VIDEOÀ FERGUSON, LES AFRO-AMÉRICAINS POUSSÉS À BOUT PAR DES DISCRIMINATIONS PERMANENTES
Garder les mains en l'air, dire "oui monsieur", "non monsieur". Sean Jackson a pris grand soin d'apprendre à son fils de 25 ans comment se conduire avec la police. Pour "ne pas qu'il se fasse tuer". Ainsi va la vie d'un homme noir à Ferguson.
"Tout homme noir au volant d'une voiture à Ferguson est un homme nerveux, parce qu'il a peur des contrôles de police", affirme M. Jackson, 45 ans, qui décrit cette petite ville du centre des Etats-Unis comme l'une des plus entachées de préjugés raciaux du pays.
"On a peur d'être tué ou incarcéré, ou d'avoir une amende. On espère s'en tirer avec une amende. Quand chaque jour on vit sur les nerfs, ce n'est pas marrant", conclut-il devant un magasin calciné après la pire nuit de violence qu'a connue cette banlieue de Saint Louis depuis que Michael Brown a été tué.
La communauté noire de Ferguson n'a cessé de manifester depuis que cet adolescent de 18 ans sans arme a été abattu le 9 août par Darren Wilson, un policier blanc.
La décision, annoncée lundi, d'un grand jury de ne pas ouvrir de poursuites contre M. Wilson a mis le feu aux poudres et déclenché lundi soir une nuit d'émeutes, de pillages et d'incendies.
Le Bureau américain des statistiques judiciaires a recensé aux Etats-Unis 2.931 homicides "liés à des arrestations" entre 2003 et 2009, presque tous portant sur des hommes, la moitié d'entre eux âgés de 25 à 44 ans.
Les Noirs représentent 32% de ces victimes alors qu'ils ne forment que 13% de la population.
D'après le ministère américain de la Justice, Noirs et Hispaniques ont trois fois plus de chances d'être fouillés que les Blancs lors de contrôles routiers, et font quatre fois plus l'objet de l'usage la force lors d?interactions avec la police.
Un Noir sur trois passe par la prison, note aussi le cercle de réflexion Center for American Progress.
- Les Blancs ne peuvent comprendre -
"En tant qu'homme noir, je sais que ça aurait pu tomber sur moi", assure Darrell Alexander, 56 ans, un infirmier à la retraite, en référence aux balles qui ont abattu Brown.
"Justice n'a pas été faite et les jeunes sont en colère, ils ont de quoi. Toute cette affaire, c'est du racisme à l'état pur", poursuit-il.
Il dit approuver l'action de Copwatch, une organisation qui enregistre et étudie les plaintes déposées contre des policiers dans le but de promouvoir la sécurité publique et de faire rendre des comptes aux forces de l'ordre.
A Ferguson, celles-ci sont à large majorité blanche alors que la population est aux deux tiers noire.
Il y a deux ans, M. Alexander raconte qu'il a été contrôlé par la police à minuit, alors qu'il conduisait dans le quartier cossu où il vit.
Avec ses cheveux en dreadlocks "je n'avais pas le style du quartier, donc ils m'ont collé une amende....", soupire-t-il.
"C'est le genre de choses que l'Amérique blanche et privilégiée ne peut pas comprendre. Ca ne leur arrive pas", explique-t-il.
MZ Tay, qui porte un T-shirt à la mention "pas de justice, pas de paix" et qui travaille elle aussi comme infirmière, a estimé, les larmes aux yeux, que Ferguson était au bord de l'explosion: "Ca va encore empirer avant qu'on voie une amélioration. Je m'attends à voir d'autres endroits s'embraser".
"Ce n'est que le début parce que tout le monde est encore sous le choc. Tout le monde est tellement furieux qu'on en soit encore" à des incidents qui rappellent "l'esclavage", argumente-t-elle.
Elle dit qu'elle garde un appareil photo dans sa voiture pour enregistrer chaque fois qu'elle se fait interpeler par la police au volant de sa voiture de luxe.
"Pourquoi à chaque fois que vous nous voyez dans une belle voiture (...) vous pensez qu'on vend de la drogue?".
Terrence Williams, 23 ans, a pour sa part passé toute la journée de mardi à nettoyer les rues après les émeutes de la nuit.
Diplômé de droit criminel, il rêve de devenir policier. Pour offrir "un modèle positif" aux jeunes.