''UNE PENSION MINIMALE DÈS 2015''
MAMADOU SY MBENGUE, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’IPRES
Servir les meilleures prestations aux retraités du Sénégal. Telle est l’ambition du nouveau directeur général de l’Ipres, Mamadou Sy Mbengue. Dans cet entretien accordé au « Soleil », M. Mbengue exprime toute sa volonté de maintenir les acquis déjà engrangés dans ce sens, mais aussi de décentraliser davantage les activités de l’Ipres à travers l’ouverture de nouvelles agences et d’un nouveau centre médico-social à Pikine. L’institution de la pension minimale en 2015 reste aussi un de ses grands projets.
Qu’en est-il du Plan Sésame ?
Pour le Plan sésame, il faut noter, qu’au départ, l’Etat avait décidé de mettre 700 millions de FCfa et l’Ipres 300 millions de FCfa. Même si l’Etat a failli sur toute la ligne, cela n’a pas empêché l’Ipres de mettre, depuis lors, annuellement, les 300 millions dans les hôpitaux et autres districts sanitaires du pays pour ses allocataires.
Et depuis la création du projet jusqu’à à nos jours, c’est-à-dire en 8 ans, l’Ipres a mis plus de 3,5 milliards de FCfa. Pour la prise en charge des maladies à soins coûteux, l’Ipres met, annuellement, près de 60 millions de FCfa. Et ce sont toutes les pathologies qui sont prises en charge. Nous assistons à une croissance exponentielle des charges de l’action sociale et sanitaire comme en attestent les charges de fonctionnement du centre médico-social où l’Ipres, de 2009 à 2013, a injecté 5,4 milliards de FCfa, pratiquement la totalité du fonds social.
Et chaque année, il y a des dépassements et des préfinancements que nous effectuons dans les hôpitaux. Récemment, le Conseil d’administration a décidé d’interpeller l’Etat dans le cadre de la Cmu pour qu’on puisse trouver un mode de financement alternatif. L’idée est de demander à l’Etat de renoncer aux impôts et taxes qui grèvent aujourd’hui les pensions, non pas pour venir renflouer les caisses de l’Ipres, mais pour que cette somme aille à la Cmu.
Globalement, cela fait 500 millions de FCfa par an. C’est un projet qui est en train d’être piloté. Il y aura une saisine de l’Etat et nous avons bon espoir étant donné que la politique sociale est au cœur de la politique gouvernementale sous le magistère du président Macky Sall.
Aujourd’hui, à l’Ipres, la préoccupation majeure est de servir les meilleures prestations aux allocataires. Vous avez noté récemment qu’il y eu une augmentation de 5% des pensions. En fait, il est bon de noter que les pensions en cours de paiement sont revalorisées chaque année en les faisant suivre, dans les possibilités financières des régimes, aux salaires des travailleurs affiliés. Par ce système d’indexation, une pension servie en 1958 a été multipliée par presque 10 tandis qu’une nouvelle pension de 2002 a presque doublé en 2014.
Justement, quel impact cette mesure aura-t-elle ?
En fait, ces 5% peuvent paraître faible, mais il faut noter que cela va coûter à l’Ipres près de 2 milliards de FCfa. Il y a des paramètres qui sont mis en jeu et il faut vraiment reconnaître que l’Ipres a fait plus que ce qui était attendu jusque-là. Avec le temps, on a eu des augmentations successives qui sont allés au-delà de ce que les retraités étaient en droit d’attendre.
Les augmentations doivent normalement suivre celles des salaires. On doit tenir compte également de l’indice harmonisé des prix à la consommation. Mais très souvent, le Conseil d’administration a pris des décisions politiques pour aider les retraités.
Tout ce qui a été fait jusque-là va souvent au-delà des recommandations de la Banque mondiale. Les pensions au Sénégal ont augmenté de plus de 50% entre 2002 et 2014, c’est-à-dire en 12 ans seulement.
Avec le taux d’augmentation des pensions, l’allocation la plus importante est de l’ordre de 870.000 FCfa par bimestre. Des efforts seront maintenus mais il ne s’agit pas de dire que l’Ipres a des réserves pour y puiser et faire des augmentations. Il faut comprendre qu’il nous a été fait obligation de payer non seulement les pensions en cours, mais de disposer aussi de deux ans de réserves pour qu’en cas de situation exceptionnelle, l’institution soit en mesure de payer intégralement les pensions de retraite pendant deux ans et être aussi en mesure de fonctionner. Il ne s’agit donc pas d’aller puiser dans les réserves et faire des augmentations.
L’objectif cherché dans les augmentations, c’est d’accroître le pouvoir d’achat de nos retraités. On souhaiterait avoir toujours une bonne santé financière qui nous permettra, régulièrement, d’opérer des augmentations et d’améliorer le pouvoir d’achat des retraités, car les études ont montré qu’au Sénégal, plus de 35% des ménages sont gérés par des retraités.
Annuellement, la direction des études, sur la base de certains paramètres, effectue des stimulations pour voir comment procéder à des augmentations de pensions. Mais il faut aussi comprendre qu’aujourd’hui, ce que nous sommes en train de payer aux retraités actuels n’est pas de l’argent qu’ils ont gardé ici.
Les études ont montré qu’en 8 ans au maximum, chaque retraité consomme le montant qu’il a cotisé durant toute sa carrière même s’il fait 35 ans de carrière. Mais, on continue à lui payer sa pension même s’il est là pendant 30 ans et au-delà s’il a des veuves. Autrement dit, c’est la solidarité intergénérationnelle qui fonctionne. C’est pourquoi nous sommes d’avis qu’il a un besoin de revoir tout le système pour mieux appréhender les choses.
Y-a-t-il des projets en cours pour rendre beaucoup plus proche l’Ipres de ses allocataires ?
Justement, en termes de ressources humaines, des efforts de recrutement sont faits régulièrement pour mieux prendre en charge les préoccupations de nos retraités et décentraliser davantage nos activités parce que nous avons une mission de service public. Immédiatement pour 2014, le Conseil d’administration a autorisé l’ouverture d’une nouvelle agence à Matam, celle d’un bureau à Podor. Richard Toll qui était un bureau est érigé maintenant en agence. Le bureau de Kolda sera aussi érigé en agence et nous aurons
également une nouvelle agence à Mbour. Le Conseil d’administration nous instruit aussi de faire des études pour l’ouverture de nouvelles agences dans les nouvelles régions de Kédougou, Sédhiou, Kaffrine, Fatick. Notre objectif, ce n’est pas la rentabilité du bureau créé, mais répondre à notre service public et nous rapprocher des populations.
C’est ce que nous sommes en train de faire avec le service social. Cette année, nous comptons élargir nos activités à Vélingara et dans des départements comme Tivaoune. Nous voulons couvrir l’ensemble des départements du pays comme notre mission nous l’exige ».
Où en êtes-vous avec les projets de minimum vieillesse et de pension minimale ?
Le « minimum vieillesse » et la pension minimale sont des projets de l’Etat et du gouvernement que le président Macky Sall a décidé d’instituer au Sénégal. Pour le « minimum vieillesse », il s’agira, pour chaque Sénégalais âgé de plus de 60 ans, même s’il n’a jamais travaillé, d’avoir une allocation chaque fin de mois, c’est-à-dire qu’une allocation mensuelle lui sera attribuée même s’il n’a jamais travaillé.
Cela entre dans la politique sociale du gouvernement du Sénégal et de la bonification retraite. De ce projet, sont exclus les retraités du Fnr et de l’Ipres qui sont déjà couverts. Il va également avec le projet de la mensualité des pensions.
Quant à la pension minimale, il s’agit d’une alternative imaginée par le gouvernement depuis 2009. Aujourd’hui, le Conseil d’administration a décidé d’en faire un projet prioritaire pour qu’à partir de 2015, une pension minimale soit servie à nos retraités. Les cibles de la pension minimale restent naturellement les retraités directs de l’Ipres.
Elle va permettre d’élever, à un certain niveau, les pensions et de repenser le mode de paiement. Comme tantôt évoqué, on parle souvent de la faiblesse de nos pensions du fait du système actuel et nous nous sommes rendus compte qu’il y a des retraités qui ne perçoivent que 10.000 FCfa par mois. En attendant que des mesures soient prises dans la refonte du système, le Conseil d’administration a instruit de mener des études pour l’institution d’une pension minimale à partir de 2015.
Il s’agit de définir un montant en deçà duquel, il sera impossible de servir une pension. Mais cela demande des mesures d’accompagnement à cause du temps de stage à l’Ipres et au nombre de points retenus. Les premières tendances montrent toutefois que c’est à l’ordre du possible et cela permettra aux retraités de pousser un ouf de soulagement. On s’est rendu compte que plusieurs milliards sont à décaisser par an pour ce nivellement.
Parallèlement, nous sommes en train de travailler pour booster nos recouvrements. Nous sommes en deçà de 50% de nos capacités dans ce domaine. Nous voulons aller dans le sens de l’amélioration des pensions et de la couverture maladie. Cela nécessite une bonne santé financière.
A quand l’entrée en vigueur de la hausse des 5%? La mesure bénéficiera-t-elle d’un effet rétroactif?
Cette hausse concerne l’année 2014. Et dès le paiement de ce bimestre qui démarre le 18 courant, elle entre en vigueur et elle bénéficie d’un effet rétroactif à partir de janvier 2014. Déjà, pour ce bimestre, près de 2 milliards de FCfa seront déboursés de plus pour prendre en compte l’application de cette mesure.
Plus exactement, 1.968.523.670 de FCfa. Nous allons également mettre, durant ce bimestre, une enveloppe de 4.078.804.433 de FCfa pour les avances tabaski et qui seront payés également au courant de ce 5ème bimestre de l’année. Pour l’échéance de ce 5ème bimestre, les 129.725 allocataires vont donc coûter à l’Ipres, en un seul tenant, 16.465.228.890 de FCfa au total. Tous les bimestres, l’Ipres débloque, au minimum, 9 milliards de FCfa pour le paiement des allocations.
Dans son fonctionnement, l’Ipres est-elle en train de réfléchir à l’informatisation de son système ?
Vous évoquez là un des projets prioritaires de l’institution. Aujourd’hui, le talon d’Achille de notre institution reste son système d’information. Beaucoup de choses se font encore manuellement dans la boîte. Nous souhaitons moderniser globalement le système.
Nous avons un projet prioritaire : la liquidation automatique. Et nous comptons le réaliser dans un bref délai. Il sera bénéfique pour tout le monde, car cela permettra de raccourcir les délais de traitement de dossiers et d’aller vite dans le paiement des allocations. La modernisation du système d’information ainsi que la mensualisation des pensions restent nos grands projets et nous sommes en phase avec le Conseil d’administration et son président, Mamadou Racine Sy.
En termes de perspectives, que peut-on attendre de l’Ipres durant les prochaines années dans l’amélioration de l’offre de service ?
Outre notre mission régalienne, à savoir servir des prestations en espèces et en nature, nous voulons instituer, en 2015, la pension minimale. Le projet nous tient à cœur. Nous voulons également décentraliser, le maximum possible, nos actions sociales.
Nous avons proposé au Conseil d’administration et qui l’a accepté, le projet de désengorgement de l’actuel centre médico-social de Dakar qui reçoit, par jour, environ 500 à 600 retraités par la création d’une antenne dans la banlieue, à Pikine. Le projet est en cours et nous pensons que, dans les trois mois à venir, le centre sera fonctionnel.
Notre objectif est d’être plus proche de nos pensionnaires. En outre, les institutions de prévoyance retraite ont un rôle à jouer dans les équilibres économiques. Il a été démontré récemment qu’elles sont les premiers investisseurs au niveau mondial avec plus de 20.000 milliards de dollars Us de part de réserves. Le Sénégal n’est pas en reste.
Il nous faut donc avoir, au moins, deux années de réserves de pensions mais aussi faire des investissements et veiller à ce qu’ils puissent nous aider à sécuriser nos fonds. L’Ipres a été sollicitée par le gouvernement du Sénégal au même titre que la Caisse de sécurité sociale pour intervenir dans des programmes de logements sociaux.
Nous avons également une certaine marge qui nous permet de faire des placements dans les banques pour faire vivre l’économie nationale. L’Ipres ne sera pas en reste dans les projets sociaux de l’Etat qui permettront de mobiliser des ressources.
Autre projet, c’est celui de la préparation du futur retraité à travers un plan de communication. On s’est rendu compte que des gens n’ont la bonne information qu’une fois partis à la retraite. On a mis en place un groupe de travail qui a finalisé les termes de référence qui seront partagés avec le ministère.
La prise en charge psychologique semble très importante. Nous avons, en perspective, la création d’une section de reconstitution des carrières pour permettre à l’employé de s’imprégner de sa situation au moins cinq ans avant d’aller à la retraite.
Qu’en est-t-il du secteur informel dans lequel évolue aujourd’hui la majeure partie des travailleurs au Sénégal ?
Vous avez raison d’évoquer ce problème. Ce chantier reste aussi un autre projet pour l’Ipres. Il s’agit de voir comment aller vers de nouveaux groupes de travailleurs et les amener à se formaliser. Le vivier est dans le secteur informel. Nous devons commencer à l’exploiter et amener les gens à se formaliser et à cotiser à l’Ipres.