action de l’homme y a joué un rôle majeur », se désole la directrice générale de l’Agence nationale de la recherche scientifique appliquée, Sophie Gladima Siby. Elle déplore également le fait que les gens sont venus construire sur ces falaises.
Joal se réjouit d’accueillir le projet
En attendant d’y voir clair, la di- rectrice générale de l’Agence nationale de la recherche scientifique appliquée s’attèle à la création de petits jardins familiaux appelés « Tollu Keur » pour aider les femmes à mieux exploiter leur environnement tout en veillant à la protection de la nature.
« La préservation de notre environnement et des sites géologiques peut être un outil de développement de la géo-éducation et du géo-tourisme », soutient Mme Siby. Elle estime aussi que le projet de géoparc contribuera à la création d’emplois et à la génération de revenus dans les sites retenus.
La présidente d’Aawg/section Sénégal partage cette vision avec les élus locaux de la Petite côte. Le maire de Joal, Boucar Diouf, magnifie le fait que sa commune soit retenue pour accueillir un tel projet. « Joal va tout faire pour montrer qu’elle mérite d’être retenue », souligne-t-il.
M.Diouf réitère son engagement à tout mettre en œuvre pour susciter un engouement réel autour du projet. L’édile de Joal mise ainsi sur la sensibilisation des populations et des acteurs impliqués, afin que le géoparc puisse contribuer à booster le développement endogène dans cette partie méridionale de la presqu’île du Cap-Vert.