CES «INTERMEDIAIRES AFRICAINS RESTES DANS L’OMBRE»
COLLOQUE DE DAKAR - REAPPROPRIATION D’UN SAVOIR ETHNOLOGIQUE
L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad II) accueille ce mercredi 22 mars à 9h, et jusqu’au 24 mars prochain le colloque de Dakar, sur les Médiations africaines dans la construction et la réappropriation d’un savoir ethnologique. Une façon de revenir sur le «rôle sous-estimé» de ces intermédiaires africains «restés dans l’ombre des explorateurs européens qui n’en feront guère mention». Dans un contexte où l’ethnologie elle-même serait une discipline «en crise». Maguèye Kassé et ses collaborateurs étaient en conférence de presse hier, lundi 20 mars à l’Ucad II.
Parmi les précédents colloques du genre, on citera celui de novembre 2016 à Francfort en Allemagne, sur les usages de la temporalité dans les sciences sociales, comme on citera celui du mois d’après, au musée du quai Branly, sur un sujet comme celui-là : Savoir ethnologique et connexions africaines, de 1850 à 1950. Le colloque de Dakar, qui baissera les volets le 24 mars, s’ouvre quant à lui ce mercredi 22 mars à 9h à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad II), où l’on s’intéressera aux Médiations africaines dans la construction et la réappropriation d’un savoir ethnologique.
En conférence de presse hier, lundi 20 mars à l’Ucad, le Pr Maguèye Kassé du département Langues et civilisations germaniques de l’Université de Dakar expliquera que dans ses grandes lignes, le colloque de Dakar va poser la «question des médiations africaines dans la construction d’un savoir africaniste en Europe, et dans la réappropriation de ce savoir, par les intellectuels africains». Que ce soit «pendant la décolonisation», ou au cours de cette période où les «études africaines» se sont plus ou moins développées «dans les universités des jeunes états indépendants».
Sans oublier que, d’une certaine manière, le colloque viendra combler un vide, dans un contexte où ces études africaines ne seraient pas représentées dans nos universités.
Maguèye Kassé, qui donne ainsi l’exemple de l’Ucad, revient sur cet épisode d’il y a plus d’une dizaine d’années, où il était question, à l’époque, de mettre «sur pied un Institut des Etudes africaines».
A la place, plusieurs «tiraillements», et un certain nombre de points de «désaccord», à la fois sur les «concepts» et sur les «contenus», mais aussi sur l’endroit, ou l’espace universitaire, qui devrait abriter cet institut-là : entre l’Ifan, la Faculté des Lettres, ou un département à l’intérieur de cette même Faculté…
En termes de médiation, on évoquera «le rôle fondamental (…) mais souvent sous-estimé des intermédiaires africains», guides, traducteurs ou interprètes, «élites politiques» ou «élites savantes»…Mais avec une pensée toute particulière pour tous ces intermédiaires «restés dans l’ombre des explorateurs et (autres) chercheurs européens, qui n’en feront guère mention» : Au cœur de ce projet, il sera forcément question de l’histoire de l’ethnologie, considérée comme une «discipline de colonisateurs», où les autres passeraient pour des «objets» de recherche. Pas forcément, nuance le chercheur Jean-Louis Georget du Centre Georg Simmel de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, qui préfère présenter l’ethnologie comme une «construction : les ethnologues viennent avec leurs idées, avec leurs rêves, et ils s’imaginent qu’ils vont trouver ce qu’ils cherchent. La réalité qu’ils rencontrent n’est pas (toujours ?) ce qu’ils cherchent», et voilà qu’ils «repartent avec tout autre chose».
Sans oublier que le contexte, lui-même, est intéressant. Jean-Louis Georget dit à ce sujet que dans l’Europe d’aujourd’hui, «l’ethnologie est une matière en crise», entre autres parce qu’on se retrouve dans un espace «globalisé», où «les mondes se ressemblent»…
Et le colloque de Dakar devrait justement permettre de comprendre «pourquoi on en est arrivé là». En plus de «décoloniser ce savoir» sur une «Afrique des tribus» et des peuples «primitifs».
Pays invités de ce colloque de Dakar : la Gambie, le Togo, le Nigeria, le Brésil et les Etats-Unis.