UN TRAIT D’UNION POUR RAFFERMIR OU DIVISER LES RELATIONS MATRIMONIALES?
PANIER SOUKEROU KOOR
En ce mois de ramadan, le bienfait n’est jamais perdu. Et ce ne sont pas les belles filles qui diront le contraire. Elles qui, pour séduire ou se faire aimer par leurs beaux parents, en profitent pour leur combler de cadeaux. Tous les moyens sont bons pour se faire remarquer. Cette tradition bien sénégalaise, communément appelée soukerou koor, consiste à offrir soit du sucre, des pièces de tissus, des paniers remplis de provisions. Jadis, observé uniquement chez les femmes mariées, les filles célibataires, l’ont, aussi, adopté pour en faire un moyen de pression ou un subterfuge obligeant leurs partenaires à les épouser. Mais, ce geste de teranga constitue, pour la plupart des femmes, un énorme supplice. Reportage…..
Des «paniers ndogou» au sucre en passant par les pièces de tissus Gagnila, Geztner, brodé Autriche, thioub, jusqu’aux mets appétissants, le soukerou koor ne manque pas de couleur en ce mois béni de ramadan. Les bonnes dames rivalisent d’ardeur au grand bonheur ou devrait-on dire… bénéfice des belles familles. Le geste est noble mais l’intention est douteuse pour certains.
Les avis sont, ainsi, partagés quant aux véritables motivations des femmes mariées. «Avant, c’était les awo qui le donnaient à ses coépouses et c’était juste du sucre pour raffermir les liens», nous confie la dame Aminata Gueye, vendeuse de tissu à Sandaga. Le soukerou koor était, donc, une manière de sympathiser, de raffermir les relations entre co- épouses, et surtout de faciliter la communication entre elles.
Mais actuellement, les choses semblent se faire à l’envers. Car tout le monde s’y mêle, mariées et célibataires se bousculent dans les espaces de vente de ces paniers. Sans lésiner sur les moyens, ces bonnes femmes font tout pour amadouer leurs belles familles. Dans ces grands espaces, les «paniers ndogou» sont placés en hauteur et surtout à l’entrée. Parfois même, ils sont posés tout près de la caissière aux vues de tous.
Les supermarchés, hypermarchés et espaces de vente des produits alimentaires sont les lieux où l’on vend ces produits. La vente se fait par catégorie et le prix se fixe selon le contenu du panier. Et lors de ces achats, rien n’est laissé en rade. Elles choisissent minutieusement leur panier suivant le goût de leur goro. «Les femmes, qui le font, ne récoltent que la haine de leurs maris», selon Assane Mbaye
Cependant, cette pratique ne fait pas l’unanimité. Les hommes et les femmes ne le conçoivent pas de la même manière. Pour Assane Mbaye, mé- canicien de profession rencontré au crédit foncier en pleine activité de réparation d’un 4x4 noir aux vitres teintées, il est impensable qu’il donne à sa femme de l’argent pour ces «futilités».
Ce dernier, très caté- gorique dans sa position, trouve que «c’est du gâchis, et les femmes, qui le font, ne récoltent que la haine de leurs maris, car même si ces derniers acceptent de sortir l’argent, ils le font à contre cœur car les temps sont très durs». Sur la même allée, Marième Diedhiou, habillée d’un grand boubou blanc, foulard bien noué à la professionnelle, sac à main bleu assortie à ses jolies chaussures, trouve que le mariage au Sénégal est très dur.
«Déjà lors des mariages, baptême et autres cérémonies, on offre les belles mères de cadeaux et au mois de ramadan, il faut encore leur donner du soukerou koor», se désole notre interlocutrice. Cette dame, très remontée contre ces pratiques, vit avec sa belle-mère et de deux de ses belles sœurs. Ainsi, elle se dit incapable de s’en sortir si elle suit la cadence des autres femmes.
Tout le contraire de cette célibataire. Fatou Ndao, étudiante dans une école privée de la place, attiédit, quant à elle, et adopte le geste. «Pour moi c’est essentiel, je dois à tous prix offrir à la mère de mon petit ami un panier. En plus, le ramadan est un mois de partage.
Donc offrir un cadeau à ma future belle-mère ne peut qu’augmenter mes point au près d’eux. Et ils peuvent même plaider en ma faveur pour que je sois très vide mariée et comme motif, elles vont dire que je fais bien la teranga», fait-elle savoir.
Même si c’est recommandé de faire des cadeaux, force est de remarquer que cela doit se faire à condition d’avoir les moyens sainement et surtout de ne pas le faire pour la séduction. Et les actes sains peuvent leur faire gagner la satisfaction divine. Le soukerou koor est bel et bien un acte noble et joli à voir, mais cela devrait se faire sans laisser des séquelles.